Peu d’intérêt au Nunavik pour les élections provinciales

Plus de 2600 personnes sont officiellement domiciliées à Kuujjuaq, ce qui n’inclut pas toutefois les nombreux travailleurs de passage. (Félix Lebel/Radio-Canada)
Dans le nord de la circonscription d’Ungava, au Nunavik, bon nombre d’électeurs ne se sentent pas concernés par la campagne électorale en cours, le signe d’une fracture entre les communautés inuit et Québec.  

À Kuujjuaq, le plus gros village de cette région du Nord-du-Québec, aucune pancarte électorale n’est visible dans les rues de la communauté.

Un portrait à l’image de l’intérêt que portent plusieurs Nunavimmiut (résidents du Nunavik) au scrutin provincial.

Environ 8000 électeurs résident au Nunavik, soit moins de 30 % de l’électorat total de la circonscription d’Ungava. (Colin Roch/Radio-Canada)

En 2018, le taux de participation dans la circonscription d’Ungava a à peine dépassé 30 % des 28 314 électeurs inscrits, soit la moitié de la moyenne québécoise.

Et dans la majorité des communautés du Nunavik, dans le nord de la circonscription, le taux a été inférieur à 20 % et a parfois frôlé 10 %, selon les données d’Élections Québec.

Comment expliquer cette faible participation?

La barrière de la langue est centrale dans ce désintéressement envers la politique provinciale, selon l’animateur de radio de CBC North basé à Kuujjuaq, Sandy Tooma.

Plus de 90 % des résidents du Nunavik parlent l’inuktitut, vient ensuite l’anglais comme langue seconde.

Sandy Tooma anime depuis plus de 10 ans une émission en inuktitut diffusée dans toutes les communautés du Nunavik. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Interrogé dans son studio de Kuujjuaq, Sandy Tooma se souvient de l’instauration de la loi 101 en 1977.

La Charte de la langue française avait alors creusé un fossé entre la population du Nunavik et le gouvernement du Québec, selon lui.

« Ça a fait l’effet d’une claque quand ils ont voulu nous imposer le français sur notre lieu de travail. Depuis, les gens se sont distanciés de la politique québécoise », explique l’animateur.

Cette distance envers la politique provinciale est aussi remarquée chez la plus jeune génération.

En plus de s’impliquer auprès des jeunes, Janice Parsons est une artiste et chanteuse traditionnelle. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Janice Parsons vient à peine d’être élue comme représentante régionale pour le Qarjuit Youth Council, un groupe de jeunes leaders inuit du Nunavik.

Personne ne parle de politique provinciale, pas dans mon cercle d’amis du moins.Janice Parsons

Janice souhaite conscientiser son entourage à l’importance de l’implication politique « pour que les choses changent au Nunavik ». Mais pour réellement intéresser l’électorat inuit, il faudrait avoir des élus inuit, selon elle.

« Ça serait incroyable! Un moment qui changerait la vie des Inuit. C’est quelque chose qu’on aimerait voir, davantage de gens de notre communauté impliqués dans les sphères de la vie publique », explique-t-elle.

Un point de vue que partage l’animateur Sandy Tooma. Il est irrité de voir que les élus de la circonscription d’Ungava ne sont pas autochtones.

« Ils sont tous du sud. On se sentirait plus interpellé si on avait un représentant qui connaît notre réalité et auprès de qui on se reconnaît », ajoute-t-il.

Comme plusieurs Nunavimmiut, il se réjouit cette année de voir la candidature de Tunu Napartuk, un Inuk de Kuujjuaq, pour le Parti libéral du Québec.

Une candidature qui pourrait susciter l’intérêt de l’électorat inuit, d’après lui.

Une circonscription à part?

Assis à la table de la cuisine, Tunu Napartuk répond à l’appel d’un journaliste concernant les réductions de services dans les dispensaires de santé régionaux.

L’ancien maire de Kuujjuaq, maintenant candidat, passe de l’anglais à l’inuktitut, avant de revenir à un français impeccable pour notre entretien.

Tunu Napartuk compte faire campagne dans la plupart des villages du Nunavik. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Pour régler les problèmes du Nord, ça prend quelqu’un qui connaît la réalité du nord », martèle-t-il entre deux gorgées de café.

Les habitants du Nunavik ne forment qu’environ 30 % de l’électorat de la circonscription d’Ungava.

Le reste des 28 000 électeurs sont répartis dans la région de la baie James et sur les territoires cris d’Eeyou Istchee.

Le candidat libéral dans Ungava, Tunu Napartuk, en compagnie de son épouse Lynn Lemire et son fils Scott. (Radio-Canada)

Une proportion minoritaire qui empêche selon lui d’avoir une réelle représentativité inuite à l’Assemblée nationale.

« Les Îles-de-la-Madeleine sont moins populeuses que nous, et pourtant, ils ont leur propre circonscription. Avoir notre propre siège, ça serait la meilleure façon de représenter nos défis et nos enjeux. Si vous veniez dans notre région, vous verriez à quel point c’est une réalité différente par rapport au sud », ajoute le candidat libéral.

En attendant un éventuel redécoupage de circonscription, Tunu Napartuk se réjouit de la candidature de Maïtée Labrecque-Saganash dans Ungava.

La candidate de Québec solidaire est d’origine crie et pourra intéresser plus d’autochtones à la campagne, d’après lui.

Trois autres candidats sont en lice dans Ungava : le député caquiste sortant Denis Lamothe, Christine Moore du Parti québécois et Nancy Lalancette pour le Parti conservateur du Québec.

Un texte de Félix Lebel

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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