Dans le Grand Nord canadien, le seul foyer de groupe pour jeunes du Nunavut a dû fermer ses portes
Le ministère des Services à la famille du Nunavut a mis un terme, au début du mois de février, au contrat de l’agence qui exploitait le foyer Illagiitugut à Iqaluit. L’établissement, destiné à des jeunes filles et à des personnes non genrées, était le seul foyer de groupe pour jeunes au territoire.
Il accueillait jusqu’à huit jeunes de 12 à 19 ans et était géré depuis 2016 par l’agence Shift, établie en Nouvelle-Écosse.
« [Le ministère des Services à la famille] ne nous a pas donné d’explication claire au sujet de la fermeture, qui a eu lieu à mi-chemin de notre troisième prolongation de contrat, si ce n’est pour dire qu’il réévaluait ses besoins », soutient son directeur général, Andrew Middleton, dans un échange de courriels.
Il affirme que son agence offrait des soins thérapeutiques et un programme de traitement clinique qui incorporaient les valeurs de l’Inuit Qaujimajatuqangit, le savoir traditionnel. Parmi les activités offertes aux jeunes, il cite des excursions sur le territoire, des événements communautaires, du bénévolat auprès d’aînés et des ateliers de fabrication de parkas, des manteaux traditionnels.
Un nouveau contrat octroyé, selon le gouvernement du Nunavut
Le porte-parole du ministère des Services à la famille, Anthony Canny, indique qu’un nouveau contrat a été octroyé, sans toutefois préciser le nom de l’agence choisie.
« Les filles continuent d’être prises en charge ici à Iqaluit, bien que dans un endroit différent, et elles participent à des programmes, notamment sur le territoire, et nous continuons à travailler avec elles pour trouver des placements permanents », dit-il dans un échange de courriels.
Le ministère a décliné notre demande d’entrevue et n’a pas souhaité donner plus de détails pour des raisons de confidentialité.
Sept jeunes réinstallés
Abby McAllister travaillait depuis juin 2022 comme superviseure dans le foyer de groupe. Elle explique que, le 2 février, le gouvernement du Nunavut a communiqué avec l’agence pour laquelle elle travaillait afin de mettre un terme à son contrat.
« Quatre jours plus tard, tous les jeunes ont été retirés du centre », dit-elle. Elle mentionne que quatre jeunes ont été transférés dans une famille d’accueil et que deux autres sont retournés dans le domicile d’où ils avaient initialement été retirés.
Abby McAllister ignore quelles raisons ont mené le gouvernement territorial à mettre abruptement fin au contrat de son employeur. Elle s’interroge aussi sur les dispositions entourant le nouveau contrat octroyé par le gouvernement territorial.
L’ancienne superviseure décrit par ailleurs un environnement de travail difficile, marqué notamment par un « manque de soutien » du gouvernement et des réactions négatives.
« J’ai conscience que [les employés du Mnistère] sont en sous-effectifs et qu’ils sont surchargés de travail, mais jusqu’à quel point doit-on les excuser? » s’interroge-t-elle. « Depuis trop longtemps, ce type de situation est accepté à Iqaluit, mais maintenant les jeunes en souffrent en subissent les contrecoups. »
Abby McAllister indique que d’anciens collègues ont communiqué avec le Bureau de la représentante de l’enfance et de la jeunesse pour leur faire part de la situation.
La représentante de l’enfance et de la jeunesse au Nunavut a décliné notre demande d’entrevue. Son rapport le plus récent (en anglais), paru en novembre, a notamment mentionné que la stabilité des placements en famille d’accueil et le soutien aux parents d’accueil étaient des problèmes récurrents en attendant des mesures du ministère des Services à la famille.
Ce n’est pas la première fois que l’établissement ferme temporairement ses portes. Cela a été le cas en septembre 2016, le gouvernement territorial n’ayant pas été en mesure de trouver un fournisseur pour exploiter le foyer de groupe.