Les courants océaniques pourraient être bouleversés par la libération d’eau douce en Arctique

Lever de soleil sur l’horizon de glace dans l’ouest de l’océan Arctique. (Peigen Lin/Institut océanographique de Woods Hole)
Avec l’aide de données satellitaires et hydrographiques, des scientifiques de l’Institut océanographique de Woods Hole aux États-Unis ont étudié l’évolution du gyre de Beaufort sur les 20 dernières années. Ils ont pu observer que l’eau douce contenue dans ce système anticyclonique a augmenté de 40 % par rapport à la climatologie des années 1970.

Dans la région du nord du Canada et de l’Alaska, le gyre de Beaufort recueille naturellement de l’eau douce venant de la fonte des glaciers, du ruissellement des rivières et des précipitations. Mais le plus grand réservoir d’eau douce dans la région de l’Arctique connaît des bouleversements majeurs. En cause, l’afflux important lié à la fonte estivale et automnale des glaces de mer, anormalement massif depuis quelques décennies, notent les experts.

Le gyre de Beaufort est primordiale grâce de son rôle dans la circulation océanique mondiale et la régulation du climat. Les eaux de l’océan Arctique se mélangent avec les eaux des autres océans du globe et le gyre de Beaufort aide à redistribuer la chaleur et les nutriments dans les eaux de surface de l’océan mondial. Il participe ainsi à l’équilibre de l’environnement polaire en emmagasinant de l’eau douce près de la surface de l’océan.

Les chercheurs font une collecte de mesures dans la glace, dans l’ouest de l’océan Arctique. (Peigen Lin/Institut océanographique de Woods Hole)

L’étude publiée dans Nature Geoscience indique que la stabilisation du gyre serait le précurseur d’une énorme libération d’eau douce, qui pourrait avoir des conséquences importantes, notamment sur la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique, un autre élément clé du climat mondial.

« Le gyre de Beaufort est passé à un état quasi stable dans lequel l’augmentation de la hauteur de la surface de la mer du gyre a ralenti et la teneur en eau douce s’est stabilisée », souligne le document, ajoutant que la couche froide de l’halocline, qui isole les eaux chaudes et salées de l’Atlantique en profondeur, s’est considérablement amincie.

Un phénomène que les scientifiques expliquent en raison d’un apport moindre d’eau froide et salée provenant de l’océan Pacifique et du plateau de la mer des Tchouktches, ainsi que d’un entraînement plus important d’eau plus légère provenant de l’est de la mer de Beaufort.

« Les résultats impliquent que l’amincissement continu de la couche halocline froide pourrait moduler l’état stable actuel, permettant une libération d’eau douce. Cela pourrait à son tour rafraîchir l’Atlantique Nord subpolaire, ce qui aurait un impact à plus grande échelle », avance l’étude.

Les scientifiques s’inquiètent des bouleversements observés dans le gyre de Beaufort. (Peigen Lin/Institut océanographique de Woods Hole)

De plus, les experts soulignent que l’évolution du gyre pourrait avoir de nombreuses répercussions sur la structure hydrographique, les processus physiques et l’écosystème de l’Arctique.

« La population devrait être consciente que les changements dans la circulation de l’océan Arctique pourraient menacer le climat. Il n’y a pas que la fonte des glaces et les animaux qui perdent leur habitat qui devrait nous préoccuper », déclare Peigen Lin, océanographe et auteur principal de l’étude.

M. Lin qui a mené ses recherches à l’Institut océanographique de Woods Hole, basé dans l’État du Massachusetts, rappelle le gyre étant le plus grand réservoir d’eau douce de l’océan Arctique. « Si cette eau douce est libérée et finit par se répandre dans l’Atlantique Nord, elle pourrait avoir un impact sur la circulation de retournement et, dans un cas extrême, la perturber », a-t-il précisé.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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