Le réchauffement chamboule le paysage forestier et sa capacité de stockage du carbone
Une étude, publiée au printemps 2022 dans la revue scientifique Proceedings of the National Academy of Sciences, révèle que la diminution du nombre de jours de gels a des effets sur la captation et le stockage du carbone par les forêts et, par le fait même, sur leur rôle dans la lutte naturelle contre les changements climatiques.
Les forêts de 4000 sites disséminés dans toutes les provinces et territoires ont été observées, dont une cinquantaine réparties aux Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Cette étude inédite apporte une analyse à grande échelle des capacités d’adaptation des arbres du nord au sud et d’est en ouest du Canada, dont 40 % de la superficie est couverte de forêts. Avec le réchauffement des températures, une augmentation de la croissance du pin, très répandu aux T.N.-O. et au Yukon, a été observée alors que les feuillus répondent de façon négative à ces changements.
« Le peuplier et le bouleau ont évolué pour se protéger du froid, en se basant sur le nombre de jours de gel pour sortir de leur dormance au printemps. S’ils n’ont pas atteint ce seuil-là, ils restent en dormance un peu plus longtemps », explique Martin Girardin, chercheur scientifique à Ressources naturelles Canada et auteur principal de l’étude.
Cette observation pose des inquiétudes quant à la capacité de ces variétés d’arbres à capter du carbone. Le contraste observé entre les pins et les feuillus met en relief « l’apparition d’une complexité qui s’est formée avec le réchauffement climatique » selon le chercheur.
L’étude a également permis d’établir les sites où les répercussions de la baisse du nombre de jours de gel sont les plus importantes.
« On est en mesure de voir quelles espèces sont les plus affectées et comment elles sont affectées les unes par rapport aux autres. Et ça, c’est nouveau », précise M. Girardin.
Le pin gris et le peuplier faux-tremble sont les deux essences d’arbres les plus répandues parmi les 11 répertoriées aux T.N.-O. et au Yukon.
Forêts du futur
Il est encore difficile de savoir à quoi les forêts boréales ressembleront dans les années à venir, et les perturbations par le feu ainsi que le froid sont deux facteurs importants à prendre en considération, selon le chercheur. Même si le froid joue un rôle important dans les changements climatiques, il n’est cependant pas encore bien intégré dans les projections.
« Pour les projections futures, les premiers facteurs importants sont les perturbations et la mortalité dues au stress climatique », indique l’auteur de l’étude.
Avec les changements climatiques et la hausse des températures, une perte importante des territoires forestiers est à prévoir. Un reboisement de ces zones apparaît nécessaire et une sélection des espèces les plus résilientes face aux effets du réchauffement climatique est donc primordiale, selon M. Girardin.
« Ce qui est très intéressant, c’est que le pin est une bonne espèce, car il est adapté au feu ainsi qu’aux milieux secs. On voit qu’il répond bien à la baisse du nombre de jours de gel par an. Dans nos simulations, le nombre de pins gris et de pins tordus va augmenter dans les paysages forestiers », explique le scientifique.
L’effet des incendies
L’arbre semble être un outil à privilégier dans la lutte contre les changements climatiques. Sa capacité d’absorption du dioxyde de carbone par les feuilles des arbres et des épines pour les conifères le rend attrayant pour son rôle de puits à carbone.
Cependant, toutes les forêts du Canada ne sont pas aussi efficaces dans la séquestration du carbone. Face aux incendies, la forêt boréale est vulnérable et n’affiche pas un bon bilan. Le taux de mortalité des arbres, dû aux ravages des feux durant la période estivale, ne permet pas à ces forêts d’être suffisamment en bonne santé pour jouer leur rôle de purification de l’atmosphère.