Une nouvelle étude révèle les liens « enchevêtrés » entre l’ours polaire et l’ours brun
En étudiant l’ADN d’une ancienne dent d’ours polaire, une équipe de scientifiques de l’Université de Buffalo a réussi à mieux comprendre les liens biologiques qui unissent l’espèce des régions arctiques à son cousin du Sud, l’ours brun.
Le fait de devenir des espèces distinctes n’a pas complètement empêché l’ours polaire et l’ours brun de s’accoupler entre eux. Même si les experts le savaient depuis un certain temps, les récentes recherches permettent toutefois de mieux comprendre le processus de rencontre entre ces animaux.
« Nous trouvons des preuves de métissage entre les ours polaires et les ours bruns qui sont antérieurs à un ancien ours polaire que nous avons étudié », explique Charlotte Lindqvist, professeur à l’Université de Buffalo et spécialiste de la génétique des ours.
Les résultats des recherches rendus publics dans une étude publiée dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences montrent une histoire évolutive « compliquée et entrelacée » entre les ours bruns et les ours polaires, la direction principale du flux génétique allant des ours bruns vers les ours polaires.
« Cela inverse une hypothèse suggérée par d’autres chercheurs selon laquelle le flux de gènes a été unidirectionnel et s’est dirigé vers les ours bruns autour du pic de la dernière période glaciaire », dit Mme Lindqvist.
L’équipe de chercheurs a analysé les génomes de 64 ours polaires et bruns modernes, dont plusieurs nouveaux génomes provenant d’Alaska, un État où l’on trouve les deux espèces. Les spécialistes ont également produit un nouveau génome, plus complet, d’un ours polaire qui vivait il y a de 115 000 à 130 000 ans dans l’archipel norvégien du Svalbard.
Notons que l’ADN de cet ancien ours polaire a été extrait d’une dent attachée à une mâchoire subfossile, qui est maintenant conservée au Musée d’histoire naturelle de l’Université d’Oslo.
C’est grâce à cet ensemble de données que les chercheurs estiment que les ours polaires et les ours bruns ont commencé à devenir des espèces distinctes il y a environ 1,3 à 1,6 million d’années, ce qui actualise les évaluations antérieures. « L’âge de la séparation a été et reste un sujet de débat scientifique, rappelle Mme Lindqvist. Les croisements passés et les preuves fossiles limitées d’anciens ours polaires étant autant de facteurs qui rendent le moment difficile à déterminer. »
Des analogies avec l’évolution humaine
D’après l’étude, le concept selon lequel les ours polaires adaptés à l’Arctique capturent le matériel génétique des ours bruns, qui sont adaptés à la vie sous des latitudes plus basses, est l’une des nombreuses découvertes susceptibles d’intéresser les scientifiques préoccupés par les effets du changement climatique sur les espèces menacées.
« Avec le réchauffement de la planète et le déclin de la banquise arctique, les ours polaires et les ours bruns risquent de se rencontrer plus fréquemment dans les endroits où leurs aires de répartition se chevauchent. Cela fait de leur histoire évolutive commune un sujet d’étude particulièrement intéressant », indique Mme Lindqvist.
Comme le détail la spécialiste, les scientifiques ont un jour pensé que l’homme moderne et l’homme de Neandertal s’étaient simplement séparés en deux espèces distinctes après avoir évolué à partir d’un ancêtre commun. « Puis, les chercheurs ont trouvé de l’ADN néandertalien chez les Eurasiens modernes, ce qui suggère que les populations humaines modernes ont reçu un afflux de gènes des Néandertaliens à un moment donné de leur histoire évolutive commune. »
Ce n’est que plus tard que les scientifiques ont réalisé que ce brassage génétique avait également permis aux populations néandertaliennes de recevoir des gènes humains modernes, ajoute Mme Lindqvist. « En d’autres termes, le métissage peut être complexe, et pas nécessairement à sens unique », dit-elle.
Il reste qu’après être devenus une espèce à part entière, les ours polaires ont connu un déclin spectaculaire de leur population, ce qui leur a laissé une diversité génétique bien moindre que celle des ours bruns, conclut l’étude.
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