Climat : cri d’alarme de scientifiques sur un réchauffement irréversible

Sur la route vers le nord, la glace de mer est étonnamment faible, possède de nombreux bassins de fonte et le navire Polarstern de l’expédition MOSAIC peut la briser facilement. Les membres de l’expédition ont eux-mêmes vécu les changements climatiques en Arctique. (Steffen Graupner/Mosaic Expedition)

La planète a peut-être déjà franchi un point de bascule vers un réchauffement climatique irréversible, avec à la clé des conséquences « en cascade » du Groenland à la Grande Barrière de corail, a averti mardi le responsable de la plus grande expédition scientifique jamais menée au pôle Nord.

« Seule l’évaluation des prochaines années permettra de déterminer si nous pouvons encore sauver la banquise arctique présente toute l’année grâce à une protection cohérente du climat, ou si nous avons déjà franchi cet important point de basculement du système climatique », a dit l’Allemand Markus Rex à Berlin, huit mois après le retour de la mission internationale menée en Arctique.

Pendant près d’un an, des équipes ont recueilli des données exhaustives, en particulier durant les mois où leur navire s’est laissé dériver dans les glaces du pôle Nord qui doivent offrir des informations précieuses sur le changement climatique.

« La disparition de la banquise d’été dans l’Arctique est l’une des premières mines dans le champ de mines, l’un des points de basculement que nous déclenchons en premier lorsque nous poussons le réchauffement trop loin », a expliqué M. Rex lors d’une conférence de presse avec la ministre allemande de l’Éducation et de la Recherche, Anja Karliczek.

Or, « on peut vraiment se demander si nous n’avons pas déjà marché sur cette mine et déjà déclenché le début de l’explosion », a ajouté ce climatologue et physicien, référence en matière d’étude de l’Arctique.

Si ce point de basculement a déjà été franchi, cela peut déclencher des effets néfastes et « aggraver encore le réchauffement comme la disparition de la calotte glaciaire du Groenland ou le dégel de zones toujours plus vastes du permafrost arctique », selon lui.

La menace plane aussi sur les anciens glaciers.

« Aujourd’hui, nous ne savons pas non plus si nous pouvons sauver la Grande Barrière de corail en Australie », a-t-il souligné.

Au retour du brise-glace Polarstern de l’Institut allemand Alfred-Wegener à son port d’attache de Bremerhaven, dans le nord-ouest de l’Allemagne, le 12 octobre, le chef de la mission baptisée MOSAIC avait déjà lancé un cri d’alarme en ce qui concerne la banquise, affirmant qu’elle fondait à « une vitesse dramatique ».

La banquise de l’Arctique se forme de glaces marines plus ou moins épaisses selon leur âge. De la glace marine observée depuis l’avion de recherche Operation IceBridge de la NASA au large de la côte nord-ouest, le 30 mars 2017, au-dessus du Groenland. (Mario Tama/Getty Images)

Le recul de la banquise en été est considéré par les scientifiques comme « l’épicentre du réchauffement global », selon Markus Rex.

Il avait alors affirmé avoir vu « de larges surfaces d’eau liquide presque jusqu’au pôle, entourées de glace qui était elle criblée de trous en raison d’une fonte massive ».

Mardi, il a même assuré que la banquise avait reculé « plus vite durant le printemps 2020 que depuis le début des mesures » et que l’étendue de glace durant l’été était moitié moindre que des décennies plus tôt.

De son côté, la spécialiste de la banquise, Stefanie Arndt, a déploré que « nous soyons peut-être la dernière génération à pouvoir voir l’Arctique avec une banquise l’été ».

Or, cette banquise, a-t-elle mentionné, est un « espace de vie important pour les ours polaires ».

Des ours polaires près d’Alert, une station des Forces armées canadiennes dans l’Extrême-Arctique.
(Mario de Ciccio/Radio Canada)

Les experts ont récolté plus de 150 téraoctets de données ainsi que plus d’un millier d’échantillons de glace.

Jusqu’en 2023, les organisateurs de l’expédition travailleront sur plusieurs centaines de publications scientifiques après les analyses des éléments récoltés, « qui doivent permettre d’écrire un nouveau chapitre pour la compréhension des changements climatiques », selon le site Internet de la mission.

Un voyage de 3400 km

Durant 389 jours, la mission menée conjointement par 20 pays et dotée d’un budget de 140 millions d’euros a étudié à la fois l’atmosphère, l’océan, la banquise et l’écosystème pour recueillir des données évaluant l’impact du réchauffement climatique sur la région et le monde entier.

Au total, plusieurs centaines d’experts et de scientifiques ont séjourné en se relayant sur le navire qui s’est laissé glisser avec les glaces selon la dérive polaire, ce courant océanique qui s’écoule d’est en ouest dans l’océan Arctique.

Chamboulée par la pandémie, la mission a été sauvée in extremis au printemps 2020.

Le Polarstern a parcouru 3400 km en zigzag, soit une distance à vol d’oiseau de 1923 km, se retrouvant à un moment donné à 1500 km de distance de la zone de peuplement la plus proche.

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