Des recherches menées en Antarctique permettent une découverte scientifique importante

IceCube est un observatoire de neutrinos situé sous la glace de l’Antarctique, réparti sur un kilomètre cube. (Collaboration IceCube)

Des neutrinos provenant du plan galactique de la Voie lactée ont été détectés par des scientifiques associés à l’Observatoire de neutrinos IceCube à plus de 1450 mètres de profondeur dans la glace de l’Antarctique.

« C’est très excitant. Ce sont les premières preuves concrètes d’émission de neutrinos de haute énergie dans la Voie lactée », indique la physicienne québécoise Roxanne Guénette de l’Université de Manchester au Royaume-Uni, qui n’a pas participé à l’étude.

Des neutrinos peuvent provenir de deux sources cosmiques :

  • Ceux de basse énergie sont principalement produits dans des réactions nucléaires, telles que celles qui alimentent le Soleil et les supernovas.
  • Ceux de haute énergie sont produits par des objets célestes extrêmes, notamment des trous noirs et des étoiles à neutrons.

L’énergie émise par les neutrinos de haute énergie est des millions ou des milliards de fois supérieure à celle produite par les réactions de fusion qui alimentent les étoiles.

Repères

  • La toute première détection de particules de basse énergie a été réalisée en 1987. Elle provenait d’une supernova du Grand Nuage de Magellan, une galaxie voisine.
  • Des neutrinos de très haute énergie ont été détectés en 2013 par la collaboration IceCube, mais leurs sources demeurent inconnues.
  • La toute première détection de neutrinos de haute énergie dont la source est connue a été réalisée en 2017, toujours par la collaboration IceCube. Elle était située à 5,7 milliards d’années-lumière de la Terre.
  • La présente détection est la première de haute énergie provenant du plan galactique de la Voie lactée. Elle a aussi été réalisée à l’aide d’IceCube. Dans une galaxie spirale comme la nôtre, le plan galactique correspond au centre du disque où se trouve la plus grande partie des étoiles.

Mystérieuses particules

Les neutrinos sont des particules invisibles, d’une masse extrêmement faible et électriquement neutres, contrairement aux électrons, par exemple. Les premiers seraient apparus peu après la naissance de l’Univers, il y a environ 13,8 milliards d’années.

L’existence de ces particules élémentaires du modèle standard de la physique a été postulée en 1930, mais ce n’est qu’en 1956 qu’elle a été confirmée lors d’une expérience menée près d’un réacteur nucléaire.

« C’est une particule qui participe aux désintégrations radioactives. Sur Terre, elles apparaissent dans les réacteurs nucléaires lorsque l’uranium se brise pour créer du plutonium », précise la physicienne québécoise Roxanne Guénette.

Si on compare souvent les neutrinos à des particules fantômes, c’est parce qu’ils n’interagissent que très faiblement avec leur environnement.

La présence des neutrinos (en bleu) dans la Voie lactée. (Illustration artistique/collaboration IceCube)

Le problème avec les neutrinos, c’est qu’ils sont très difficiles à détecter puisque ce sont les particules qui interagissent le moins avec la matière. Par exemple, des milliards de neutrinos traversent notre corps chaque seconde. Ils font juste passer dans la matière sans rien faire.

Roxanne Guénette, Université de Manchester

Cette caractéristique, et le fait qu’ils ne peuvent pas être déviés par les champs magnétiques présents dans l’Univers, permet aux neutrinos de se dégager très rapidement des régions denses de l’Univers et de voyager presque à la vitesse de la lumière.

Par exemple, quand une supernova explose, les neutrinos quittent vraiment rapidement puisqu’ils n’interagissent pas beaucoup avec leur environnement, contrairement aux photons qui, eux, interagissent avec les neutrons dans l’explosion pour ensuite tranquillement se dégager et commencer leur parcours dans l’espace.

Roxanne Guénette, Université de Manchester

Les neutrinos parviennent donc plus rapidement à la Terre que les autres, ce qui permettra, éventuellement, « de pointer tous les télescopes de différentes longueurs d’onde vers les événements célestes dont ils proviennent afin de les étudier ».

En outre, mieux cerner leurs propriétés permettra de comprendre ces événements, qui sont également la source des phénomènes les plus extrêmes de l’Univers.

Place à l’astronomie des neutrinos

Jusqu’à maintenant, nos connaissances de notre galaxie – et de l’Univers – proviennent des informations récoltées grâce aux photons associés à la lumière et aux rayonnements électromagnétiques, allant des ondes radio aux rayons gamma. La capacité de détecter les neutrinos promet maintenant de changer la donne puisqu’elle permettra de scruter des régions de l’espace assombries par la poussière et les gaz.

« Observer la galaxie pour la première fois en utilisant ces particules au lieu de la lumière est un grand pas en avant », dit Roxanne Guénette, qui ajoute que « le recours aux neutrinos ouvre une toute nouvelle fenêtre sur l’Univers ».

D’ailleurs, les capacités ultrasensibles de détection d’IceCube jumelées aux nouveaux outils d’analyse des données vont permettre dans les prochaines années de mieux cerner les sources de neutrinos de la Voie lactée, et de révéler possiblement des caractéristiques cachées.

C’est le début d’un nouvel âge en astronomie. On n’était pas certains que la galaxie était capable de produire des trucs assez énergétiques pour produire des neutrinos. Nous en avons maintenant la preuve, et c’est motivant pour nos futures recherches.

Roxanne Guénette, Université de Manchester

IceCube, l’astrophysique de l’avenir

L’observatoire de neutrinos IceCube est le premier détecteur terrestre conçu pour observer l’Univers à plus de 1450 mètres de profondeur dans la glace sous la station Amundsen-Scott au pôle Sud.

Ce télescope forme un gigantesque cube dans lequel pas moins de 5160 capteurs optiques de la taille d’une balle de baseball ont été répartis.

L’objectif de ces senseurs est de détecter le passage des neutrinos.

« Lorsque des neutrinos interagissent avec la glace, les particules produites dans l’interaction émettent indirectement un genre de cônes lumineux bleus », résume Mme Guénette.

C’est une détection indirecte parce qu’on ne peut pas détecter les neutrinos eux-mêmes.

Roxanne Guénette, Université de Manchester

« On est certains que ce sont des neutrinos parce qu’il n’y a pas d’autres particules capables de pénétrer dans la glace et de laisser un signal de rayonnement de Tcherenkov, une forme d’énergie que l’œil humain perçoit comme une lumière bleue », poursuit la physicienne.

Ce sont ces signaux lumineux qui ont été détectés avec des capteurs dans la glace.

En outre, ces motifs lumineux sont très directionnels et pointent clairement vers la zone particulière du ciel d’où ils proviennent, ce qui permettra éventuellement aux chercheurs de déterminer la source ou les sources de neutrinos comme des pulsars, des micro-quasars, et peut-être le trou noir Sagittaire A* qui se trouve au centre de la Voie lactée.

Le détail de ces travaux est l’objet d’un article publié dans la revue Science.

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Alain Labelle, Radio-Canada

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