La tuberculose atteint un niveau record au Nunavik
Les cas de tuberculose active recensés au Nunavik ont atteint un nouveau sommet en 2023, malgré les efforts de la santé publique et des communautés inuit pour l’endiguer.
Au total, 81 personnes ont reçu un diagnostic de tuberculose active dans la région, soit plus du double de 2022, où elles étaient 38.
La Régie régionale de santé et de services sociaux du Nunavik (RRSSSN) explique cet écart par l’intensification de la campagne de dépistage de la maladie au courant de la dernière année.
«Plus il y a de dépistage effectué, plus on trouve des cas», explique la porte-parole de la RRSSSN Kathleen Poulin.
Le dépistage et les activités de prévention de la maladie avaient par ailleurs été mis sur pause en 2020 et en 2021 en raison de la pandémie de COVID-19, ce qui pourrait expliquer une recrudescence des cas aujourd’hui.
«L’absence d’activités de dépistage et le confinement à la maison ont fort probablement contribué à la transmission de la tuberculose dans la région. Cela est un phénomène observé un peu partout dans le monde, et ce, pour plusieurs infections», ajoute Mme Poulin.
Vers des solutions locales et communautaires
La mairesse du village de Kangiqsujuaq, Qiallak Qumaluk Nappaaluk, s’inquiète de cette recrudescence des cas.
«Si on ne fait pas face à cette réalité, cela va continuer de se propager et c’est dangereux. Nous devons aider la Régie de la santé. La communauté doit s’impliquer davantage», dit-elle.
L’augmentation de la population au Nunavik et le manque de logement sont en cause dans ces nouvelles données, selon la mairesse.
Ces facteurs ont été maintes fois soulignés par la santé publique. Pas moins de 47 % des résidents du Nunavik vivent dans un logement surpeuplé.
Selon la mairesse, il subsiste aussi une certaine crainte, chez une partie de la population, liée aux anciennes méthodes de la santé publique face à la tuberculose.
Dans les années 1950, de nombreux Inuit atteints de la tuberculose ont été envoyés de force dans des sanatoriums dans le sud du pays pour y recevoir des traitements. De nombreux résidents inuit y sont morts sans que leurs familles en aient été informées, ce qui a contribué à alimenter la méfiance face aux traitements.
«Plusieurs personnes sont encore affectées. Leurs parents ne sont jamais revenus. Des enfants n’ont jamais vu leurs grands-parents. Ça a vraiment touché les Inuit», ajoute la mairesse.
Qiallak Qumaluk Nappaaluk en sait quelque chose, puisque sa propre mère, l’autrice renommée Mitiarjuk Nappaaluk, a été envoyée dans des sanatoriums du sud du pays à l’époque.
«Ma mère y a passé cinq ans de sa vie […] Elle avait été diagnostiquée lorsqu’elle était enceinte. Au sanatorium, elle a perdu son bébé, ma sœur, qui a été enterrée quelque part sans qu’elle sache où c’était», confie Mme Nappaaluk.
Ce genre de situations négatives a frappé l’imaginaire d’une génération complète d’Inuit et a entretenu une méfiance envers les traitements prodigués par les autorités sanitaires québécoises.
«Les gens ne veulent pas être malades, ils peuvent avoir peur, mais, aujourd’hui, les traitements ont changé. Ils doivent aller à l’hôpital pour deux ou trois semaines, mais peuvent ensuite retourner à la maison», indique Mme Nappaaluk.
De l’autre côté de la baie d’Ungava, au village de Kangiqsualujjuaq, la mairesse Maggie Emudluk souhaiterait que la population s’engage aussi dans la lutte contre la maladie.
«Nous n’avons pas beaucoup de ressources, mais nous avons une voix. On doit aider la Régie, et la communauté doit faire sa part. On ne peut pas laisser la Régie de la santé tout faire. Elle est là pour aider, mais on ne peut pas simplement se fier à elle», dit-elle.
Maggie Emudluk souhaiterait par ailleurs créer une association de maires et de mairesses au Nunavik pour mobiliser les communautés à lutter contre la maladie.
Une rencontre avec les élus du Nunavik a déjà eu lieu en novembre dernier afin de faire le point sur l’évolution de la tuberculose.
La mairesse de Kangiqsualujjuaq croit que ce genre d’initiative pourrait être bénéfique pour trouver des solutions locales à ce problème qui prend de l’ampleur au niveau régional.
«J’espère sincèrement qu’on va réussir à conscientiser tout le monde et à en finir avec la tuberculose», conclut la mairesse.
À lire aussi :