Les experts de l’ONU se tournent vers le savoir traditionnel autochtone dans l’Arctique

Pour le GIEC, il est essentiel d’écouter les expériences et les savoirs des petites communautés arctiques en matière de lutte contre les changements climatiques. (Nick Murray/Radio-Canada)
Selon le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, atteindre la résilience climatique dans l’Arctique passera nécessairement par l’inclusion des perspectives et des savoirs traditionnels, une voie que tente déjà de suivre le Yukon.

L’été dernier, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avait publié une première partie d’un rapport qui affirmait que les phénomènes extrêmes allaient s’intensifier. Les conclusions étaient particulièrement alarmantes pour les régions polaires.

La deuxième partie de ce rapport (en anglais) a été publiée dimanche dernier. Elle aborde les effets des changements climatiques sur les êtres humains et les écosystèmes, ainsi que les moyens de s’y adapter.

Le GIEC y rappelle notamment l’importance des connaissances locales et autochtones pour se diriger vers la résilience climatique.

« Dans l’Arctique, le fardeau sociétal des impacts et des risques liés au changement climatique se manifestera au niveau local, d’où l’importance du leadership et de la participation à la prise de décision à l’échelle locale pour une adaptation efficace. »

Cette affirmation résonne particulièrement chez Dana Tizya-Tramm, le chef de la Première Nation Vuntut Gwitchin du Yukon, dont le peuple a vécu toute son existence sur la même terre et a été le témoin de nombreux changements.

« Notre peuple dit continuellement : « Je n’ai jamais vu cela avant. » C’est ce que j’entends de la part de nos aînés, de nos chasseurs, de nos gardiens du savoir, tout le temps. »

Dana Tizya-Tramm, le chef de la Première Nation Vuntut Gwitchin, affirme que son peuple a su s’adapter à tous les changements qui se sont présentés depuis leur installation sur le territoire et que leur savoir est essentiel pour trouver des solutions locales aux défis environnementaux. (Cathie Archbould)

Il rappelle que les Vuntut Gwitchin ont beaucoup à enseigner, car c’est leur capacité d’adaptation qui leur a permis de traverser les millénaires depuis leur arrivée sur le continent, à la période où la zone s’appelait encore la Béringie, à aujourd’hui.

Nous portons beaucoup d’enseignements, beaucoup de solutions qui ne sont pas seulement pour nous, mais pour tout le monde.Dana Tizya-Tramm, chef de la Première Nation Vuntut Gwitchin du Yukon

Une position que défend également le Conseil circumpolaire inuit (ICC), la première organisation de peuples autochtones à participer en tant qu’observateur au GIEC. Pour l’ICC, les Inuit ont suffisamment prouvé leur capacité à s’adapter aux changements, quels qu’ils soient, depuis des millénaires.

« Ils [les Inuit] sont les experts de l’adaptation. Aujourd’hui plus que jamais, à l’heure du changement climatique anthropique, vivre dans la région qui se réchauffe le plus rapidement sur la planète requiert cette expertise et cette capacité. »

Décolonisation des approches

Le rapport affirme que les peuples autochtones de la région et les communautés locales ont été trop marginalisés dans leur prise de décision et que leurs savoirs n’ont pas été suffisamment inclus dans les politiques de gestion des ressources.

C’est la raison pour laquelle les chercheurs estiment qu’il faut se défaire du colonialisme qui peut « inhiber le développement de stratégies d’adaptation fortes aux changements climatiques et exacerber les risques liés au climat ».

John Streicker, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources du Yukon, affirme que le gouvernement a plusieurs initiatives de collaboration avec les Premières Nations du territoire sur la question des changements climatiques. (Radio-Canada)

John Streicker, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources du Yukon, affirme que le gouvernement a toujours pensé qu’il était important d’appuyer ses approches sur les connaissances locales et celles des Autochtones.

Il affirme que le gouvernement travaille en collaboration avec les Premières Nations sur des projets qui ont trait à l’adaptation, comme la conservation des espèces à risques (les caribous et les saumons, par exemple) ou des projets d’atténuation liés à l’énergie hydroélectrique ou à d’autres sources d’énergies renouvelables.

Cette année le budget du territoire consacre aussi 80 millions de dollars à la stratégie environnementale Notre avenir propre, qui inclut un projet de batterie à l’échelle du réseau électrique dans lequel investiront des Premières Nations.

« Ce que cette batterie fera, c’est qu’elle prendra l’énergie que nous ne voulons pas utiliser sur notre réseau pendant la journée et l’emmagasinera dans la batterie pour la réinjecter pendant la nuit, ce qui permettra de mieux répartir les pics d’utilisation. C’est vraiment une bonne chose. »

La communauté comme source de solutions

Don Reid, un biologiste de la faune pour la Wildlife Conservation Society à Whitehorse, pense aussi que le monde occidental aurait tout intérêt à écouter et à s’inspirer davantage des Premières Nations, notamment pour ce qui est de la gestion des feux de forêt et des risques qu’ils posent à l’habitat de certaines espèces.

« Nous devons vraiment examiner sérieusement les propositions d’aires protégées faites par les Autochtones pour protéger leurs territoires traditionnels et puiser dans leurs régimes de gouvernance et leur vision du monde, qui est beaucoup plus écocentrique que la vision matérialiste et individualiste occidentale. »

La ferme solaire du village de la Première Nation Vuntut Gwitchin d’Old Crow représente un exemple pour le virage vers l’énergie verte du Yukon. (Caleb Charlie)

Pour Dana Tizya-Tramm, les solutions pour faire face aux changements climatiques ne viendront pas forcément d’une grosse invention technologique qui « sauvera tout le monde », mais de la communauté et des discussions qui y ont lieu.

Le chef autochtone pense, par exemple, qu’au lieu d’organiser une COP à l’échelle mondiale avec des négociateurs internationaux, il serait plus intéressant d’organiser des sortes de petites COP à l’échelle des quartiers, des villes et des régions.

« Nous avons beaucoup de pouvoir en tant que Yukonnais, nous avons beaucoup de pouvoirs dans nos quartiers. »

Avec des informations de Julien Gignac

Laureen Laboret, Radio-Canada

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