Après Nord Stream, la Norvège remonte la garde face au risque de sabotage
Après des observations troublantes de drones et le « sabotage » présumé des gazoducs Nord Stream, la Norvège renforce la sécurité autour de ses installations pétrogazières considérées comme une potentielle cible de choix.
Aussi spectaculaires soient-elles, les fuites de gaz, précédées d’explosions sur Nord Stream 1 et 2 qui relient l’Allemagne et la Russie sous la Baltique, n’ont pas d’incidence sur l’approvisionnement de l’Europe. Les deux gazoducs n’étaient pas en service en raison de la guerre en Ukraine.
Un sabotage – la piste largement privilégiée par les dirigeants européens – de ce type sur des installations norvégiennes aurait des effets catastrophiques pour le continent, qui peine déjà à couvrir ses besoins en énergie à l’approche de l’hiver.
Au micro de la chaîne NRK, le lieutenant-colonel Geir Hågen Karlsen de l’Institut norvégien d’études sur les questions de défense (IFS) a jugé que « les livraisons de gaz norvégien sont probablement la cible la plus grosse et stratégiquement la plus importante pour un sabotage dans toute l’Europe à l’heure actuelle ».
« Nous réagirions fermement si quelque chose de la sorte devait se produire », a prévenu mercredi en conférence de presse le premier ministre norvégien, Jonas Gahr Støre.
« Il n’y pas d’indications concrètes de menaces directes contre les installations pétrogazières norvégiennes », a-t-il souligné.
Conséquence de la réduction par Moscou de ses livraisons de gaz en représailles aux sanctions prises par les Européens après l’offensive russe en Ukraine, la Norvège est devenue le principal fournisseur gazier de l’Europe, à laquelle elle est reliée par un vaste réseau de pipelines.
Le pays scandinave produit à plein régime. Selon des prévisions officielles, ses exportations de gaz pourraient atteindre un niveau record de 122 milliards de mètres cubes cette année.
À comparer aux quelque 150 milliards de mètres cubes de gaz par an fournis par la Russie à l’Union européenne avant la guerre.
Face à ces enjeux considérables, la police norvégienne a annoncé mercredi la prolongation et le renforcement des mesures de sécurité déjà en place dans le secteur pétrolier pour en réduire la vulnérabilité.
« La situation est prise très au sérieux et plusieurs mesures ont déjà été mises en place pour garantir la meilleure sécurité possible », a indiqué Tone Vangen, une responsable de la police.
Pour justifier le renforcement de la sécurité dans le secteur, les autorités ont invoqué un nombre croissant d’observations de drones près des installations pétrolières.
Un phénomène qui fait l’objet d’enquêtes policières concerne des engins « de différentes tailles » et s’est intensifié « en particulier en septembre », a précisé M. Støre.
« Nous prenons cela très au sérieux et nous le signalons à la police », a expliqué à l’AFP Eskil Eriksen, porte-parole du géant national de l’énergie Equinor, qui dit avoir observé de tels vols à proximité de certaines de ses installations.
En écho aux autorités, les compagnies pétrolières du pays disent avoir accru la sécurité autour de leurs plateformes, bases et installations en mer et sur terre.
Par souci d’efficacité, la nature exacte des mesures n’a pas été dévoilée, mais M. Støre a évoqué une vigilance policière accrue, un déploiement plus visible de l’armée ou encore davantage de suivi des activités « en mer, dans l’air, sur terre, sous l’eau et sur Internet ».
S’étendant sur des milliers de kilomètres, parfois à de grandes profondeurs, les gazoducs font figure de maillon faible de la chaîne d’approvisionnement énergétique, vitale pour l’Europe.
Sven Holtsmark, professeur et directeur de l’Institut norvégien d’études sur les questions de défense, juge « probable » que Moscou, souvent accusé de recourir à l’arme énergétique, tente de saboter des infrastructures norvégiennes.
« Avant, l’idée que la Russie s’en prenne à des installations norvégiennes aurait semblé complètement absurde, mais on ne peut plus se permettre d’exclure cette possibilité » pour entamer le soutien que les Européens apportent à l’Ukraine, a-t-il déclaré à l’AFP.
« La boîte à outils [du président russe] Vladimir Poutine se vide et la guerre en Ukraine ne semble pas devoir s’arrêter de sitôt. Pour moi, il est donc logique que Poutine décide de saboter des installations norvégiennes, d’autant que ce serait difficile de prouver que c’est la Russie qui est derrière », affirme l’expert.
Un texte de Pierre-Henry Deshayes, AFP