Les yeux des rennes s’adaptent en hiver pour une meilleure vision nocturne

Un renne du Svalbard, en hiver (iStock)
Des scientifiques britanniques sont parvenus à expliquer comment les yeux des rennes et des caribous changent sensiblement entre l’été et l’hiver afin d’optimiser la vision de ces cervidés dans la pénombre qui marque les longs hivers du Grand Nord.

Certains mammifères comme les chats et les loups voient très bien la nuit, notamment grâce à une couche de cellules spéciale située derrière la rétine. Cette couche, appelée le tapetum lucidum, reflète une partie de la faible lumière entrante qui atteint la rétine pour la faire traverser une seconde fois les photorécepteurs rétiniens, maximisant ainsi le signal lumineux capté. C’est d’ailleurs cette structure qui rend les yeux de ces animaux lumineux sur des photos prises avec un flash.

Les rennes et les caribous possèdent aussi cette structure, mais ils sont les seuls mammifères connus qui adaptent leurs yeux de façon saisonnière à la couleur bleutée du crépuscule prolongé des hivers arctiques.

En 2013, le professeur de neuroscience à l’University College de Londres Glen Jeffery et son équipe avaient publié une étude où ils rapportaient leurs observations sur le changement de couleur des yeux des rennes.

En été, le fond de leurs yeux a des reflets d’un brun doré, alors qu’en hiver, ils prennent une teinte bleutée.

Dans une étude parue cet été, Glen Jeffery et son collègue Robert A. E. Fosbury vont plus loin et offrent une explication physiologique du phénomène en lien avec le changement de luminosité dans l’Arctique.

Ils expliquent que durant les nuits d’hiver dans l’Arctique, les longueurs d’onde les plus présentes se situent dans la partie bleue du spectre lumineux.

Cela est dû au fait qu’en hiver, à cause de l’inclinaison de la Terre, la lumière provenant du Soleil parcourt une plus grande distance horizontalement à travers l’atmosphère pour atteindre le pôle Nord. La couche d’ozone, qui recouvre le ciel, agit en effet comme un filtre qui, au crépuscule arctique, absorbe presque toute la lumière sauf la lumière bleue, explique Robert Fosbury dans un article de vulgarisation scientifique.

Dans la pénombre prolongée, les rennes ont quand même besoin de distinguer le lichen dont ils se nourrissent des surfaces enneigées afin de survivre à la rude saison. Ils doivent aussi voir venir les prédateurs, notamment les loups.

À cette fin, le tapetum lucidum de leurs yeux reflète une partie de cette lumière bleue pour la renvoyer une seconde fois à la rétine, ce qui renforce leur vision nocturne, bien que cela rende le contour des formes un peu flou, car une partie de la lumière est réfléchie latéralement, ce qui donne l’effet d’un verre embué, expliquent les chercheurs.

Malgré tout, cela renforce le contraste perçu entre le lichen et la neige et entre les prédateurs et la surface enneigée, ce qui suffit aux besoins des rennes pour survivre.

Ces images extraites de l’étude de Fosbury et de Jeffery montrent, en haut à gauche, le tapetum lucidum de l’oeil d’un renne mort en été; en bas, à gauche, le tapetum lucidum d’un oeil de renne mort en hiver. On peut voir la différence de couleur. Les photos de droite montrent les différences de luminosité entre l’été et l’hiver en Arctique qui correspondent aux changements physiologiques observés. (Fosbury et Jeffery, Proceedings of the Royal Society B)
Des changements à l’échelle microscopique

Concernant le mécanisme physiologique, les chercheurs expliquent que durant l’hiver, la pupille de l’animal est presque toujours dilatée pour capter un maximum de lumière, ce qui exerce une pression dans le fond de l’oeil du renne. Sous cette pression, les fibres de collagène qui constituent la surface du tapetum lucidum deviennent plus compactes et reflètent ainsi plus de lumière bleue.

En été, les yeux de l’animal captent la lumière des longues journées arctiques, avec toutes ses couleurs. Le renne a alors moins besoin de la vision améliorée dans les longueurs d’onde bleues que lui procure le tapetum lucidum. 

Ainsi, avec une pupille moins dilatée en été, la pression dans le fond de l’oeil baisse, et les fibres de collagène du tapetum retiennent plus de liquide, ce qui change leur capacité de refléter la lumière, expliquent les scientifiques. Cela modifie du coup la couleur que l’on perçoit quand on observe les yeux du renne, qui passent du bleu au brun doré. Un peu comme la queue d’un paon qui change de couleur selon l’angle sous lequel on l’observe, offrent les scientifiques comme comparaison, un phénomène appelé iridescence.

Les chercheurs ont pu voir ces différences en comparant les yeux de rennes morts en été dans l’Arctique norvégien à ceux de rennes morts en hiver dans la même région.

Les chercheurs croient que leur découverte pourrait, par exemple, servir à fabriquer des produits qui changent de couleur en imitant, à une échelle nanométrique, les structures que l’on retrouve dans l’oeil des rennes. Cela pourrait avoir diverses applications dans les domaines industriels, avancent-ils.

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