Au Groenland, l’eau des lacs qui dégèle en hiver accélère la glace intérieure, dévoile une étude
Une équipe de chercheurs internationaux a pour la première fois montré comment la baisse d’eau en hiver de 18 lacs du Groenland accélère l’écoulement des bords de la glace. Selon les experts, ces nouvelles connaissances permettraient de mieux comprendre les effets du changement climatique sur le fonctionnement de la perte de la glace dans l’Arctique.
L’étude, publiée dans la revue spécialisée Geophysical Research Letters, indique qu’au milieu de l’hiver de 2018, un lac d’eau de fonte vieux de près de 50 ans a disparu de la couche de glace dans l’ouest du Groenland. « Le lac était recouvert de neige et de glace lorsqu’il s’est effondré, mais il stockait de l’eau liquide à l’intérieur », soulignent les chercheurs.
Pour les scientifiques dirigées par l’Université française Grenoble Alpes, avec des contributions de DTU Space à l’Université technique du Danemark, cette eau de fonte a agi comme une « lubrification » entre le lit de roche et la glace épaisse du dessus.
En conséquence, la grande masse de glace a pu glisser plus rapidement vers la côte, accélérant ainsi la formation d’une région de glace intérieure d’une ampleur inhabituelle. « Le drainage de ce lac a provoqué l’effondrement de plusieurs autres lacs dans la zone adjacente. Au total, les lacs effondrés ont libéré environ 180 millions de tonnes d’eau de fonte qui ont fini dans les océans du monde entier », ajoute l’étude.
Les experts, qui se sont principalement basés sur données radar et d’images optiques par satellite, expliquent que les lacs d’eau de fonte de la calotte glaciaire se forment en été lorsque la glace de surface fond. « Il est bien connu que ces lacs peuvent s’effondrer et se vider pendant l’été. Mais, étonnamment, cela se produit également en hiver », précise le chercheur Nathan Maier, auteur principal de l’étude.
On lit également dans le document que le lac vieux de 50 ans, qui a été le premier à se vider, était situé à environ 160 km à l’intérieur des terres, en hauteur sur la calotte glaciaire. Le lac était composé d’eau fondue et avait un couvercle de glace gelé en raison des températures froides de l’hiver.
« Lorsqu’il s’est effondré et que l’eau s’est écoulée sous la glace en direction de la côte ouest du Groenland, cela a déclenché une cascade d’événements qui ont entraîné l’assèchement d’autres lacs. Entre autres choses, la pression de l’eau qui s’est écoulée sous la glace du lac vieux de 50 ans a probablement contribué à former d’autres fissures dans la glace située au-dessus, faisant fuir ces lacs également », avance l’étude.
Plusieurs zones d’incertitudes
C’est un total de 18 lacs qui se sont effondrés. Cela a accéléré la disparition d’une zone de 5200 kilomètres carrés de la couche de glace, correspondant à plus de trois fois la taille du grand Londres, notent les experts, en précisant que le phénomène s’est produit en un mois de l’hiver de 2018, lorsque les températures de l’air étaient inférieures au point de congélation.
Pour Jonas Kvist Andersen, chercheur à DTU Space au Danemark, même si la zone observée par les scientifiques demeure limitée, il y a de « bonne raison » de supposer que des événements similaires se produisent dans beaucoup plus d’endroits au Groenland.
« Si cela s’applique à de plus grandes parties de la calotte glaciaire, il pourrait s’agir de quantités assez importantes d’eau de fonte qui disparaissent de cette manière et font glisser plus rapidement la calotte glaciaire vers la mer », dit-il.
L’étude ne s’avance toutefois pas sur la fréquence des drainages hivernaux, bien qu’il semble évident, d’après les experts, que les lacs ont commencé à s’effondrer en hiver en raison du réchauffement climatique.
« On ne sait toujours pas si des drainages de ce type deviendront plus fréquents, contribuant alors davantage à la perte de masse de la calotte glaciaire. Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour mieux comprendre les mécanismes », avance M. Maier.
Il reste qu’il est devenu « essentiel » de décrire ce qui se passe lorsque le processus de fonte a lieu en hiver afin que ces connaissances soient intégrées dans les futurs modèles de changement climatique », conclut M. Andersen.
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