Nord de la C.-B. : l’exploration minière grandit, mais peu y gagnent, dit un rapport

La mine d’or Brucejack se trouve dans la région transfrontalière avec l’Alaska, près de la rivière Unuk, en Colombie-Britannique. (Chris Miller, Salmon State)

Un nouveau rapport de l’Environmental Investigation Agency soutient que les intérêts d’investisseurs et des avantages fiscaux gouvernementaux alimentent un vaste réseau d’exploration minière dans un bassin hydrographique transfrontalier avec l’Alaska, dans le nord de la Colombie-Britannique, soulevant ainsi des enjeux environnementaux et financiers.

Ce modèle financier d’exploration minière en «récompense peu» tout en créant des «risques excessifs» pour certains environnements partagés entre la Colombie-Britannique et l’Alaska, peut-on lire dans le rapport de l’organisation internationale.

L’enquête porte sur la région du nord-ouest de la province appelée le triangle doré, en partie recouvert de glaciers. Leur fonte pourrait créer de nouveaux habitats pour les saumons, mais ce terrain est riche en minerai, en or notamment.

Maximiser les claims, réduire les risques

D’après le rapport, un réseau de plus de 450 compagnies canadiennes travaille à jalonner des terrains miniers et à explorer la région, en suivant une stratégie génératrice de prospects. Selon ce principe financier, en multipliant les claims miniers, au moins l’un d’entre eux deviendra une mine à profit et pourra rembourser les coûts des autres prospects.

Les gros investisseurs et les dirigeants de ces compagnies pourraient ainsi être payés par le capital produit, et pendant ce temps «les investisseurs moyens, les contribuables canadiens, les Autochtones, les résidents des milieux ruraux ainsi que les communautés et économies américaines en aval devront assumer les risques financiers et environnementaux», note le rapport.

Steve Suarez est avocat spécialisé en impôt sur les sociétés et fondateur de Mining Tax Canada, un site éducatif sur la taxation minière. Pour lui, il est vrai que seulement un projet d’exploration sur 10 000 devient lucratif. C’est pourquoi les avantages fiscaux et protections des investisseurs existent.

Sans eux, il n’y aurait pas d’intérêt financier à effectuer ce genre d’exploration. «Ces compagnies d’exploration dépensent réellement de l’argent pour que des personnes réelles survolent le secteur et s’enfoncent dans les forêts», dit-il.

80 % des claims à moins de 5 km de cours d’eau

Si pour certains défenseurs de l’industrie, l’exploration minière est nécessaire dans le cadre de la transition écologique, les conséquences environnementales sont également notables, d’après le rapport.

L’EIA dit avoir découvert qu’en cinq mois, les entreprises Teuton Resources, Tudor Gold et American Creek Resources ont dépensé plus d’un million de dollars en essence pour faire fonctionner des hélicoptères, entre autres équipements, sur les claims qu’elles possèdent conjointement. Cette quantité d’essence brûlée représente l’équivalent des émissions de CO2 de 450 voitures en un an.

Selon le rapport, 80 % des concessions minières dans la région se trouvent également à moins de 5 km d’une rivière ou d’un cours d’eau.

«Juste un tout petit peu de cuivre dans une piscine de taille olympique peut avoir un impact sur le déplacement des saumons sauvages», affirme Heather Hardcastle, de l’organisation environnementale Salmon State, basée en Alaska, qui a demandé ce rapport.

Richard Peterson est président du Central Council of the Tlingit and Haida Indian Tribes of Alaska, une instance gouvernementale qui représente 36 000 Tlingits et Haïdas dans l’État américain. Il a du mal à croire que les mines développées aujourd’hui peuvent être différentes et moins nuisibles que celles d’antan, comme il dit l’avoir entendu du gouvernement de la Colombie-Britannique.

«On n’arrête pas de reparler de la mine Tulsequah Chief parce que c’est une mine qui a contaminé la rivière et dont personne ne s’est occupé, pendant des décennies et des décennies», soutient-il.

Parlons plutôt du nettoyage avant de délivrer de nouveau permis et de donner des feux verts aux nouveaux projets.

– Richard Peterson, président, Central Council of the Tlingit and Haida Indian Tribes of Alaska

En 2019, la province s’est engagée à nettoyer le site abandonné de ce site, qui opérait entre les années 1951 et 1957, à environ 80 km au sud d’Atlin. Or, jusqu’à présent, des déversements continuent dans la rivière Taku, qui s’écoule jusqu’à Juneau, en Alaska.

«Processus rigoureux»

Dans une déclaration, la ministre des Mines Josie Osborne a affirmé que la Colombie-Britannique ne donne pas d’incitatifs à l’exploration minière dans des régions fragiles. La province s’est engagée dans un secteur minier qui développe l’économie, soutient la gérance environnementale et aide à la réconciliation, selon elle.

«Toutes les explorations proposées sont soumises à un processus de permis rigoureux et les promoteurs doivent démontrer que le travail qu’ils proposent est protecteur de l’environnement», a-t-elle indiqué.

Dans une déclaration jointe, plusieurs minières ont également soutenu qu’un arrêt de l’industrie dans la région transfrontalière aurait un effet «dévastateur sur les communautés locales, sans mentionner les assiettes fiscales provinciale et fédérale».

Richard Peterson espère de son côté que ce rapport permettra de changer les conversations sur la cogestion. «Ce n’est pas juste les saumons. Nos membres sont ici depuis des dizaines de milliers d’années […] Si on éradique les espèces, cela va tous nous déséquilibrer.»

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