Ottawa versera 800 M$ pour quatre projets de conservation menés par des Autochtones
Le gouvernement Trudeau versera 800 millions de dollars sur sept ans pour financer quatre projets de conservation menés par des Autochtones dans le nord du pays.
Les zones totalisant près de 1 million de kilomètres carrés sont situées dans le nord de la Colombie-Britannique (zone marine du Grand Ours), ainsi que dans le nord de l’Ontario (projet de conservation des Omushkego), dans la région de Qikiqtani au Nunavut, ainsi que dans les Territoires du Nord-Ouest.
« Ces projets visent autant à assurer le bien-être des communautés qu’à protéger la nature », a déclaré le premier ministre Justin Trudeau, mercredi, lors d’une annonce à la Biosphère de Montréal en marge du sommet de la COP15 sur la biodiversité qui se tient dans la métropole jusqu’à la mi-décembre.
Selon le site du gouvernement, « les APCA (Aires protégées de conservation autochtone) sont des terres et des eaux dans lesquelles les Autochtones jouent le rôle primordial dans la protection et la conservation des écosystèmes ».
Cela ne signifie pas pour autant qu’on ne pourrait pas y faire de l’exploitation minière, par exemple, a expliqué le premier ministre, qui répondait à la question d’un journaliste. « Il y a actuellement une opportunité pour le Canada de fournir les minéraux dont nous avons tous besoin pour la transition vers un monde carboneutre […] En signant ces accords de protection, ce sont les peuples autochtones qui feront partie de la discussion : où on devrait plus protéger, où il y a de la place pour du développement et à quelles conditions », a indiqué M. Trudeau.
Impossible par contre de savoir, à ce stade-ci, comment les sommes seront attribuées et selon quels critères.
Particularités de ces zones
La zone marine du Grand Ours s’étend sur 16 000 kilomètres carrés du sud de l’Alaska jusqu’à une centaine de kilomètres de la pointe nord de l’île de Vancouver. On y retrouve plus de 30 espèces considérées comme « en péril » par le COSEPAC, le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada, note l’organisme WWF Canada.
« Chaque été, les rorquals à bosse, les épaulards de Bigg et les épaulards résidents du Nord viennent se nourrir dans ces eaux riches. Les loutres de mer, qui ont déjà été éradiquées de la Colombie-Britannique en raison d’une chasse excessive, sont de retour et aident à rétablir l’équilibre dans les écosystèmes. Des forêts de varech, des herbiers de zostère et des récifs d’éponges siliceuses en santé offrent des abris à diverses espèces marines, comme le sébaste et la crevette. Ce tronçon de mer aide à lutter contre les changements climatiques en stockant du carbone bleu », note de son côté un document du gouvernement du Canada.
Le projet de conservation marin et terrestre d’Omushkego se situe dans une zone qui « abrite une sous-population unique de bélugas toute l’année, la sous-population d’ours blancs la plus méridionale du monde, des caribous boréaux et une vie marine abondante, notamment des morses, de nombreux poissons arctiques et plus de 200 espèces d’oiseaux, dont des canards, des oies des neiges, des mouettes, des cygnes et des bécasseaux », mentionne le gouvernement canadien.
Le projet de zone de conservation marine dans la région de Qikiqtani correspond à deux fois la taille de la Nouvelle-Écosse. « Les mers ouvertes favorisent la mise bas des baleines, et les bords de la glace de mer sont riches en plancton, en copépodes, en morue arctique et autres poissons qui soutiennent le réseau trophique. La région regorge de phoques annelés, de bélugas, de morses, d’ours blancs et d’oiseaux migrateurs. Les zones de glace pluriannuelles contribuent également à la régulation du climat », indique un document gouvernemental.
« Ma génération a vu des changements si rapides en si peu de temps dans l’environnement et dans les comportements des animaux, qu’il faut agir sans tarder », a déclaré George Quviq Qulaut, négociateur en chef de la Qikiqtani Inuit Association.
Dans les Territoires du Nord-Ouest, la zone de conservation comprend toutes les terres et les eaux intérieures et peut-être également quelques aires marines. On y trouve plusieurs espèces en péril, comme le caribou de Peary, la grue blanche, l’ours blanc et le carcajou.
Présent à la conférence de presse, Jackson Lafferty, grand chef de la Nation Tłıchǫ, a déclaré que l’annonce d’aujourd’hui était un « pas significatif vers la réconciliation ».
Selon Dallas Smith, président du Conseil Nanwakolas, ce genre de geste du gouvernement « contribue à permettre aux peuples autochtones de reprendre le contrôle de leur destinée ».
Rien au sud?
La totalité des projets financés par Ottawa se trouve dans le nord du pays, alors qu’en est-il des projets de protection dans le sud? Les demandes ne manquent pourtant pas. Dans la région de Montréal, certains demandent que les terrains aux alentours de l’aéroport Trudeau soient exclus de tout développement afin de protéger les champs d’asclépiades qui permettent au papillon monarque de se reproduire.
« Nous avons commencé des consultations pour inscrire le papillon monarque sur la liste des espèces en péril du gouvernement du Canada, ce qui va nous donner des pouvoirs supplémentaires pour protéger l’habitat du papillon partout, et notamment sur les terres fédérales », a répondu le ministre fédéral de l’Environnement, Steven Guilbeault.
La population occidentale a diminué de plus de 95 % depuis les années 1980, souligne la Fondation David Suzuki, qui dit demander depuis six ans au gouvernement fédéral d’agir dans ce dossier.
« Le déclin tragique des papillons monarques et l’incapacité du Canada à les protéger mettent en lumière les enjeux des négociations de la COP15 en vue d’un nouveau cadre mondial axé sur l’arrêt et l’inversion de la perte de la biodiversité. La protection des monarques en tant qu’espèce menacée et la réduction des pesticides doivent être incluses dans les engagements du Canada », a déclaré l’organisme par voie de communiqué.
Un article de Mathias Marchal, Radio-Canada