Éclosion de COVID-19 dans le Grand Nord : un avertissement pour le reste du Canada?
Bien que près de 80 % de la population des Territoires du Nord-Ouest soit considérée comme pleinement vaccinée, la flambée du nombre de cas de COVID-19 et les hospitalisations qui l’accompagnent exercent une pression sans précédent sur le système de santé territorial.
De 0 à 374 cas actifs en 6 semaines
Après près de deux mois sans nouveau cas, le territoire qui compte environ 50 000 habitants est passé à 374 cas actifs en six semaines, entre la mi-août et le début d’octobre.
Durant la même période, 6 personnes sont décédées et 36 autres ont été hospitalisées, dont 13 aux soins intensifs, confirme la médecin hygiéniste en chef du territoire, Kami Kandola.
« Nous vivons ce que j’appellerais une nouvelle pandémie Delta, dans laquelle 100 % des cas sont liés au variant Delta », explique-t-elle.
Si la majorité des cas recensés et des personnes hospitalisées (environ 70 %) ne sont pas pleinement vaccinés, il reste que 30 % des personnes déclarées positives ou hospitalisées ont reçu toutes les doses prescrites.
À Yellowknife, l’épicentre de la récente éclosion, les six lits de soins intensifs de l’Hôpital territorial Stanton, les seuls du territoire, « sont occupés par des patients atteints de la COVID-19 », explique la ministre de la Santé et des Services sociaux du territoire, Julie Green.
« Je suis extrêmement inquiète de ce qui se passe à Yellowknife et à Behchokǫ̀ », ajoute la ministre.
Un porte-parole du ministère précise toutefois que la capacité des soins intensifs de l’hôpital pourrait être augmentée à huit lits si nécessaire et que la situation évolue d’heure en heure.
L’ennui, note Mme Green, c’est que le territoire « n’a pas encore atteint de plateau ». « Le nombre de cas continue d’augmenter et nous nous préoccupons de la réponse à y donner. »
La maladie au-delà de la deuxième dose
Malgré le fort taux de pleine vaccination, qui s’établit à 82 % à Yellowknife et à environ 80 % dans le reste du territoire, les éclosions actuelles montrent certains signes de l’affaiblissement de l’immunité procurée par les vaccins au fil du temps, croit la Dre Kandola.
« Nous avons eu la chance de recevoir de nombreuses doses très tôt et de les injecter à une bonne cadence », explique-t-elle.
Elle rappelle que la plupart des personnes considérées comme à haut risque avaient déjà reçu leurs deux doses en février et que le reste de la population a connu un pic d’injection de seconde dose en mars.
L’immunisation rapide a certes permis aux Ténois d’éradiquer la COVID-19 du territoire pendant quelques mois, mais elle pourrait être devenue l’un des facteurs qui contribuent aux éclosions actuelles.
Cet affaiblissement de l’immunité procurée par les vaccins doit être perçu comme un appel à redoubler de vigilance, souligne Kami Kandola.
« Ce qu’on commence à voir, c’est ce qu’Israël, le Royaume-Uni et les États-Unis ont déjà vécu », explique-t-elle.
« Environ cinq mois après la deuxième dose, on voit apparaître des cas » chez les personnes pleinement vaccinées, affirme-t-elle, ajoutant qu’on « en voit de plus en plus à mesure que le temps passe ».
Certaines personnes vaccinées, mais atteintes de la COVID-19, peuvent développer de graves symptômes, mentionne la médecin hygiéniste en chef.
Elle précise toutefois que la plupart des cas recensés chez des personnes pleinement vaccinées touchent celles qui ont eu des contacts prolongés avec des personnes infectées.
Un signal pour le reste du pays
Lorsqu’on lui demande si la situation des Territoires du Nord-Ouest doit servir d’avertissement au reste du pays, la Dre Kandola est catégorique : « Absolument! Je crois que les T.N.-O. doivent servir d’exemple. »
Selon le médecin spécialisé en maladies infectieuses Andrew Morris, de Sinai Health, à Toronto, le reste du Canada pourrait voir les effets de l’atténuation de l’immunité se manifester dès la fin d’octobre.
Pour répondre à la diminution de l’immunité, les Territoires du Nord-Ouest offriront une troisième dose de vaccin contre la COVID-19 aux personnes de 75 ans et plus et aux travailleurs de la santé de première ligne des régions de Yellowknife et Behchokǫ̀, les plus touchées par les récentes éclosions.
Pour le reste de la population, il faudra attendre une décision du Comité consultatif national de l’immunisation, qui est « actuellement en train d’évaluer la question », explique Kami Kandola.
Cette évaluation ne devrait toutefois pas trop attendre, croit le Dr Morris. « Si tous les gouvernements du Canada attendent de s’apercevoir que les vaccins ont moins d’effet avant de donner une troisième dose, il pourrait être trop tard », conclut-il.
Avec des informations de Sidney Cohen, Juanita Taylor, Amy Tucker et Mark Gollom