Écouter les baleines avec des câbles de transmission sous-marins 

Une baleine bleue (iStock)
Malgré notre attirail technologique moderne, il demeure difficile de suivre les déplacements des plus grands mammifères marins du monde, les baleines bleues. Or, des chercheurs parviennent maintenant à les localiser grâce aux câbles de fibre optique déployés au fond des océans.

En plus de la détection visuelle à bord de navires, les chercheurs utilisent normalement les images satellites pour le recensement des baleines du haut des airs et des appareils appelés hydrophones, placés sous l’eau en des endroits précis, pour écouter les vocalises des cétacés.

Toutefois, ces dispositifs ont leurs limites et désavantages, comme des coûts élevés, un manque d’infrastructures existantes et de longs délais pour la détection.

L’équipe de Léa Bouffaut, chercheuse à l’Université norvégienne de science et de technologie et à l’Université Cornell, a trouvé un moyen ingénieux et peu coûteux d’espionner en quelque sorte ces géantes des mers. Elle tire profit des infrastructures de télécommunications déjà déployées au fond de l’eau.

La technique, appelée détection acoustique distribuée (distributed acoustic sensing, en anglais) se base sur la reconnaissance des ondes sismoacoustiques sous-marines, et donc des infimes variations qui sont captées en divers endroits le long d’un câble de fibre optique sur le plancher océanique.  

Ces câbles de télécommunications se retrouvent partout et servent à la transmission des données entre les continents. 

Les chercheurs mettent à profit en quelque sorte des portions redondantes et inutilisées de ces câbles. 

C’est comme avoir des hydrophones déjà disponibles et répartis partout dans l’océan, illustre la chercheuse.

« Selon moi, cela peut révolutionner le monde de la bioacoustique marine », affirme-t-elle dans un communiqué.

« Pour moi, ce système pourrait devenir comme des satellites dans l’océan », poursuit-elle.

La technique servait déjà à « écouter », ou à récolter des informations sur des tempêtes, sur des séismes ou sur le déplacement des bateaux. Lorsqu’ils se produisent, ces événements émettent des ondes sonores de basse fréquence qui se déplacent sur de grandes distances dans l’eau et qui sont détectables par des câbles de fibre optique.

Plus tôt cette année, des chercheurs avaient d’ailleurs annoncé avoir utilisé cette technique avec succès pour suivre le mouvement des glaces sur l’océan.

Recherches au Svalbard

Les chercheurs ont récolté de gigantesques quantités de données, il y a deux ans, dans l’archipel du Svalbard, dans l’Arctique norvégien. Les baleines bleues y viennent en été pour se nourrir.

Ils ont utilisé pour ce faire un câble de 120 km déployé dans le fjord Isfjorden. En passant au crible les données recueillies, les scientifiques ont trouvé des vocalises typiques de baleines bleues mâles et d’autres chants moins fréquents qui peuvent être émis aussi par des femelles et des baleineaux.  

« Nous pouvons surveiller une zone beaucoup plus vaste [qu’avec des hydrophones traditionnels]. Et parce que nous recevons le son sous plusieurs angles, nous pouvons même dire où se trouvait l’animal, sa position précise. Et c’est un énorme avantage. Et si on va encore plus loin, ce qui nécessite encore un peu de recherche, on pourrait le faire en temps réel, ce qui changerait vraiment la donne pour le suivi acoustique des baleines », dit Hannah Joy Kriesell, coautrice de l’étude parue dans la revue Frontiers in Marine Science.

La prochaine étape consisterait à entraîner un algorithme d’intelligence artificielle à la détection automatique des chants de baleines parmi toutes les données recueillies. Celai ferait gagner beaucoup de temps.

Suivre en temps réel les baleines grâce à cette technique de détection acoustique comporte de nets avantages, selon les scientifiques. Ils pourraient d’abord mieux cartographier les routes migratoires des baleines qui changent au fil des ans.

Aussi, la technique permettrait d’éviter les collisions avec les navires, qui mettent en péril l’animal. Cela est de plus en plus nécessaire dans le contexte du réchauffement climatique, des changements des écosystèmes et du recul des glaces qui favorise un plus grand trafic maritime dans l’Arctique.

Les baleines bleues ont été placées sur la liste des espèces en voie de disparition, mais leur nombre a augmenté légèrement ces dernières années dans l’Atlantique.

Un défi demeure toutefois : les câbles sous-marins sont la propriété de compagnies de télécommunications. Il faudra convaincre les opérateurs de permettre leur utilisation pour la recherche et le recensement des baleines, précisent les chercheurs.

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