Moins de glace dans l’Antarctique signifie moins de phoques, stipule une étude
Une récente étude menée par des chercheurs allemands confirme qu’à mesure que la glace de mer disparaît, les phoques de l’Antarctique deviennent de moins en moins présents.
Les chercheurs de l’Institut Alfred Wegener, au Centre Helmholtz pour la recherche polaire et marine (AWI) et à l’Institut Helmholtz pour la biodiversité marine fonctionnelle de l’Université d’Oldenburg (HIFMB), ont analysé des enregistrements audio provenant d’un microphone sous-marin qui capte automatiquement les vocalisations de mammifères marins comme les phoques et les baleines.
« Pour la première fois, nous avons pu enregistrer pendant huit ans des sons provenant de quatre espèces de phoques antarctiques. Cela nous a permis d’observer le comportement des animaux sur une longue période », affirme Irene Roca, biologiste et auteure principale de l’étude.
L’étude publiée dans la revue Frontiers in Ecology and the Environment souligne que, durant l’analyse des données, le tournant de l’année 2010-2011 se distingue particulièrement. À l’époque, la zone de recherche, située dans l’océan Austral près de la station Neumayer III de l’AWI, était pratiquement libre de glace : moins de 10 % des eaux habituellement gelées étaient recouvertes de glace.
« Comme le montrent les enregistrements des microphones sous-marins, il y avait beaucoup moins de phoques dans ces eaux à l’époque que pendant les sept autres années », peut-on lire.
Or, les phoques de l’Antarctique ont besoin de la glace de mer, car c’est là qu’ils mettent bas et allaitent leurs petits, rappellent les scientifiques. Cette période a lieu au printemps et en été dans l’hémisphère sud, d’octobre à janvier. « Normalement, à cette époque de l’année, la couverture de glace est importante et offrent aux phoques des conditions idéales pour mettre bas », ajoutent-ils.
Au cours de la saison 2010-2011, la glace a presque disparu, indique l’étude. Comme les experts n’ont installé qu’un seul microphone sous-marin dans la zone, on ne sait toujours pas si les phoques ont migré pendant la saison, et si oui, vers où? « Cependant, nos enregistrements sous-marins montrent clairement qu’il y avait beaucoup moins de phoques appelants que d’habitude dans les eaux observées », déclare Irene Roca.
Selon la biologiste qui travaille aujourd’hui à l’Université du Québec, ce phénomène s’applique à toutes les espèces de phoques originaires de la région : le phoque crabier, le phoque de Weddell, le léopard de mer et le phoque de Ross.
Des zones de reproduction menacées
Les recherches ont été menées à environ 2000 kilomètres au sud du Cap, dans la mer de Weddell. Notons que la région côtière de l’est de la mer de Weddell est considérée comme essentielle, car elle abrite les quatre espèces de phoques antarctiques et plusieurs espèces de baleines qui trouvent là de la « nourriture en abondance » et de « bonnes conditions » de glace de mer.
À ce titre, les chercheurs estiment leurs observations inquiétantes puisqu’avec le changement climatique, la région pourrait offrir aux mammifères marins une option moins fiable en tant que zone de reproduction. « Les données ont d’ailleurs récemment indiqué que les huit dernières années ont toutes été caractérisées par des étendues de glace de mer inférieures à la moyenne dans l’Antarctique et qu’un niveau historiquement bas a été atteint en février 2023 », indique l’étude.
Il reste que les experts ne peuvent pas encore dire exactement comment le manque de glace de mer pourrait nuire aux populations de phoques. Les connaissances sur les espèces sont encore trop insuffisantes, estiment-ils.
L’étude montre toutefois que les scientifiques connaissent mieux le comportement des phoques annelés de l’Arctique. Cette espèce a besoin d’une glace de mer avec une épaisse couche de neige, qu’elle utilise pour construire de minuscules grottes pour ses petits. Des études antérieures ont d’ailleurs démontré que de nombreux bébés phoques annelés de l’Arctique meurent lorsque la glace de mer et la neige sont insuffisantes.
« Je suppose que les années de faible glace ont également un effet sur la reproduction des phoques antarctiques, non seulement en termes de survie des jeunes, mais peut-être aussi en termes de comportement d’accouplement des adultes ou d’autres aspects », conclut le document.
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