La banquise pourrait totalement disparaître de l’Arctique pendant les mois d’été, avertissent des experts

Depuis 20 ans, la planète aurait perdu pas moins de 28 000 milliards de tonnes de glace en raison du réchauffement climatique. (François Gagnon/Radio-Canada)
Le « dernier territoire de glace » situé au nord du Groenland et du Canada est l’ultime sanctuaire gelé durant toute l’année. Mais la hausse des températures causée par les changements climatiques pourrait bientôt changer la donne, suggère une étude menée par des chercheurs de l’Université d’Aarhus au Danemark.

Les scientifiques, qui ont travaillé en collaboration avec l’Université de Stockholm en Suède et l’Institut d’études géologiques des États-Unis, ont analysé des échantillons provenant d’une région du nord du Groenland, considérée jusqu’ici comme inaccessible.

Les échantillons de sédiments en question ont été prélevés dans les fonds marins de la mer de Lincoln, qui fait partie de la « dernière zone glaciaire », mentionne l’étude publiée cette semaine dans la revue Communications Earth & Environment.

Les analyses ont montré que la banquise dans cette région a déjà fondu pendant les mois d’été il y a environ 10 000 ans. L’équipe de chercheurs a conclu que la glace de mer estivale a fondu à une époque où les températures atteignaient un niveau dont nous nous rapprochons rapidement aujourd’hui.

« Les modèles climatiques ont établi que la glace de mer estivale dans cette région fondra dans les décennies à venir, mais on ne sait pas si cela se produira dans 20, 30, 40 ans ou plus », dit Christof Pearce, professeur adjoint au Département de géosciences de l’Université d’Aarhus. « Ce projet a démontré que nous sommes très proches de ce scénario et qu’il suffit que les températures augmentent un peu pour que la glace fonde. »

Les chercheurs indiquent avoir utilisé des données du début de l’holocène pour prédire quand la glace de mer fondra aujourd’hui. À cette époque, les températures estivales dans l’Arctique étaient plus élevées qu’aujourd’hui, note l’étude. On ajoute que ce phénomène, bien qu’il soit dû à la variabilité naturelle du climat et non au réchauffement induit par l’homme, constitue un « laboratoire naturel » pour étudier le sort de cette région dans un avenir proche.

Une bonne et une mauvaise nouvelle

Lorsque la banquise de la mer de Lincoln commence à fondre pendant les mois d’été, cela peut avoir des conséquences importantes sur le climat, précisent les scientifiques. Par exemple, quand que la glace blanche réfléchit les rayons du soleil, une mer sombre absorbe plus de 10 fois plus d’énergie solaire. Cela accentue le réchauffement de la planète.

« La banquise est la base de nombreux écosystèmes », déclare Henrieka Detlef, professeure adjointe au Département des géosciences. « Les algues que nous avons examinées servent de nourriture aux poissons, les poissons servent de nourriture aux oiseaux, etc. »

Comment les écosystèmes marins seront-ils touchés à l’échelle mondiale si la banquise disparaît? Nous ne connaissons pas encore la réponse.Henrieka Detlef, professeure adjointe au Département des géosciences

Selon les chercheurs de l’Université d’Aarhus, l’étude peut être interprétée comme une bonne et une mauvaise nouvelle pour le climat. « La mauvaise nouvelle, c’est que nous pouvons nous attendre à ce que cela se produise très bientôt. »

Et qu’en est-il de la bonne nouvelle? « Les données montrent que la tendance est réversible et que nous pouvons faire quelque chose si nous réduisons les émissions de gaz à effet de serre et si nous nous fixons des objectifs politiques ambitieux », affirme Mme Detlef.

De son côté, Christoff Pearce partage le même constat. « L’étude est un signal d’alarme, car nous savons que cela se produira. Cette nouvelle ne rend pas la situation plus déprimante, mais plus urgente. Nous devons agir maintenant pour pouvoir changer les choses. »

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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