L’artiste inuk Laakkuluk remporte le prestigieux prix canadien Sobey
Le Prix Sobey pour les arts, reconnu comme l’une des plus généreuses récompenses pour les artistes visuels contemporains au Canada, a été décerné à l’artiste inuk Laakkuluk Williamson Bathory, qui figurait sur une liste de cinq finalistes.
Établie à Iqaluit, cette créatrice multidisciplinaire a reçu le prix s’élevant à 100 000 $ lors d’une cérémonie, au Musée des beaux-arts du Canada, samedi soir.
Outre la fierté qu’une telle reconnaissance lui procure, Laakkuluk Williamson Bathory n’a pas manqué de souligner la précarité de la condition d’artiste féminine, a fortiori dans une région où le coût de la vie est trois fois plus élevé qu’ailleurs au Canada.
« Ce prix signifie surtout que je suis en mesure de soutenir ma famille grâce à mon travail d’artiste. Et ça, j’en suis très fière », a dit la lauréate entourée des siens en visite à Ottawa.
Le jury était composé de conservateurs canadiens et de deux jurés internationaux. Dans le communiqué, ils ont indiqué que Mme Williamson Bathory « transformait de façon provocante le cadre de référence de l’art contemporain ».
Réappropriation narrative
Originaire du Groenland par sa mère, Laakkuluk Williamson Bathory est née et a grandi à Saskatoon. Elle a déménagé à Iqaluit après ses études universitaires, il y a 17 ans. « Durant l’université, j’ai toujours dit que je travaillerai pour les Inuit et avec eux », soutient la lauréate, qui est aussi poétesse, actrice, conteuse et écrivaine.
Avec une lucidité sans concession, elle évoque la nécessité de « se réapproprier la narration de ses propres histoires » dans un effort de « décolonisation ». Elle se réjouit qu’une autre écrivaine inuite groenlandaise, Niviaq Korneliussen, ait remporté pour la toute première fois le Grand Prix de littérature du Conseil nordique, le 2 novembre dernier.
Ses principales influences? « Ma famille! », rétorque Mme Williamson Bathory. De son enfance imprégnée de contes échangés entre parents et entre amis, elle a gardé le goût de la narration qu’elle décline sur différents supports dans un langage très personnel.
Inclassable, oscillant entre performance, installation et approche conceptuelle, son travail artistique s’est fait remarquer grâce à l’uaajeerneq, une danse ancestrale de masques groenlandais qui consiste à raconter des histoires en mettant en scène trois éléments : la peur, l’humour et la sexualité.
« Ce numéro de clown questionne sur ce qu’est l’humanité », résume l’artiste, également lauréate du prix Dora Mavor Moore, en 2018, pour la pièce Kiinalik: These Sharp Tools.
Elle consacrera ces prochains mois à la réalisation d’un film en réalité virtuelle à partir de ses propres poèmes, ainsi qu’à la création d’une installation pour le Festival TransAmériques (FTA) à Montréal.
Une exposition collective au MBAC
Le Prix Sobey pour les arts, qui en est à sa vingtième année, est administré conjointement par la Fondation Sobey pour les arts et le Musée des beaux-arts du Canada (MBAC).
Il est décerné chaque année et met en lumière des artistes émergents canadiens prometteurs sur la scène internationale en leur consacrant une exposition collective.
Chacun des quatre autres finalistes – Lorna Bauer, Rémi Belliveau, Gabi Dao, et Rajni Perera – a reçu 25 000 $. Le travail des cinq finalistes est exposé au MBAC jusqu’en février 2022.
Les 20 autres artistes en lice ont reçu 10 000 $ chacun.