La hausse des températures nuit aux rivières de l’Alaska et ses effets se répercutent sur les communautés autochtones

L’étude souligne que cette augmentation du volume d’eau est aggravée par une fonte des neiges plus précoce et par le dégel du pergélisol, également dû à l’augmentation des températures. (Mark Thiessen/AP)
Le débit des rivières de l’État de l’Alaska augmente au printemps et à l’automne, principalement en raison de l’augmentation des températures au cours des 60 dernières années, selon une nouvelle étude menée par l’Université du Colorado à Boulder.

L’étude, publiée dans la revue spécialisée Environmental Research Letters, montre que cette augmentation du volume d’eau est aggravée par une fonte des neiges plus précoce et par le dégel du pergélisol, également dû à l’augmentation des températures.

« Tous ces facteurs nuisent à la formation et à la sécurité de la glace des rivières de l’Alaska en hiver, ainsi que le moment où les rivières « se brisent » en réponse au réchauffement saisonnier chaque printemps », peut-on lire.

Les conclusions de l’étude sont le fruit d’une collaboration entre des chercheurs multidisciplinaires. Ils ont analysé des données recueillies entre 1960 et 2019 pour neuf grands bassins fluviaux de l’Alaska.

Les résultats scientifiques démontrent comment les rivières peuvent servir de quantité mesurable pour comprendre les impacts cumulés du réchauffement climatique dans les régions arctiques. Toutes les dynamiques qui alimentent le cycle hydrologique finissent par être filtrées dans la quantité d’eau d’une rivière, précise d’ailleurs le document.

« La mesure des cours d’eau est utile parce qu’elle intègre tous les autres changements de température, de précipitations, de pergélisol et de couverture neigeuse », explique Dylan Blaskey, auteur principal de l’étude et doctorant en génie civil.

Les recherches mesurent les conséquences déjà observées et vécues depuis des générations par les communautés autochtones de la région qui dépendent de ces rivières pour leur subsistance. « Elles subissent non seulement des pertes culturelles et financières dues à la diminution de la glace hivernale, mais aussi des dangers accrus lorsqu’elles utilisent ces cours d’eau pour le transport et la pêche », stipulent les experts.

M. Blaskey rappelle qu’avant la publication de l’étude, un sommet sur les rivières arctiques à Anchorage a été organisé en décembre 2022. Ce rendez-vous qui a réuni des représentants autochtones et des experts scientifiques a permis de se pencher sur les défis urgents auxquels sont confrontées les populations de l’Alaska et d’autres communautés de l’Arctique.

« Nous utilisons ces jauges fluviales pour surveiller ces régions éloignées, mais de nombreuses personnes ont une connaissance beaucoup plus intime et holistique du paysage et de son évolution », indique le doctorant.

Lors du sommet, il est apparu clairement que nous convergions vers une compréhension de la manière dont le changement climatique touche les communautés autochtones et les écosystèmes de l’Arctique.Dylan Blaskey, doctorant en génie civil

« En comparaison avec le reste des États-Unis, il y a très peu de jauges en Alaska », ajoute Keith Musselman, coauteur de l’étude et professeur assistant à l’Institut de recherche arctique et alpine de l’Université du Colorado.

Le professeur raconte que l’équipe de chercheurs a analysé six décennies de données mensuelles provenant des jauges de neuf rivières d’Alaska. Tout en tenant compte des anomalies climatiques à grande échelle, tels qu’El Niño et La Niña, les experts ont comparé le débit des cours d’eau à la température de l’air, à la température du sol, à l’humidité du sol et aux précipitations dans l’ensemble des bassins.

« Le débit des cours d’eau de l’Alaska atteint généralement son maximum en été et reste assez faible en hiver, avec des transitions marquées entre les deux saisons », note M. Musselman.

L’étude a ainsi révélé que si la quantité d’eau qui s’écoule chaque année dans ces rivières ne change pas, le moment où elle s’écoule se modifie, une plus grande quantité d’eau s’écoulant librement d’octobre à avril, ce qui crée des transitions saisonnières plus progressives.

Selon M. Blaskey, ce sont les changements de température de l’air qui ont eu le plus d’impact sur le débit de ces rivières d’Alaska. Les scientifiques ont également constaté que la corrélation entre l’augmentation du débit et la température ne fait que se renforcer au fil du temps.

« L’un des avantages et des inconvénients de la recherche en Alaska est que les signes des changements climatiques ont déjà commencé à se manifester », dit le doctorant.

De nombreuses rivières font partie des itinéraires traditionnels de chasse et de pêche des communautés autochtones de l’Alaska et peuvent être empruntées lorsqu’elles sont gelées. (Mike Rudyk/CBC)
Conséquences sur les communautés autochtones

Les chercheurs affirment que les communautés autochtones utilisent les rivières comme voie de circulation et de subsistance, qu’elles soient gelées dans la glace ou qu’elles coulent librement. De nombreuses rivières font partie des itinéraires traditionnels de chasse et de pêche et peuvent être empruntées lorsqu’elles sont gelées.

« Les rivières servent également de voies de communication essentielles pour relier les communautés et acheminer les fournitures saisonnières, telles que le carburant et la nourriture, car les réseaux routiers sont limités en Alaska », indique l’étude.

De plus, avec le changement de saison, la glace gèle plus tard et se désagrège plus tôt, ce qui compromet la stabilité et la sécurité de la glace fluviale. Le rétrécissement des saisons d’automne et de printemps a une incidence sur la durée de la glace fluviale et sur la sécurité des déplacements.

« Les communautés autochtones ont subi un nombre croissant de décès au cours des dernières décennies. Elles savent déjà ce qui arrive aux rivières », avance M. Musselman.

Pour le professeur, le savoir autochtone et la surveillance à long terme peuvent contribuer à l’élaboration de récits de changement dans le paysage arctique, afin de soutenir la planification et l’adaptation des communautés.

Avec les informations de Kelsey Simpkins de l’Université du Colorado à Boulder

Ismaël Houdassine, Radio-Canada

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