Un fossile de fourmi géante soulève des questions sur les anciennes migrations dans l’Arctique
Les scientifiques de l’Université Simon Fraser (SFU) affirment que la découverte d’un fossile près de Princeton, en Colombie-Britannique, ouvre des portes d’interprétations sur la dispersion des animaux et des plantes dans l’hémisphère Nord il y a quelque 50 millions d’années, notamment sur le rôle éventuel de brefs intervalles de réchauffement planétaire.
Le fossile en question a été localisé par Beverly Burlingame, une résidente de Princeton, et mis à la disposition des chercheurs par l’intermédiaire du musée de la ville. Les scientifiques affirment qu’il s’agit du premier spécimen canadien d’une fourmi disparue baptisée Titanomyrma, dont la plus grande espèce était de taille gigantesque, avec la masse corporelle d’un troglodyte et une envergure d’un demi-pied.
Les paléontologues Bruce Archibald et Rolf Mathewes de la SFU, ainsi qu’Arvid Aase du Monument national de Fossil Butte dans l’État américain du Wyoming, ont publié leurs recherches sur le fossile dans la dernière édition de la revue spécialisée The Canadian Entomologist.
Notons que 10 ans plus tôt, M. Archibald et ses collaborateurs avaient découvert un gigantesque fossile de Titanomyrma du Wyoming dans les archives naturelles d’un musée de Denver. « Cette fourmi et le nouveau fossile de Colombie-Britannique ont un âge proche de celui d’autres fossiles de Titanomyrma connus depuis longtemps en Allemagne et en Angleterre », déclare le paléontologue.
M. Archibald rappelle qu’il y a 50 millions d’années, l’Europe et l’Amérique du Nord étaient reliées par la terre à travers l’Arctique, car l’Atlantique Nord ne s’était pas encore suffisamment ouvert par la dérive des continents pour les séparer complètement. « Mais l’ancien climat nordique était-il propice à leur passage? » s’interroge-t-il.
Trop froid pour la Titanomyrma?
L’histoire se complique davantage puisque le nouveau fossile canadien a été déformé par la pression géologique pendant la fossilisation. Par conséquent, sa taille réelle ne peut pas être vérifiée. « Il aurait pu être gigantesque, comme certaines des plus grandes reines de Titanomyrma. Mais il pourrait tout aussi bien être reconstitué comme étant plus petit », stipule le spécialiste.
Et puis, s’il s’agit d’une espèce plus petite, s’est-elle adaptée à cette région au climat plus frais en réduisant sa taille et en excluant les espèces gigantesques, comme l’avait déjà supposé M. Archibald? « Ou alors, elle était énorme et notre idée de la tolérance climatique des fourmis gigantesques, et donc de la manière dont elles ont traversé l’Arctique, était erronée », ajoute-t-il.
Malgré ces questions sans réponse, la paléontologue assure que ces recherches aident les scientifiques à mieux comprendre comment les espèces d’animaux et de plantes de la Colombie-Britannique se sont formées à une époque où le climat était très différent.
« Comprendre comment la vie s’est dispersée sur les continents septentrionaux, dans un climat très différent il y a 50 millions d’années, explique en partie les schémas de répartition des animaux et des plantes que nous observons aujourd’hui », avance-t-il.
La fourmi Titanomyrma pourrait également aider à mieux saisir les mécanismes du réchauffement climatique et son influence sur la répartition de la vie. « Nous devrons trouver d’autres fossiles. Beaucoup pensaient qu’on ne trouverait jamais la Titanomyrma dans les anciens plateaux tempérés du Canada. Or, on vient d’en découvrir une dans cette région. Le mystère demeure entier », conclut-il.
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