Nouvelle victoire pour les détracteurs de la gouverneure générale Mary Simon
La procédure lancée il y a deux ans dans le but de faire annuler la nomination de Mary Simon à titre de gouverneure générale du Canada mérite bel et bien d’être entendue sur le fond, a tranché la Cour supérieure du Québec, qui vient de rejeter une demande en irrecevabilité déposée par Ottawa.
La décision de la juge Marie-Hélène Dubé constitue une nouvelle victoire pour les détracteurs de Mme Simon. Ils reprochent au gouvernement Trudeau d’avoir nommé une personne incapable de maîtriser les deux langues officielles du pays à cette fonction aussi prestigieuse que symbolique.
C’est la deuxième fois que le procureur général du Canada (PGC) échoue à faire annuler la poursuite, déposée en juin 2022.
La première requête, présentée sous forme « d’exception déclinatoire », prétendait que la Cour supérieure n’avait pas la légitimité nécessaire pour se pencher sur cette affaire. Le PGC soutenait à l’époque que seule la Cour fédérale en avait l’autorité, une assertion que la juge Catherine Piché avait fini par rejeter, l’été dernier.
Dans sa deuxième demande, le PGC mettait en question cette fois « l’intérêt requis pour agir » des demandeurs, soit : l’organisme Droits collectifs Québec; son directeur général, Étienne-Alexis Boucher; l’organisme Justice pour le Québec; ainsi que son ancien président, Frédéric Bastien, décédé en mai 2023.
Les avocats du gouvernement fédéral alléguaient aussi que « l’inexistence d’une exigence constitutionnelle imposant le bilinguisme, en anglais et en français, au titulaire de la charge de gouverneur général » était à ce point « manifeste » que la poursuite ne méritait même pas d’être entendue par le tribunal.
Ils arguaient en outre que le rapport du Groupe consultatif sur la sélection du gouverneur général et que l’avis du premier ministre du Canada ne pouvaient pas faire l’objet d’une réparation judiciaire, plaidant que ceux-ci n’étaient que « des actes politiques » ne produisant « aucun effet juridique ».
Sans se prononcer sur le fond de l’affaire, la juge Dubé a finalement statué qu’aucune de ces prétentions ne méritait de mettre fin à la procédure.
Dans sa décision rendue lundi, elle a néanmoins ordonné de retirer le nom de Frédéric Bastien de la poursuite et sommé les deux organismes inscrits au recours de préciser dans un délai de 30 jours leur intérêt envers la question en litige.
La cause devrait maintenant pouvoir procéder sur le fond, à moins que le PGC demande à la Cour d’appel du Québec la permission de faire appel de la décision de la juge Dubé. Les demandeurs espèrent être entendus d’ici la fin de l’année.
Toujours incapable de parler français
Les instigateurs de la poursuite, qui vise à rendre « nulle, inapplicable et invalide » la nomination de Mary Simon, estiment que celle-ci contrevient aux dispositions linguistiques de la Charte canadienne des droits et libertés prévues aux articles 16(1) et 20(1).
Selon eux, « le titulaire de la charge et de la fonction de gouverneur général du Canada est lié par les lois et coutumes du Canada qui prévoient que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et doit, en conséquence, pouvoir communiquer dans ces deux langues au moment de sa nomination ».
Or, Mary Simon ne parle pas français. Tout au plus a-t-elle commencé à suivre des cours qui, en décembre dernier, ne lui permettaient pas encore de soutenir une conversation.
Pour justifier leur requête, les instigateurs de la poursuite exigeant son départ s’appuient notamment sur un précédent judiciaire au Nouveau-Brunswick, où la Cour du Banc de la Reine, en avril 2022, a rabroué le gouvernement Trudeau pour avoir nommé une lieutenante-gouverneure unilingue anglophone.
La Cour d’appel de la province a toutefois donné raison à Ottawa, le printemps dernier.
Inuk, Mme Simon, 75 ans, est devenue le 26 juillet 2021 la première gouverneure générale autochtone du Canada. Parce qu’elle ne maîtrise pas le français, sa nomination avait soulevé l’indignation dans plusieurs communautés francophones, y compris au Québec.
Malgré de nombreuses plaintes, le commissaire aux langues officielles, Raymond Théberge, n’en avait pas moins déterminé, à l’automne 2021, que la nomination de Mary Simon ne violait pas la Loi sur les langues officielles.
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