Pour une application de la « déclaration de Berlin » afin de protéger les régions polaires des polluants

Des produits chimiques se propageraient dans les airs après avoir été libérés des eaux de l’Arctique. (Olivier Morin/AFP/Getty Images)
Les scientifiques s’accordent pour indiquer que les régions polaires sont exposées à une charge croissante de polluants. La déclaration de Berlin sur la prévention et la gestion des substances chimiques toxiques et de leurs déchets a été adoptée lors de la 3e Conférence internationale sur la gestion des produits chimiques en 2012 à Berlin.

Des experts d’organisations internationales ont récemment publié dans la revue Chemosphere un plan d’action de la déclaration de Berlin. Les crises écologiques ont un impact même dans les coins les plus reculés de la Terre, soulignent les scientifiques. Ils précisent que les régions arctiques sont fortement polluées par des contaminants à longue durée de vie.

Le plan d’action émane, entre autres, de la Commission européenne, du ministère de l’Environnement, de l’Allemagne, de la Convention de Stockholm, du Conseil de l’Arctique et de la Conférence du traité de l’Antarctique, le tout sous la direction des centres de recherche Helmholtz-Zentrum Hereon.

Autant d’institutions et d’organisations qui rappellent que la déclaration appelle à une action concertée pour prévenir et gérer les risques posés par les produits chimiques toxiques, notamment en renforçant les capacités nationales et internationales en matière de réglementation, de surveillance, de gestion des déchets et de recherche scientifique.

Le document souligne également l’importance de la participation et de la collaboration de tous les acteurs concernés, y compris les gouvernements, les entreprises, les organisations non gouvernementales et les citoyens.

Ainsi, les experts ont présenté 10 recommandations d’action et les ont assorties de suggestions de mise en œuvre concrète.

Dans l’archipel du Svalbard, au nord de la Norvège, le réchauffement climatique entraîne des hivers plus courts, des températures qui font le yo-yo, des précipitations plus fréquentes, de plus en plus sous forme de pluie, et le dégel du pergélisol. (Jonathan Nackstrand/AFP/Getty Images)
Les 10 recommandations
1 – Sensibiliser les responsables politiques et le public au problème

Le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution sont interdépendants et constituent ensemble une menace pour les écosystèmes, particulièrement grave dans les régions arctiques. Pour sensibiliser aux problèmes des régions polaires éloignées, les médias et les projets éducatifs doivent attirer l’attention des citoyens sur ces questions. Le principe de précaution et les stratégies de surveillance, d’atténuation et d’élimination de la pollution doivent tenir compte des connaissances autochtones et traditionnelles.

2 – Application du principe de précaution

Le principe de précaution est une approche qui permet de prendre des décisions en amont pour protéger l’environnement de l’Arctique et de l’Antarctique, par exemple des mesures réalisables basées sur des études scientifiques aux niveaux national et international qui intègrent les niveaux de toxicité, la longévité et la mobilité environnementale, individuellement ou en combinaison.

3 – Améliorer la collaboration

Pour que les connaissances débouchent sur des actions, il est nécessaire de mettre en place un réseau et une communication efficaces entre les acteurs concernés. Cela permettra d’aborder de manière plus ciblée les questions de recherche dont ont besoin les parties prenantes nationales et internationales, par exemple, la Commission européenne, l’Agence européenne des produits chimiques, la Convention de Stockholm.

4 – Meilleure utilisation des données de surveillance

Avec environ 350 000 produits chimiques enregistrés, il est important d’établir des priorités si l’on veut se concentrer sur la menace pour les écosystèmes polaires. Les critères réglementaires internationaux devraient être utilisés à cette fin, en particulier la longévité et le rayon d’action. Il est important que des données harmonisées sur les occurrences aux deux pôles soient régulièrement collectées et publiées.

5 – Actualiser les paradigmes de la protection des régions polaires

Le nombre de polluants augmente rapidement. Cela soulève la question de savoir si les approches existantes en matière d’évaluation et de gestion des produits chimiques sont toujours d’actualité. Le problème est que l’on détecte de plus en plus de polluants qui, d’après les évaluations précédentes, ne devraient pas se trouver dans les régions polaires. Actuellement, plus de 800 substances sont considérées comme « potentiellement préoccupantes pour l’Arctique ».

6 – Extension et harmonisation de la surveillance

Si la surveillance dans l’Arctique est assurée par des programmes nationaux et régionaux, ce n’est pas encore le cas pour l’Antarctique, et l’échantillonnage systématique et la collecte de données doivent être développés. Dans l’Arctique, il est de plus en plus nécessaire d’étudier les émissions locales de polluants, telles que l’extraction de pétrole et de gaz, l’exploitation minière, l’industrie, les installations militaires, les infrastructures municipales, les transports, les activités des stations de recherche, la pêche à grande échelle, le tourisme et les zones d’habitation.

7 – Développement de programmes de dépistage innovants

Outre l’analyse chimique classique et ciblée, il existe de nouvelles approches qui peuvent être utilisées pour développer la surveillance des polluants. Outre le dépistage chimique à grande échelle, il s’agit principalement de nouvelles approches de modélisation pour l’évaluation des incidences et de l’apprentissage automatique pour l’identification de nouvelles substances problématiques.

8 – Développement de banques d’échantillons environnementaux

Les banques d’échantillons environnementaux sont des institutions nationales qui créent et appliquent des programmes formels et des protocoles normalisés pour la collecte, le traitement et l’archivage d’échantillons environnementaux en vue de recherches futures. Leurs archives d’échantillons offrent des possibilités de visualisation rétrospective et d’évaluation des changements temporels et géographiques de l’exposition aux substances chimiques au cours des dernières décennies. Dans l’Arctique, les programmes de lutte contre la pollution sont déjà systématiquement soutenus par des banques d’échantillons environnementaux. Il est également urgent de le faire pour l’Antarctique.

9 – Assurer le libre accès aux données

Aujourd’hui, il est déjà possible d’accéder à des données à partir de plateformes de données individuelles établies sur des sujets spécifiques, ou de les trouver dans des rapports ou des articles scientifiques. Toutefois, il n’existe pas d’accès centralisé, complet et ouvert aux données sur les polluants aux pôles. En général, comparé à l’Arctique, l’Antarctique présente d’importantes lacunes en matière de données qu’il convient de combler.

10 – Mise en place de plateformes numériques

Le stockage numérique des résultats d’échantillons précédemment étudiés dans des dépôts accessibles à long terme et des banques virtuelles d’échantillons environnementaux offre de nouvelles possibilités d’analyse ultérieure des données à mesure qu’apparaissent de nouvelles méthodes ou de nouvelles connaissances sur les polluants dans les régions polaires.

(Source : Helmholtz Association of German Research Centres)

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *