De plus en plus d’eau douce dans l’océan Arctique
Au cours des 30 dernières années, le volume d’eau douce s’écoulant du détroit de Béring vers l’océan Arctique a augmenté de 40 à 50 %. Ce dernier devient ainsi de moins moins salé en surface, montre une étude récente. Cela pourrait avoir un impact sur la formation de la glace de mer et les écosystèmes arctiques.
Des océanographes et des biologistes de l’Université du Maryland ont analysé des centaines d’échantillons d’eau prélevés le long du détroit de Béring et de la mer des Tchouktches, dans l’Arctique, depuis la fin des années 1980.
Ils ont constaté que, malgré des variations annuelles assez importantes, la tendance générale pointe vers une eau de moins en moins salée qui passe de l’océan Pacifique à l’océan Arctique par le détroit de Béring.
Les courants font en sorte que l’eau de surface du Pacifique Nord s’écoule vers l’océan Arctique par le détroit de Béring. Cette eau est légèrement moins salée que la moyenne de l’océan, en raison des apports des précipitations sur l’océan et des cours d’eau qui s’y déversent.
Passé le détroit de Béring, l’eau plus douce s’accumule dans la mer de Beaufort, qui fait partie de l’océan Arctique et représente une sorte de réservoir. Cette eau plus douce s’écoule ensuite graduellement à travers l’archipel arctique canadien jusque dans l’Atlantique Nord.
Ce phénomène se produit naturellement, mais une augmentation du volume d’eau plus douce risque d’avoir des conséquences néfastes pour la glace de mer et les écosystèmes.
Une augmentation de l’eau douce provoquée par le réchauffement, selon les chercheurs
« Il s’agit probablement d’une intensification hydrologique liée au climat », affirme le chercheur principal, Lee Cooper, dans un échange par courriel.
« Toutes les grandes rivières de l’Arctique ont un débit croissant et c’est également le cas pour l’eau douce qui coule du Pacifique à travers le détroit de Béring. Avec des températures plus chaudes, l’atmosphère peut contenir plus d’humidité et il y a plus de précipitations tombant sur le bassin du Pacifique. Il y a aussi des apports d’eau douce provenant de la fonte des glaciers en Alaska et en Colombie-Britannique qui se déversent dans le Pacifique Nord. Cette eau doit aller quelque part et le détroit de Béring est l’un des rares conduits d’évacuation », explique-t-il.
Les chercheurs mentionnent que les différences de température et de salinité entre les eaux profondes et les eaux de surface permettent normalement un brassage qui fait remonter des nutriments des fonds marins vers la surface et alimente toute la chaîne alimentaire de l’océan.
Or, si les écarts de température et de salinité sont trop importants entre les profondeurs et la surface, ce brassage ne s’effectue plus aussi bien.
« Plus d’eau douce signifie plus de stratification de la colonne d’eau, donc les nutriments n’atteindront pas nécessairement les eaux de surface aussi facilement pour stimuler la production biologique parce que l’eau plus douce restera à la surface », dit M. Cooper.
« De plus – nous n’avons pas abordé cette question dans l’étude, mais c’est un fait –, cette eau douce qui est en augmentation est relativement chaude et bien au-dessus du point de congélation. Elle est donc susceptible d’aggraver encore le déclin de la glace de mer saisonnière dans l’océan Arctique », poursuit le chercheur.
« Enfin, à plus grande échelle, une grande quantité d’eau douce a été ajoutée à l’océan Arctique au cours des deux dernières décennies, de sorte qu’elle peut influer sur la circulation thermohaline dans l’Atlantique Nord – et le climat qui lui est associé – à mesure qu’elle se répand dans l’Atlantique Nord depuis l’Arctique. »
Qu’est-ce que la circulation thermohaline? Il s’agit de la circulation océanique engendrée par les différences de densité de l’eau de mer, à l’origine des grands courants marins. Ces différences de densité proviennent des écarts de température et de salinité.
En effet, la circulation méridienne de retournement atlantique est un ensemble de courants marins important. Ce phénomène permet à l’eau chaude de surface en provenance des tropiques de remonter vers les hautes latitudes de l’Atlantique Nord et de se refroidir avant de descendre en profondeur vers le sud, entraînant avec elle l’oxygène nécessaire à la vie marine. S‘il est ralenti, ce phénomène pourrait avoir un impact sur les écosystèmes et sur le climat dans tout l’hémisphère.
Les travaux sont parus dans la revue PLOS One.