Feux de forêt : une enquête publique pourrait coûter cher et paralyser le gouvernement

R.J. Simpson dit que la Loi sur les enquêtes publiques est très vieille et désuète, et qu’une enquête publique pourrait coûter des millions de dollars. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, R.J. Simpson, n’appuie pas la tenue d’une enquête publique indépendante sur la réponse du gouvernement aux feux de forêt de 2023, car elle pourrait coûter des millions de dollars et paralyser le fonctionnement du gouvernement.

La saison record de feux de forêt en 2023 a entraîné l’évacuation d’environ 70 % de toute la population du territoire.

Deux députés, Kieron Testart et Sheryl Yakeleya, ont déposé une motion demandant une enquête publique. Le vote portant sur cette motion a été reporté à l’Assemblée législative.

Le député Kieron Testart, représentant Range Lake, estime que cette enquête publique est très importante. «La réponse du gouvernement n’a pas été à la hauteur, selon beaucoup de gens», a-t-il dit sur les ondes de CBC.

«Les gens ont besoin d’être entendus, il faut restaurer la confiance du public et nous n’y parviendrons pas avec un consultant du Sud, dont les services ont été retenus par un ministère et qui rend des comptes au ministre», ajoute-t-il.

Sheryl Yakeleya, députée de Dehcho, qui englobe la communauté d’Enterprise presque entièrement détruite par les flammes en 2023, dit que la communauté a besoin de cette enquête publique pour que la confiance soit rétablie.

«Les [gens] ont besoin de réponses, et cette motion leur permettra de les obtenir», dit-elle.

La députée de Dehcho, Sheryl Yakeleya, a été élue pour la première fois aux élections territoriales du 14 novembre 2023. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Le gouvernement Tłı̨chǫ et la Nation dénée ont tous deux exprimé leur appui à une enquête publique.

R.J. Simpson, de son côté, estime qu’une enquête publique n’est pas nécessaire, car les deux ministères responsables, Environnement et Changement climatique (ECC), et Affaires municipales et communautaires (MAMC), ont déjà des révisions en cours.

Le premier ministre a accordé une entrevue sur les ondes de CBC. Voici une retranscription de ses propos.

L’entretien a été modifié pour des raisons de longueur et de clarté.

Q. Croyez-vous que les T.N.-O. ont besoin d’une enquête publique?

R. Je ne pense pas que les T.N.-O. ont besoin d’une enquête publique.

Nous faisons deux révisions en ce moment : l’une, menée par le ministère de l’Environnement et du Changement climatique, c’est une révision très technique qui vise à analyser les feux de forêt, comment ils ont été combattus […] à quel moment, quel type de produit ignifuge a été utilisé, des choses comme ça, pour qu’au cours des années futures nous ayons cette information et que nous puissions ajuster le tir au besoin.

Et cette [révision] est très importante, car la dernière année n’a pas été comme les autres. Les conditions ne ressemblaient en rien à ce que les gens qui combattent les feux ont déjà observé.

Le MAMC fait aussi une révision. Celle-ci porte sur les évacuations, et toute la coordination des ministères gouvernementaux, et va permettre de répondre à de grandes questions.

Nous allons y intégrer des éléments publics. Il y aura des rencontres publiques, des occasions de fournir des commentaires écrits. Nous sommes en train de voir comment recevoir des commentaires anonymes aussi, car il y a des inquiétudes de la part d’employés du gouvernement qui ne voudraient pas raconter leur histoire par peur de représailles.

Même les entrepreneurs qui font affaire avec le gouvernement pourraient ne pas vouloir parler de la situation. Nous voulons nous assurer que tout le monde puisse témoigner, afin d’avoir une vue d’ensemble sur ce qui s’est passé et d’avoir en main toute l’information nécessaire pour répondre aux problèmes et s’assurer qu’ils ne se reproduisent plus.

Q. On a entendu le député Testart dire que cela ne permettra pas d’avoir une vue d’ensemble, que ce sont des analyses après les faits des ministères. Quels sont les aspects d’une enquête publique qui vous inquiètent?

R. La Loi sur les enquêtes publiques est très vieille et désuète. Elle ne contient pas toutes les dispositions d’une loi moderne […] la possibilité de faire des entrevues confidentielles, qui sont plus anonymes, de revoir des rapports sans en faire un processus public.

Kieron Testart demande une enquête publique, car « la réponse du gouvernement n’a pas été à la hauteur, selon beaucoup de gens ». (Radio-Canada/Julie Plourde)

Une nouvelle loi permettrait de faire beaucoup de travail en arrière-plan. Or, avec la loi actuelle, qui date de plusieurs décennies, tous ceux qui ont un intérêt avec le motif de l’enquête, soit les évacuations, ont le droit de témoigner, essentiellement, et de citer et d’interroger des témoins.

Alors, on pourrait se retrouver dans une situation où des dizaines de milliers de personnes peuvent témoigner et citer des témoins et cela pourrait virer au cirque très rapidement.

Une fois qu’on crée cette instance, elle a une vie propre. On n’a pas la possibilité de limiter les coûts. On n’a pas la possibilité d’imposer un échéancier. Si nous voulons examiner les feux et la réponse à ces feux, on pourrait s’engager dans une enquête qui coûterait des dizaines de millions de dollars.

Il y a eu récemment des inquiétudes soulevées par rapport à la Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée et les ressources disponibles dans les ministères pour fournir l’information.

Une enquête publique pourrait essentiellement obliger plusieurs ministères à fournir de l’information selon les dispositions de cette loi, pendant une année, paralysant essentiellement [ces ministères].

R.J. Simpson dit que les deux révisions gouvernementales en cours sont suffisantes.
(Radio-Canada)

Donc, cette loi n’est pas adaptée à un examen de cette ampleur. C’est le principal problème et c’est ma principale préoccupation.

Q. Le député Testart a dit qu’un cadre de référence permettrait de réduire le cadre de cette enquête publique et son coût. Est-ce possible de réduire le cadre de cette enquête afin qu’elle ne coûte pas des dizaines de millions de dollars et n’implique pas les témoignages de milliers de personnes?

R. Selon ma compréhension de la loi et celle des spécialistes à qui j’ai parlé, non, ce n’est pas possible.

[Cette loi] est très rigide […]. Elle ne permet pas les témoignages anonymes. C’est vraiment comme un procès.

Q. Si ce n’est pas possible sous cette loi, quels autres moyens avez-vous pour favoriser la transparence comme l’a demandé Kieron Testart?

R. Le projet est de retenir les services d’un consultant externe pour mener cette révision.

Il y a des façons de travailler ensemble et de créer un cadre de référence pour ce contrat afin de s’assurer [de cette transparence].

Le Cabinet, les députés ou le conseil des leaders pourraient nommer un comité et superviser ces travaux. Ce comité pourrait recevoir l’ébauche de rapport final en même temps que le gouvernement.

Je suis sûr que ce processus que l’on envisage va répondre à tous nos besoins.

Le secteur de Patterson Road, à Hay River, a été durement touché par les feux en 2023 (Radio-Canada/Julie Plourde)

Q. Kieron Testart a aussi mentionné que toutes les révisions du gouvernement ne permettront pas de rétablir la confiance du public. Pensez-vous que le public sera entièrement satisfait de votre approche?

R. J’ai parlé avec plusieurs personnes qui ont la même opinion que moi, à savoir qu’une enquête publique n’est pas la bonne approche et que la révision que l’on propose est la bonne solution. Alors je ne crois pas que le public soit entièrement en faveur d’une enquête publique.

Q. Est-ce que le public aura la chance de voir ces rapports?

R. Absolument. C’est le plan. Nous aurons des réunions publiques pour que les gens puissent s’exprimer. Et quand ces rapports seront terminés, ils pourront voir que [leurs témoignages] y figurent.

Alors, il faut que ces rapports soient rendus publics. C’est une façon de rétablir la confiance.

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