L’air hivernal de la ville de Fairbanks en Alaska est parmi les plus pollués des États-Unis

Un panache de fumée émis dans l’air par une centrale électrique à Fairbanks, en Alaska. (Mark Thiessen/AP)
C’est au cœur de l’Alaska que l’on trouve l’air hivernal le plus pollué des États-Unis. Fairbanks et ses environs, qui représentent la deuxième ville de l’État, dépassent régulièrement les limites fixées par l’Agence américaine pour la protection de l’environnement en matière de pollution par les particules qui peuvent être inhalées et causer une myriade de problèmes de santé.

Cet hiver, pendant sept semaines, près de 50 scientifiques américains et européens se sont rendus à Fairbanks pour étudier les sources de pollution de l’air et la façon dont les contaminants interagissent dans le climat froid et sombre de la ville, et pour dresser une liste des meilleures pratiques pour les personnes vivant dans le nord circumpolaire.

Les résultats de cette étude pourraient aider les urbanistes à prendre de meilleures décisions quant à l’emplacement des centrales électriques ou des fonderies dans les climats nordiques et guider les législateurs sur la manière de réglementer les produits chimiques contenus dans le mazout ou d’autres sources.

La tâche est d’autant plus importante que les changements climatiques poussent les gens à quitter les régions les plus chaudes pour les régions nordiques. Selon la National Oceanic and Atmospheric Administration, la température moyenne en hiver a augmenté à Fairbanks de 1,5 degré Celsius depuis 1992.

« La pollution émise ici reste ici »

À l’instar de Salt Lake City et d’autres métropoles entourées de montagnes, Fairbanks souffre d’inversions hivernales, soit des couches d’air plus chaudes qui emprisonnent l’air froid et pollué ne pouvant de se dissiper. Même si le vent souffle en altitude, l’air froid l’empêche de descendre au niveau du sol.

« Comme un congélateur ouvert dans une vieille épicerie, l’air froid s’accumule au fond du congélateur et l’air peut passer par-dessus », a expliqué Bill Simpson, professeur en chimie atmosphérique à l’Institut géophysique de l’Université d’Alaska Fairbanks. « C’est calme ici, et la pollution qui est émise ici reste malheureusement ici », a ajouté M. Simpson, également chef du projet et enseignant au Collège des sciences naturelles et des mathématiques de l’UAF.

Bill Simpson, professeur de chimie atmosphérique à l’Institut géophysique de l’Université d’Alaska Fairbanks, dirige le projet de recherche. (AP)

Le problème n’est pas propre aux climats froids des États-Unis, indiquent les experts. L’étude intéresse aussi les chercheurs des villes du nord de l’Europe.

À Fairbanks, une source importante de pollution provient des poêles à bois, qui sont courants dans cette région qui connaît des températures atteignant régulièrement les -40 degrés Celsius. Les autres sources de pollution sont les systèmes d’échappement des véhicules, les émissions des centrales électriques et le mazout de chauffage.

Problèmes de santé

Owen Hanley a pratiqué la médecine pulmonaire à Fairbanks pendant environ 35 ans. Ce médecin à la retraite déclare que le problème de la pollution atmosphérique à Fairbanks peut, entre autres, nuire de façon permanente à la fonction respiratoire.

Owen Hanley (Mark Thiessen/AP)

Le mélange de polluants provenant de feux de bois fumants, de voitures, de charbon et d’autres sources, libère des produits chimiques supplémentaires qui peuvent être plus nocifs que la fumée de cigarette.

« Nous savons qu’avec la pollution atmosphérique, il y a plus de démence chez les adultes, plus d’insuffisance rénale, plus de fausses couches et de naissances prématurées chez les jeunes femmes enceintes, et que les petits enfants n’ont pas un développement complet de leurs poumons », a raconté le Dr Hanley.

Chercher où la pollution s’accumule

Les centrales électriques de Fairbanks émettent des panaches de fumée dans l’air. Les chercheurs du projet « Alaskan Layered Pollution and Chemical Analysis » tentent de comprendre si ces fumées restent en hauteur, au niveau des cheminées, ou si elles dérivent jusqu’au niveau du sol, là où vivent les gens.

Des membres de l’équipe suisse travaillent avec un ballon pour mesurer différentes caractéristiques des aérosols et des gaz dans l’atmosphère au-dessus de Fairbanks. (Daniel Walker/Institut géophysique de l’Université d’Alaska Fairbanks/AP)

Sept équipes françaises ont effectué des mesures détaillées de l’air dans le centre-ville de Fairbanks afin de mieux comprendre comment se forment les petites particules et les gouttelettes. Pendant ce temps, une équipe suisse a utilisé un ballon équipé d’instruments spécialisés pour mesurer les caractéristiques des aérosols et des gaz à 365 mètres au-dessus du sol.

« Nous essayons de comprendre ce qui se passe plus haut », car les données prises au niveau du sol peuvent être différentes, a déclaré Roman Pohorsky, doctorant à l’EPFL, une institution scientifique et technologique en Suisse.

Une autre expérience menée par Sarah Johnson, étudiante diplômée et chercheuse à l’Université de Californie à Los Angeles, a utilisé un dispositif spécial pour mesurer les polluants à différentes hauteurs dans l’atmosphère. L’instrument recueille des informations en envoyant de la lumière depuis un stationnement vers des réflecteurs placés à différentes hauteurs à Fairbanks.

« Ce que nous cherchons vraiment, c’est à savoir où la pollution s’accumule et où elle se dirige », a-t-elle déclaré, ajoutant qu’elle espère que ces recherches pourront profiter à d’autres régions où le climat et l’air pollué sont similaires.

L’air intérieur

Un autre objectif de la recherche est venu des membres de la communauté de Fairbanks. Les gens voulaient savoir comment est l’air à l’intérieur de leurs maisons. Les chercheurs ont donc investi une maison de Fairbanks, s’installant dans le garage avec des tubes partant de l’intérieur de la maison et de l’extérieur pour étudier l’air.

Ellis Robinson, chercheur à l’Université Johns Hopkins de Baltimore aide à mesurer la pollution de l’air dans une maison à Fairbanks, en Alaska. (Mark Thiessen/AP)

Ellis Robinson, chercheur à l’Université Johns Hopkins de Baltimore, a fait remarquer que la plupart des informations de santé publique sur les dangers de la pollution atmosphérique proviennent de l’étude de l’air extérieur. « Mais nous devons vraiment étudier l’air intérieur, tout autant sinon plus », a-t-il spécifié.

L’adaptation en français du reportage a été faite par Ismaël Houdassine

CBC News

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