Dernière consultation publique sur le futur centre du patrimoine inuit du Nunavut

Des représentants de la Fiducie du patrimoine inuit et du cabinet d’architectes danois Dorte Mandrup ont tenu la dernière de trois présentations publiques à Iqaluit, mardi soir, au sujet du futur centre du patrimoine inuit du Nunavut. L’occasion pour les Iqalummiut de faire part de leurs commentaires et de leurs interrogations.
La firme Dorte Mandrup a présenté une nouvelle ébauche du bâtiment, qui servira à héberger des artéfacts historiques et culturels inuit actuellement conservés dans le sud du Canada.
Le directeur général de la Fiducie du patrimoine inuit (FPI), William Beveridge, affirme que quelque 140 000 artéfacts détenus par le gouvernement du Nunavut sont actuellement conservés dans des musées du sud du pays, dont le Musée canadien de la nature, à Ottawa, et le Musée des beaux-arts de Winnipeg.
«À l’heure actuelle, la majorité des Inuit n’ont pas accès à cette collection et ignorent ce qui est exactement conservé dans le Sud», dit-il.
Pour William Beveridge, la démarche sera l’aboutissement d’un travail de longue haleine qui permettra aux familles de retrouver des artéfacts de leurs ancêtres et, par le fait même, de «regagner une partie du savoir traditionnel».
Lorsque nous rapatrierons la collection au Nunavut, nous pourrons consulter les artéfacts, étudier comment les Inuit les fabriquaient et apprendre des aînés qui ont encore tant de connaissances à faire partager à leur sujet.
– William Beveridge, directeur général, Fiducie du patrimoine inuit
Il pense que d’autres musées à l’échelle internationale qui ont en leur possession des artéfacts inuit et des archives, comme des photographies, choisiront de les rendre au territoire.
Bien que son centre soit construit dans la capitale, la FPI promet que les 24 autres communautés du territoire pourront en tirer profit, notamment à travers des programmes offerts localement.

Cohésion avec l’environnement
Hormis l’espace pour les artéfacts, le centre comprendra notamment une salle destinée aux arts de la scène, des espaces pour des expositions temporaires et permanentes, un laboratoire de conservation ainsi que des ateliers pour la sculpture, le travail du bois et la préparation de peaux de phoque.
Les plans architecturaux présentés mardi soir montrent un bâtiment à flanc de colline dont la forme s’inspirera du mouvement du vent et de la neige.
«Avec sa forme organique subtile, le bâtiment suit les courbes topographiques et les caractéristiques longitudinales distinctes du terrain, parallèles aux vents dominants du nord-ouest», a expliqué le cabinet d’architectes sur des affiches explicatives.
Parmi ses particularités, le centre comprendrait un toit galbé accessible à pied ainsi que de grandes baies vitrées donnant sur la ville d’Iqaluit, le parc territorial Sylvia Grinnell et la baie de Frobisher.
De passage à Iqaluit pour présenter la plus récente ébauche, l’architecte danoise Annette Kurtzmann a affirmé qu’il s’agissait d’un des projets les plus «enthousiasmants» sur lesquels elle a eu à travailler.
«Contribuer à préserver la culture inuit, c’était très important pour nous», dit-elle. «Je trouve vraiment intéressant de rassembler le savoir traditionnel […] et d’impliquer des Inuit. C’est leur maison, une maison qui vise à préserver la culture inuit.»
Le centre du patrimoine inuit du Nunavut est son premier projet au Canada. Durant les dernières années, la firme s’est notamment fait connaître pour sa conception du Centre Ilulissat Icefjord, au Groenland.

Parmi la vingtaine de participants, plusieurs résidents ont soulevé des interrogations concernant, entre autres, l’impact du dégel du pergélisol sur les fondations, la grandeur de la salle destinée aux arts de la scène, le recrutement du personnel et l’emplacement.
La firme danoise et la FPI envisagent de construire l’établissement dans un secteur avoisinant l’hôtel Aqsarniit ou près de l’aréna des Jeux d’hiver de l’Arctique.

Rannva Erlingsdottir Simonsen, qui réside à Iqaluit depuis 1997, était au nombre des participants. Bien qu’elle juge audacieuse la structure en courbes, elle espère que l’intérieur du bâtiment sera davantage en harmonie avec cette facture visuelle.
«J’ai eu un peu le cœur brisé à propos de l’intérieur, qui est conçu de manière très carrée et qui rappelle le mode de pensée du colonialisme», dit-elle.

Des défis à surmonter
Bien des aspects restent encore à déterminer à moyen et à long terme, dont la proportion de certaines salles, l’emplacement exact du bâtiment, le mode de gestion du centre et les sources de financement.
Le coût total du bâtiment avoisine les 150 millions de dollars. L’Association inuit de Qikiqtani et l’organisme territorial Nunavut Tunngavik se sont chacun engagés à octroyer 5 millions de dollars. La FPI poursuit ses discussions avec les gouvernements du Nunavut et du Canada dans l’espoir d’obtenir un soutien financier.
«Il manque un nombre considérable d’infrastructures au Nunavut, c’est pourquoi nous sommes en concurrence avec toutes sortes de besoins en la matière», reconnaît William Beveridge.
Parmi les autres difficultés à venir, la FPI pense que ce sera complexe de former, de recruter et de loger le personnel du futur établissement. Elle entend travailler avec le Collège de l’Arctique du Nunavut pour élaborer un programme d’enseignement en patrimoine qui puisse former de futurs employés du centre et ainsi générer une expertise locale.
D’ici la fin de la semaine, les représentants de Dorte Mandrup auront des rencontres avec des entreprises locales, la Ville d’Iqaluit et le gouvernement territorial. La firme doit remettre à la FPI sa version finale d’ici à la fin du mois de juin.
Le centre devrait, quant à lui, voir le jour d’ici environ sept ans.
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