Arctique canadien : l’impact nocif de la pandémie sur la santé mentale

Bien que les mesures sociétales et sanitaires reliées à la pandémie de la COVID-19 aient fait en sorte de freiner la propagation du virus, elles ont également eu de lourdes conséquences sur l’état de santé mentale, déjà fragile, des habitants du Nord. (Photo : iStock)

La pandémie de la COVID-19 a fait bondir le nombre de consultations reliées à la santé mentale dans l’Arctique canadien, alors que les ressources d’aide dans ce domaine y sont déjà insuffisantes.

Représentant l’un des enjeux majeurs en santé et passant fréquemment au second rang dans la prestation des services derrière les problèmes de santé physique, les demandes de soins reliées à la santé mentale occupent pourtant une proportion importante des consultations dans les centres de santé des territoires.

Bien que les mesures sociétales et sanitaires reliées à la pandémie de la COVID-19 aient fait en sorte de freiner la propagation du virus, elles ont également eu de lourdes conséquences sur l’état de santé mentale, déjà fragile, des habitants du Nord.

Alors que de plus en plus de ressources existent dans l’Arctique canadien pour traiter ces problématiques, tous s’entendent pour dire qu’il y a néanmoins une nécessité d’en faire davantage.

Une réalité nordique inquiétante

En plus de devoir apprendre à vivre avec une problématique de santé mentale, les résidents du Nunavut, des Territoires du Nord-Ouest et du Yukon qui présentent de tels problèmes se doivent également de trouver de l’aide appropriée à leur état dans un contexte où l’offre de services s’y avère déficiente.

« L’observation est qu’il y a moins de ressources et qu’il peut souvent être plus difficile d’accéder aux services en raison de la distance, de l’éloignement des communautés, des mauvaises télécommunications, etc. », affirme Tiffanie Tasane, directrice générale pour l’Association canadienne pour la santé mentale, division du Yukon.

Dans Pratiques prometteuses, une série de balados portant sur la santé mentale et les dépendances qui a été lancée par les premiers ministres des provinces et territoires, on trouve un épisode consacré à l’état de la situation au Nunavut.

Ce balado nommé Guérison permet d’entendre Loretta O’Connor, directrice générale du Secrétariat du Conseil de la fédération, énumérer divers facteurs sociaux qui contribuent à ce que la population de ce territoire soit touchée de façon plus significative qu’ailleurs au Canada par des problèmes de santé mentale.

« Par exemple, de nombreuses personnes vivent dans des maisons surpeuplées, de nombreuses personnes connaissent des difficultés économiques et de nombreuses familles ont souvent du mal à mettre de la nourriture sur la table, entre autres choses. Ces facteurs contribuent à un taux de suicide au Nunavut supérieur à la moyenne nationale », explique-t-elle alors qu’en date du 23 août 2021, le Bureau du coroner du Nunavut avait recensé 26 suicides depuis le début de l’année.

La pandémie et ses effets néfastes sur la santé mentale

En raison du caractère exceptionnel de la pandémie et des arrêtés de santé publique s’y rattachant, la crise sanitaire a apporté son lot d’inquiétudes, de stress et de frustrations au sein de la population.

Au niveau social, cela se traduit par le fait que les gens ne peuvent plus passer du temps entre amis ou en famille aussi facilement qu’auparavant en plus d’être davantage limités dans la pratique d’activités.

« Cela peut peser lourdement sur la santé mentale et le bien-être, d’autant plus que plusieurs de ces restrictions sont en place depuis longtemps. Pour les personnes souffrant déjà de problèmes de santé mentale ou de consommation de substances toxiques, la pandémie peut aggraver les symptômes existants », peut-on lire dans le Rapport Indicateurs sociaux Pandémie de COVID-19 publié par le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest en juin 2021.

Graphique issu du  Rapport Indicateurs sociaux Pandémie de COVID-19 (Source : Gouvernement des Territoires du Nord-Ouest)

Ce rapport présente des données sur le nombre total de consultations dans les centres de santé communautaires et les cliniques de soins primaires concernant les soins reliés à la santé mentale et y démontre clairement les conséquences de la pandémie.

« À quelques exceptions près, le nombre absolu de visites liées à la dépression et à l’anxiété a augmenté depuis la mise en place des restrictions liées à la pandémie en 2020. Le nombre le plus élevé de visites dans ces deux catégories a été enregistré en mars 2021 », indique le rapport dans lequel il est spécifié que la plus forte augmentation entre les années ciblées dans l’analyse s’est produite en novembre, où les visites pour cause de dépression ont augmenté de 76 % et celles pour anxiété de 46 %.

Il faut en faire davantage !

Bien que la santé mentale soit de plus en plus reconnue comme une composante essentielle de la santé générale, il y a urgence d’offrir davantage de ressources à la population.

« Au Yukon, on reconnaît que les ressources doivent s’adapter, et des initiatives ont été lancées pour répondre à ce besoin », déclare Tiffanie Tasane.

« Les territoires et l’ensemble du pays doivent remédier au manque de parité pour les ressources en santé mentale par rapport aux ressources en santé physique. »

Tiffanie Tasane, directrice générale pour l’Association canadienne pour la santé mentale, division du Yukon

Malgré le manque de ressources évoquées, de nombreux programmes de counseling communautaire offrent des rendez-vous le jour même dans les Territoires du Nord-Ouest et les résidents peuvent également communiquer avec une ligne d’aide accessible 24/7 au 1-800-661-0844.

Du côté du Nunavut, en plus de l’aide disponible en tout temps offerte aux employés du gouvernement ainsi qu’aux membres de la famille immédiate au 1-866-398-9505, une ligne téléphonique de soutien aux personnes âgées est accessible au 1-866-684-5056 et la ligne d’aide Kamatsiaqtut peut, quant à elle, être jointe en composant le 1-800-265-3333.

Le Centre de santé de Kivalliq, à Rankin Inlet, compte deux infirmiers en santé mentale au sein de son personnel soignant. Un psychiatre s’y rend en moyenne deux à trois fois par année. (Matisse Harvey/Radio-Canada)
Pénurie de main-d’œuvre

Au cours des derniers mois, de nombreux centres de santé des trois territoires, dont plusieurs situés au Nunavut, ont dû fermer leurs portes temporairement en raison d’une pénurie de personnel, ce qui a perturbé la prestation des services en général, y compris ceux reliés à la santé mentale.

« La pandémie de la COVID-19 et la pénurie nationale de personnel de santé ont compliqué le recrutement d’infirmières sur le territoire », a déclaré Lorne Kusugak, ministre de la Santé du Nunavut, par voie de communiqué.

La pandémie n’aura toutefois pas eu que des impacts négatifs en ce qui concerne la santé mentale, puisqu’elle aura permis de se renouveler et se réinventer dans l’offre de service à la population.

« Je crois également que la pandémie a permis une créativité et une flexibilité dans la prestation de services, c’est-à-dire la télésanté et le virtuel, ce qui n’était pas considéré auparavant comme une option », conclut sur une note plus positive Mme Tasane.

Karine Lavoie, L'Aquilon

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