Au Canada, des Inuit craignent les conséquences de l’agrandissement d’une mine sur les narvals
Des chasseurs inuit craignent qu’une décision sur l’agrandissement d’une mine arctique ne précipite le déclin de la population de narvals dont ils dépendent pour se nourrir.
Les chasseurs de Pond Inlet, sur la côte nord de l’île de Baffin, affirment que le nombre de baleines à une seule défense est déjà bien inférieur à ce qu’il était avant que la mine de fer Mary River soit en exploitation.
Ils soutiennent qu’une décision attendue pour vendredi de la Commission du Nunavut chargée de l’examen des répercussions (CNER) pourrait rendre les choses pires qu’elles ne le sont en autorisant la mine à presque doubler le transport maritime dans les eaux environnantes.
« On avait l’habitude de voir des milliers et des milliers de narvals, on les entendait respirer quand on allait se coucher. Ces dernières années, il y en a très peu », explique un des chasseurs, Enooki Inuarak.
Dans une lettre envoyée la semaine dernière à la Commission, l’Association des chasseurs et trappeurs Mittimatalik précise que la mine est déjà en train de nuire à leur capacité de récolter cette importante source de nourriture.
La mine Mary River appartient à Baffinland Iron Mines. Depuis 2015, elle exploite ce qui est considéré comme l’un des gisements de fer les plus riches du monde. La mine expédie environ 6 millions de tonnes de minerai par an. La société affirme que l’expansion de la mine créerait 325 emplois.
Moins de narvals, plus de bateaux
Des études aériennes conduites à la demande de la Baffinland suggèrent que le nombre de narvals lors de la saison estivale dans le golfe Eclipse a chuté de 20 000 à environ 2600 individus entre 2004 et 2021.
Pour la même période, le transport maritime dans la zone, qui découle principalement des activités de la mine, a très fortement augmenté. En 2021, près de 245 trajets ont été faits en provenance de Milne Inlet et vers la ville, où le minerai est chargé, contre 42 en 2015.
Baffinland dit qu’elle va réduire le nombre de transporteurs de minerai à un maximum de 168 par année si l’expansion est approuvée et qu’elle va graduellement augmenter ce nombre au cours des années suivantes.
Des recherches ont établi le lien entre le transport maritime et le comportement des baleines, affirme pour sa part Kristin Westdal, la directrice des sciences arctiques pour le groupe environnemental Oceans North. Elle explique que les bateaux créent du bruit sous-marin qui interfère avec la capacité des narvals à localiser leurs proies et à communiquer entre eux.
« Cela indique clairement un niveau sonore croissant, un son qui chevauche celui des fréquences des narvals […] Les animaux répondent aux bateaux, ils s’éloignent et changent de direction. »
Peter Akman, un porte-parole de Baffinland, écrit dans un courriel ne pas être d’accord avec cette conclusion.
Il suggère aussi que les narvals de la baie Eclipse ont simplement migré vers l’anse Admiralty, de l’autre côté de l’île de Baffin. Les conditions changeantes de la glace ainsi que les relations prédateurs-proies (des orques vivent dans la zone) peuvent être une explication, selon lui.
Baffinland ouverte aux discussions
Baffinland a néanmoins promis d’imposer des limites de vitesse dans tout le corridor de navigation. La société a également déclaré qu’elle réduirait le nombre de trajets pendant les saisons intermédiaires, réduisant ainsi le besoin de brise-glaces.
Cela n’aidera pas pense pourtant Kristin Westdal. Elle croit que le recours aux brise-glaces devrait être « exclu », ce qui limiterait les activités de transport de Baffinland à la saison d’eau libre.
Baffinland se dit prête à discuter. « Si nos programmes de surveillance identifient des liens raisonnables entre le projet et des changements inacceptables pour le narval et/ou la récolte dans le futur, Baffinland répondra en conséquence », ajoute Peter Akman.
Enooki Inuarak est conscient de l’importance des emplois, mais il dit que seulement quelques personnes à Pond Inlet dépendent de la mine. La nourriture est plus importante, croit-il.
« Cela a un impact sur notre culture et nos traditions. Nous sommes poussés au point où nous devons défendre notre mode de vie et notre source de nourriture. »
Avec les informations de La Presse canadienne