De son exil en Norvège, une jeune Russe poursuit la lutte anti-Poutine par la plume

En décembre dernier, Olesia Krivtsova est arrêtée par la police, interrogée puis inculpée en vertu d’une loi punissant ceux qui discréditent l’armée russe. (AFPTV)

Arrêtée dans son pays après dénonciation, une jeune Russe hostile à la guerre en Ukraine s’est mise au journalisme pour, depuis l’Arctique norvégien, croiser le fer avec Vladimir Poutine, l’ennemi juré qu’elle tourne en dérision avec un tatouage caustique.

«Il était un temps où j’étais étudiante et menais une vie normale. Mais maintenant, tout a changé», confie Olesia Krivtsova à l’AFP dans son nouveau bureau au Barents Observer à Kirkenes, ville du Grand Nord de la Norvège, à seulement 15 minutes de route de la frontière russe.

Sur le mur, une image imprimée de Vladimir Poutine est accompagnée du texte orwellien «Big Brother vous regarde».

Vêtue de chaussures de sport roses et de chaussettes vert vif, la jeune femme de 20 ans a eu maille à partir avec les autorités russes quand des camarades à l’Université fédérale d’Arkhangelsk, dans le nord de la Russie, l’ont dénoncée pour ses prises de position contre l’invasion de l’Ukraine.

Après le début de l’offensive le 24 février 2022, Olesia Krivtsova a commencé à disséminer des autocollants antiguerre dans sa ville et à publier des commentaires critiques envers le président Poutine sur les réseaux sociaux.

De façon plus personnelle, elle s’est aussi fait tatouer une araignée avec la tête de Poutine sur la jambe.

«J’ai fait ça juste après le début de la guerre», explique Olesia Krivtsova afin, dit-elle, d’exprimer symboliquement sa colère à l’égard du régime russe. Face à la frustration ressentie à l’époque, «ce tatouage était une libération», souligne-t-elle.

Une arrestation, puis la fuite

En décembre dernier, la jeune femme a été arrêtée par la police, interrogée puis inculpée en vertu d’une loi punissant ceux qui discréditent l’armée russe, un délit passible de 10 ans de prison. «Je me suis retrouvée en résidence surveillée. Alors que j’attendais la décision du tribunal, j’ai compris que si je ne partais pas, il y avait de fortes chances que je finisse en prison», témoigne-t-elle.

Elle a alors pris la fuite vers la Lituanie, où elle a retiré le bracelet électronique de sa cheville dans une scène en forme de pied de nez qu’elle a filmée et diffusée sur les réseaux sociaux.

C’est à cette période qu’elle a affiché son intérêt pour le journalisme. «Cela a suscité notre intérêt», explique à l’AFP le fondateur du Barents Observer, Atle Staalesen.

«Le journalisme a besoin de gens courageux de nos jours, et Olesia est l’une des personnes les plus courageuses que nous connaissons», ajoute-t-il.

Journal en ligne devenu en 20 ans une référence pour l’actualité du Grand Nord qu’il couvre en anglais et en russe, le Barents Observer a offert à l’étudiante une place dans sa rédaction, laquelle compte désormais quatre Russes en exil.

Si ses collègues ont des années, voire des décennies, d’expérience, Olesia Krivtsova doit apprendre son nouveau métier sur le tas. «Elle a davantage le parcours d’une militante et d’une étudiante que d’une journaliste», reconnaît Atle Staalesen. Mais «ce que nous avons vu jusqu’à présent est très prometteur».

Pas de retour possible à court terme

L’un de ses premiers articles a été consacré à la répression de la contestation dans sa ville d’origine, Arkhangelsk.

La Russie est tombée à la 164e place, sur 180, dans le classement annuel de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, un classement que la Norvège domine depuis plusieurs années.

Une autre ONG, Amnistie internationale, a dénoncé l’an dernier la «chasse aux sorcières» menée par les autorités russes contre ceux qui s’élèvent contre la guerre en Ukraine.

Au vu de l’évolution de son pays natal, Olesia Krivtsova se voit mal rentrer de sitôt. «Je ne pense pas. Du moins pas dans les 10 prochaines années, certainement pas», dit-elle.

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