Le Nunavik en grave manque de logements

Entre 2016 et 2021, la proportion de logements surpeuplés a baissé de 5 % au Nunavik, pour atteindre 47 % des ménages. (Radio-Canada/Félix Lebel)

Les impacts du manque de logements sur les résidents du Nunavik sont nombreux et persistants. Un récent rapport de Statistique Canada indique que 47 % des foyers du territoire québécois sont surpeuplés.

Portrait de cet enjeu, qui est sur toutes les lèvres au nord du 55e parallèle.

C’est avec plaisir qu’Hannah Tooktoo nous fait visiter son appartement de Kuujjuaq. Elle vit depuis le mois de mai dernier dans un duplex neuf, qui lui a enfin été attribué.

J’ai passé cinq ans sur une liste d’attente pour l’avoir! Ça fait vraiment du bien d’être chez soi, raconte la jeune mère de deux enfants.

Hannah Tooktoo se dit soulagée de pouvoir vivre dans un appartement en compagnie de sa famille. (Radio-Canada/Félix Lebel)

Elle habitait jusqu’à l’année dernière chez ses parents, en compagnie de son frère et de ses enfants. Trois générations dans une même maison, sans grande intimité.

Je m’entends bien avec ma famille et je les aime. Mais vivre entre adultes dans ce contexte, c’est sûr que parfois ça crée des tensions, dit-elle. Je suis chanceuse, parce que certains vivent dans un environnement toxique et ne pas pouvoir en sortir par manque de logement, c’est dramatique.

Dans toute la région du Nunavik, pour une population d’à peine 13 000 personnes, il manque plus de 800 logements pour répondre à la demande. (Radio-Canada/Félix Lebel)

La situation qu’a vécue Hannah Tooktoo n’est pas qu’anecdotique et les conséquences sur la qualité de vie des résidents sont nombreuses.

Quand tu habites à 10 personnes dans une maison, que tu as besoin de ton espace parce que tu es enceinte et que tu veux une famille. Ou même que tu as vécu de la violence dans le passé et que tu n’as aucune option pour vivre… C’est des déterminants sociaux de la santé et l’impact est réel, explique l’infirmière en santé communautaire à Inukjuak, Charlie Laplante-Robert.

Charlie Laplante-Robert est infirmière au Nunavik depuis cinq ans. (Radio-Canada/Félix Lebel)

Ça nous préoccupe tous ici les professionnels. Au niveau politique, je ne comprends pas que la situation perdure, ajoute Mme Laplante-Robert, qui compte cinq années de pratique au Nunavik.

Bâtir plus

Au bureau de l’Office municipal d’habitation Kativik (OMHK), le téléphone ne dérougit que très rarement.

Environ 98 % des résidents inuit du Nunavik, les Nunavimmiut, demeurent dans des logements sociaux de l’OMHK.

Il n’y a pas beaucoup d’alternatives au logement social, explique la directrice générale adjointe, Marie-Christine Vanier.

Marie-Christine Vanier de l’Office municipal d’habitation Kativik (Radio-Canada/Félix Lebel)

Les coûts de construction sont astronomiques, au moins trois fois plus élevés que dans le sud du Québec. Les matériaux arrivent par bateau et il est difficile de construire plus de 100 logements par année. Même à ce rythme, on n’arrive pas à rattraper la croissance de la population, ajoute-t-elle.

L’office municipal tente de faciliter l’accès à la propriété depuis quelques années, avec des subventions pour particuliers, qui souhaitent bâtir un logement. Tout le processus de construction au Nunavik est toutefois complexe et peut prendre plusieurs années.

Services publics touchés

Il manque encore 74 enseignants dans les classes de la commission scolaire Kativik, un mois après la rentrée des élèves.

L’administration scolaire fait tout en son pouvoir pour attirer plus d’enseignants, mais est freinée par le manque de logement.

Il y a plusieurs postes dans des villages qu’on n’affiche tout simplement pas, parce qu’on n’a pas les logements pour nos travailleurs, explique la directrice générale adjointe de la commission scolaire Kativik, Jeannie Dupuis.

Il faudrait au moins 160 logements supplémentaires pour répondre aux besoins du système scolaire, au coût estimé d’environ 1 million de dollars par unité d’habitation.

Pour Jeannie Dupuis, plus de logements permettraient d’attirer du personnel enseignant. (Radio-Canada/Félix Lebel)

La pénurie est telle que plusieurs enseignants venus du sud de la province doivent habiter en colocation dans des logements de deux chambres.

Une situation qui n’aide en rien à l’attractivité de la région, admet Jeannie Dupuis.

Ce n’est pas facile de vivre en colocation avec quelqu’un que tu ne connais pas en début d’année. Certaines personnes ne s’entendent pas et il faut s’ajuster. On veut aussi attirer des familles, mais leur trouver un logement, ce n’est pas facile.

Pour régler l’enjeu, il faudrait plus d’argent de Québec, souligne Mme Dupuis.

Je crois qu’ils ne sont pas nécessairement au fait des besoins, dit-elle. Ils voient ce qui se passe, mais tant que tu ne le vis pas, tu ne le sais pas.

Dans son logement neuf de Kuujjuaq, Hannah Tooktoo partage ce point de vue.

Elle se demande quand le prochain gouvernement va enfin régler cet enjeu, qui plombe la qualité de vie des Nunavimmiut depuis trop longtemps.

Avec la collaboration de Sarah Leavitt.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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