Le premier port américain en eau profonde pour l’Arctique aura des bateaux militaires

Cette photo montre le port intérieur de Nome, en Alaska, le 11 août 2017, où les marchandises qui arrivent sont ensuite préparées pour être expédiées vers les villages de la région. (Lucas Stotts, maître du port de Nome/AP Photo)

Un bateau de croisière transportant environ 1000 passagers a jeté l’ancre au large de Nome, car il est trop gros pour se faufiler dans le petit port de la ville de la toundra. Ses touristes bien nantis ont dû monter dans de petits bateaux pour un autre trajet vers le rivage.

C’était en 2016. À l’époque, le navire de croisière Serenity était le plus grand à avoir traversé le passage du Nord-Ouest.

À mesure que la banquise arctique s’affaiblit sous la pression du réchauffement climatique et ouvre des voies de navigation à travers le sommet du monde, de plus en plus de touristes s’aventurent à Nome, une destination du nord-ouest de l’Alaska mieux connue pour sa course de chiens de traîneau de l’Iditarod et sa ruée vers l’or de 1898 que pour les voyages de luxe.

Le problème demeure : il n’y a pas de place pour amarrer les gros bateaux. Alors que les petits navires de croisière peuvent accoster, les responsables affirment que sur la douzaine qui arrivera cette année, la moitié jettera l’ancre au large.

Cela devrait changer, car un projet d’expansion de plus de 600 millions de dollars fera de Nome, qui compte 3500 habitants, le premier port arctique en eau profonde du pays.

Cet agrandissement, qui devrait être opérationnel d’ici la fin de la décennie, pourra accueillir de plus grands navires de croisière d’au moins 4000 passagers et des cargos pour livrer des marchandises supplémentaires aux 60 villages autochtones de l’Alaska, ainsi que des navires militaires pour contrer la présence de navires russes et chinois dans l’Arctique.

C’est une perspective qui emballe les propriétaires d’entreprises et les responsables de Nome, mais qui préoccupe d’autres personnes qui s’inquiètent de l’impact des touristes supplémentaires et du trafic maritime sur l’environnement et les animaux dont dépendent les Autochtones de l’Alaska pour leur subsistance.

Des études montrent que les passagers des navires de croisière dépensent généralement environ 100 $ par jour à Nome, a mentionné le directeur municipal Glenn Steckman.

Avec l’expansion, il espère que les passagers des plus grands navires de croisière prolongeront leur séjour pour découvrir davantage Nome et la toundra, pour voir des boeufs musqués sauvages ou pour siroter un verre au Board of Trade Saloon, vieux de 123 ans.

La saison des glaces raccourcit 

Le changement climatique rend tout cela possible.

La ville de Nome, fondée après la découverte d’or en 1898, a connu 6 de ses 10 hivers les plus chauds jamais enregistrés au cours de ce siècle. Les voies de navigation du détroit de Béring ne sont devenues plus fréquentées que depuis 2009, passant de 262 transits cette année-là à 509 en 2022.

« La glace de la mer de Béring atteint en moyenne Nome fin novembre ou décembre, environ deux ou trois semaines plus tard qu’il y a 50 ans », a déclaré Rick Thoman, spécialiste du climat au Centre international de recherche sur l’Arctique de l’Université d’Alaska Fairbanks.

En 2019, les meneurs de chiens de l’Iditarod, qui conduisent normalement leurs attelages sur la glace de la mer de Béring jusqu’à la ligne d’arrivée à Nome, ont été contraints de se rendre sur une plage en raison de l’eau libre. « La saison des glaces ne fera que raccourcir », a indiqué M. Thoman.

La chaussée du port a été terminée au milieu des années 1980. L’expansion sera achevée en trois phases et doublera effectivement sa taille. La première partie du projet est financée par 250 millions en fonds d’infrastructure fédéraux et 175 millions supplémentaires du gouvernement de l’Alaska. Les travaux devraient commencer l’année prochaine.

Actuellement, trois navires peuvent accoster simultanément. Le quai agrandi pourra en recevoir de 7 à 10.

Les travailleurs dragueront un nouveau bassin de 12,2 mètres de profondeur pour permettre aux grands navires de croisière, aux cargos et à tous les navires militaires américains, à l’exception des porte-avions, d’accoster, a fait savoir la directrice du port, Joy Baker.

Plus grande présence militaire

Le sénateur républicain Dan Sullivan, de l’Alaska, a déclaré que le port deviendra la pièce maîtresse de l’infrastructure stratégique américaine dans l’Arctique.

L’armée accumule des ressources en Alaska. Elle place des avions de combat dans des bases à Anchorage et à Fairbanks, établit une nouvelle division aéroportée de l’armée, forme des soldats pour les futurs conflits par temps froid et dispose de capacités de défense antimissile.

« Pour être présent dans l’Arctique, il faut pouvoir disposer de moyens militaires et de l’infrastructure nécessaire pour soutenir les ressources  », a déclaré M. Sullivan.

Les mers du nord près de l’Alaska sont de plus en plus fréquentées. Un comité de patrouille de la Garde côtière américaine a rencontré sept navires chinois et russes coopérant à un exercice l’année dernière à environ 138 kilomètres au nord de l’île Kiska en Alaska.

En 2021, des navires de la garde côtière ont également rencontré des navires chinois à 80 km au large des îles Aléoutiennes.

L’année dernière, le secrétaire général de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), Jens Stoltenberg, a averti que la Russie et la Chine se sont engagées à coopérer dans l’Arctique, « un partenariat stratégique approfondi qui défie nos valeurs et nos intérêts ».

Pourtant, la perspective de Nome d’accueillir plus de touristes et une plus grande présence militaire dérange certains habitants. Austin Ahmasuk, un natif d’Inupiaq, a déclaré que la construction originale du port a déplacé une zone traditionnellement utilisée pour la chasse ou la pêche de subsistance, et que l’expansion n’aidera pas.

« Le port de Nome est un développement purement pour le développement », a déclaré M. Ahmasuk.

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