Le défi démographique des travailleurs transitoires dans le Grand Nord canadien
La population d’Iqaluit a fléchi de 4 % entre 2016 et 2021, passant de 7740 à 7429 habitants. Cette tendance à la baisse, mise en lumière dans les premières données du recensement de 2021, ne tient pas compte d’une frange importante de la population du Nunavut : les travailleurs transitoires.
Projet d’infrastructures, domaine de la santé, industrie minière… Bien des secteurs, au territoire, dépendent de travailleurs venus du sud du pays. Certains s’y rendent pour des contrats de quelques semaines, tandis que d’autres y demeurent plusieurs mois.
Le maire d’Iqaluit, Kenny Bell, souligne que ces travailleurs utilisent les infrastructures et les services du territoire lorsqu’ils séjournent dans la capitale, parfois durant une grande partie de l’année. « Ces personnes exercent une pression sur nos systèmes, que ce soit nos routes, nos égouts et notre eau », dit-il.
Comme leur lieu de résidence se trouve dans une province du Sud, ces travailleurs transitoires ne sont toutefois pas inclus dans les données du recensement au Nunavut.
Kenny Bell affirme avoir été surpris en constatant les données de Statistique Canada. « Il est indiqué que notre population a diminué, [mais] nous ne croyons évidemment pas que cela a été le cas. »
Le recensement est particulièrement important au Nunavut, soutient-il. « Nous avons besoin que ces chiffres soient précis parce qu’ils influent sur le financement que nous recevons du gouvernement du Canada. » Environ 80 % des revenus du territoire viennent de transferts fédéraux.
Résidences secondaires
Le démographe principal à Statistique Canada, Julien Bérard-Chagnon, admet que les travailleurs transitoires complexifient le dénombrement de la population du territoire.
« Le recensement dénombre la population à leur lieu habituel de résidence. C’est sûr que c’est une limite des données du recensement », indique-t-il.
Selon Julien Bérard-Chagnon, lors de chaque recensement, Statistique Canada mène des consultations visant à mieux cerner « les besoins émergents des utilisateurs des données ».
Il ajoute que l’agence fédérale discute de la possibilité d’ajouter une question portant sur les résidences secondaires dans le prochain recensement en 2026. « Cela permettrait possiblement de mieux dénombrer la population transitoire », dit-il.
Manque de recenseurs parlant l’inuktitut sur fond de crise sanitaire
La crise sanitaire est aussi un facteur qui n’a pas joué en faveur du recensement. Elle a compliqué la collecte de données et a retardé le déploiement d’employés sur le terrain. Le maire d’Iqaluit explique que certains résidents hésitaient à laisser entrer des recenseurs chez eux en temps de pandémie.
En raison des défis posés par la crise sanitaire, Statistique Canada a aussi dû composer avec une équipe d’employés près de quatre fois plus petite que l’objectif qu’elle s’était fixé et un manque de recenseurs capables de parler l’inuktitut.
L’objectif initial de Statistique Canada était d’embaucher 132 employés, dont 25 bilingues. Or, environ un mois et demi avant la fin du recensement, l’agence fédérale comptait plutôt 38 agents recenseurs dans ses rangs. Parmi eux, 12 parlaient l’inuktitut.
« Une des plaintes [du public] était le manque de locuteurs des différentes langues officielles du Nunavut », dit Julien Bérard-Chagnon, en faisant surtout référence à la langue inuit.