Grand Nord canadien : une maladie génétique rare affecterait davantage les communautés inuit

Le village de Puvirnituq, au Nunavik, compte près de 1800 habitants. (Eilís Quinn/EOTA)
Des chercheurs de Montréal et d’Ottawa affirment avoir découvert une variante génétique chez les populations inuit qui causerait une maladie pulmonaire rare appelée dyskinésie ciliaire primaire (DCP). Leurs travaux ont permis de détecter la variante chez cinq personnes du Nunavut et chez deux du Nunavik.

Il s’agit d’un échantillon très faible pour le moment, mais la découverte laisse tout de même croire à un taux de prévalence beaucoup plus élevé que dans la population générale. Selon le Dr Adam Shapiro, coauteur principal de l’étude publiée dans la revue Pediatric Pulmonology, on compte normalement un cas par tranche de 10 000 personnes.

Chez les populations inuit, les estimations préliminaires des chercheurs ciblent une prévalence possible d’un cas sur 1400 personnes.

Ce qui a poussé le Dr Shapiro à entreprendre ces recherches, c’est le nombre élevé d’enfants inuit traités à Montréal pour des problèmes pulmonaires chroniques. « Le taux de pneumonies à répétition et de bronchites chroniques est vraiment incroyable. Alors, depuis des années, je me demande pourquoi ils sont si malades comparativement aux enfants du sud », indique le pneumologue pédiatrique à l’Hôpital de Montréal pour enfants du Centre universitaire de santé McGill (CUSM).

« C’est une maladie rare, ce qui explique qu’on puisse parfois ne pas la diagnostiquer. Mais si on considère un enfant qui a une toux chronique, des pneumonies à répétition, des otites sévères, et que 50 % de ses organes internes sont affectés, c’est un signe assez clair de la maladie », note le chercheur qui se spécialise dans la DCP.

La dyskinésie ciliaire primaire est une maladie grave. Il s’agit d’un mauvais fonctionnement des poils qui tapissent les voies respiratoires et permettent d’évacuer le mucus des bronches, du nez, des sinus et de l’oreille. L’inefficacité de ces poils entraîne une accumulation de mucus, ce qui mène ensuite à des infections à répétition.

Pour les personnes atteintes de la maladie, les conséquences sont lourdes. Elles doivent subir des traitements de physiothérapie quotidiens pour évacuer le mucus accumulé dans leurs voies respiratoires, puis prendre de la médication pour liquéfier le mucus ainsi que des antibiotiques et des anti-inflammatoires.

« Ça prend des traitements chaque jour, des traitements longs et intenses, pour vivre avec ça. C’est lourd. C’est vraiment difficile pour les petits enfants et les parents de faire des traitements pendant deux heures chaque jour », reconnaît le Dr Shapiro.

Les médicaments disponibles  sont les mêmes que ceux utilisés pour lutter contre la fibrose kystique. Toutefois, d’autres traitements plus spécifiques sont en développement.

Les connaissances actuelles ne permettent pas de déterminer si cette maladie rare, aussi appelée syndrome de Kartagener, réduit de façon importante l’espérance de vie, bien que les chercheurs soupçonnent que ce soit le cas.

« Nous ne savons pas si la vie est plus courte, mais nous savons que la vie est dure. Et si on peut trouver la maladie plus tôt, on peut commencer les traitements plus tôt et diminuer la sévérité », souligne le pneumologue qui enseigne la médecine respiratoire à l’Université McGill.

Le Dr Adam Shapiro, chercheur au sein du Programme en santé de l’enfant et en développement humain de l’Institut de recherche du CUSM, a mené ces travaux en collaboration avec le Dr Tom Kovesi, chercheur à l’Institut de recherche du Centre hospitalier de l’est de l’Ontario (CHEO).

Pour la suite des choses, les deux experts souhaitent que les autorités locales des gouvernements du Nunavut et du Nunavik déploient des programmes de dépistage afin de confirmer l’ampleur de la prévalence de la variante du gène DNAH11 causant la DCP.

On propose également que les Inuit souffrant de problèmes pulmonaires chroniques subissent un test de dépistage de la DCP. De plus, les deux experts suggèrent la mise en place d’un programme de dépistage de routine chez les nouveau-nés de ces communautés.

De précédentes recherches menées par le CHEO avaient démontré que certaines infections respiratoires chez les enfants des communautés inuit s’expliquaient par des facteurs sociaux comme le surpeuplement des logements et le manque de ventilation dans les maisons. La nouvelle découverte semble toutefois indiquer que la DCP héréditaire pourrait jouer un rôle majeur.

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