À quand des bulletins de vote offerts dans les langues autochtones locales au Canada?
Afin d’augmenter le taux de participation des Autochtones aux élections fédérales, les bulletins de vote devraient être aussi offerts dans les langues autochtones locales, selon la députée néo-démocrate du Nunavut.
Lors du dépôt du projet de loi C-297(Nouvelle fenêtre) au Parlement, le 22 juin, la députée Lori Idlout a déclaré que « les locuteurs de langues autochtones ont le droit inhérent de recevoir de l’information et de voter dans leur propre langue ».
Mme Idlout a souligné que lors des élections de 2019, le taux de participation des Autochtones vivant en communauté avait été de 51,8 %, contre 77 % en moyenne au Canada.
Dans la circonscription représentée par Mme Idlout, qui est presque exclusivement autochtone, le taux de participation était même inférieur à 50 %, a mentionné la députée. « Comment se fait-il qu’au Nunavut, où la langue maternelle de 46 % des électeurs est l’inuktitut ou l’inuinnaqtun, les bulletins de vote ne soient qu’en anglais et en français? » a-t-elle dit
Selon elle, cela mène à certaines aberrations.
Si le projet de loi d’initiative parlementaire porté par Mme Idlout était adopté, les circonscriptions électorales se trouvant sur des terres autochtones seraient tenues de préparer et d’imprimer tous les bulletins de vote dans les deux langues officielles, ainsi que dans la langue autochtone des électeurs locaux. « L’élimination des obstacles au vote pour un plus grand nombre de personnes permet de bâtir une démocratie plus forte où les voix de chaque personne comptent », a affirmé la députée.
Prise 2
En juin 2021, l’ancienne députée néo-démocrate du Nunavut, Mumilaaq Qaqqaq, avait déjà proposé un projet de loi similaire au cours de la précédente législature. Il était toutefois mort au feuilleton, n’ayant pu être étudié et adopté avant le déclenchement des élections de novembre 2021.
Cette initiative a toutefois fait l’objet de travaux parlementaires au comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre.
Parmi les quatre recommandations du rapport remis récemment par le comité, on trouve notamment la recommandation suivante : « qu’Élections Canada imprime et affiche des fac-similés du bulletin de vote officiel dans des langues autochtones pour qu’ils servent de guide aux électeurs au bureau de vote et/ou dans l’isoloir, là où c’est approprié, tel que déterminé par le groupe consultatif composé de collectivités autochtones ».
Au moment de publier, il n’avait pas été possible de connaître la position du ministère Service aux Autochtones Canada.
Du côté d’Élections Canada, on se dit conscient de l’importance « d’améliorer les services offerts dans les langues autochtones pour rendre le processus électoral plus inclusif ». Toutefois, l’institution ajoute que « chacune des possibilités d’emploi des langues autochtones sur les bulletins de vote soulève des enjeux d’ordre opérationnel et stratégique, de même que des enjeux d’intégrité électorale dont il faut tenir compte ».
En effet, les bulletins de vote ne peuvent être imprimés que dans un délai de 11 jours entre la clôture des mises en candidatures (21 jours avant le vote) et le début du vote par anticipation (10 jours avant le scrutin). Or, la traduction des bulletins dans les différentes langues autochtones (de 10 à 20 jours pour les langues autochtones les plus communes), leur impression et leur distribution, notamment en région éloignée, poserait un « grand défi », selon Élections Canada. L’organisation indique néanmoins chercher constamment à améliorer ses pratiques.
La question de la langue n’est pas le seul enjeu. À la dernière élection de novembre 2021, seulement 361 communautés autochtones sur un total d’environ 600 abritaient un bureau de scrutin sur place le jour de l’élection.
Et au Québec?
Le Québec, où des élections doivent se tenir en octobre, a-t-il entamé un processus similaire de réflexion? Au Secrétariat aux Affaires autochtones, on indique que le ministre Ian Lafrenière a annoncé récemment le début d’un vaste processus de consultation qui permettra d’établir les orientations et les objectifs d’un futur projet de loi sur la promotion et la protection des langues autochtones.
« Les consultations permettront de se pencher sur la question, si les représentants et les leaders autochtones l’identifient comme sujet d’intérêt. Le gouvernement ne procédera pas seul et n’imposera pas sa vision », indique Myrian Marotte, porte-parole du Secrétariat.