Colville Lake négocie son autonomie sur le territoire ancestral
Le territoire traditionnel des habitants de Colville Lake, aux Territoires du Nord-Ouest, a servi de toile de fond, pour la première fois, lors de négociations sur l’autonomie gouvernementale entre la communauté et les gouvernements territorial et fédéral.
Le 10 septembre, des vols nolisés ont transporté les habitants au camp traditionnel de la communauté, situé près du lac Horton, à environ 150 km de Colville Lake.
Ce site isolé, à la limite des arbres, rappelle l’histoire et le mode de vie des ancêtres. C’est là que la communauté se retrouve aujourd’hui pour poursuivre ce mode de vie ancestral qui lui est cher.
Pour Colville Lake, qui a demandé pendant près de 10 ans au gouvernement territorial et à Ottawa de tenir les discussions sur l’autonomie gouvernementale au lac Horton, c’était la meilleure façon de leur faire comprendre à quel point ce territoire revêt une grande importance.
Le gouvernement des T.N.-O. a acquiescé à cette demande en déléguant deux négociateurs pour les discussions qui ont duré deux jours, tandis que les négociateurs fédéraux se sont joints virtuellement en raison de contraintes budgétaires.
Unité, joie et liberté
Le camp, composé de tentes chauffées au bois, est aligné en bordure du lac. Des petits fruits poussent dans les environs, des grizzlis sont régulièrement aperçus aux alentours, et des hardes de caribous et de bœufs musqués s’y arrêtent lors de leur migration.
Le lac Horton regorge de corégones et de truites, qu’on pêche au filet ou à la canne à pêche.
En venant ici, on sent l’unité, la joie et la liberté, raconte Laura Tobac, résidente de Colville Lake.
« On mange la nourriture que l’on préfère, du caribou et du poisson, et l’on peut voir les enfants heureux », affirme Laura Tobac, résidente de Colville Lake.
La communauté se retrouve au lac Horton annuellement depuis près de 30 ans. C’est aussi un site traditionnel que les ancêtres avaient l’habitude de visiter.
Selon le chef négociateur pour la Première Nation Behdzi Ahda, Joseph Kochon, plusieurs membres de la communauté ont apprécié cette idée de transposer les négociations d’une salle de réunion au camp traditionnel.
On a demandé au [gouvernement du] Canada et [à celui des T.N.-O.] de nous rencontrer là où ils pourraient voir notre peuple à l’œuvre, explique-t-il.
« Nous voyageons tellement ici. Partout au pays, on marche sur la chaussée pour aller à l’hôtel, dans la salle de conférence, et il n’y a pas de vrai travail physique, alors c’est une opportunité de reconnexion pour un grand nombre d’entre nous. »
Au camp, tout le monde a des tâches à accomplir, que ce soit recueillir et couper le bois, pêcher ou chasser, et transporter de l’eau. Wilbert Kochon, le grand chef du Sahtu, ne voit pas ces tâches comme une corvée.
Nous montrons aux plus jeunes comment nous vivions et comment nos ancêtres ont vécu, dit-il.
On vient ici juste pour continuer [les traditions] avec nos familles et nos enfants, et on apprend des plus âgés au fur et à mesure, raconte-t-il.
On était ici bien avant le gouvernement, et c’est comme ça que nous avons toujours vécu, explique David Codzi, membre de l’équipe de négociation.
Cette rencontre devait avoir lieu en 2023, mais les évacuations en raison de feux de forêt aux Territoires du Nord-Ouest ont repoussé l’événement en 2024.
La communauté a travaillé longuement en amont de la rencontre pour construire le lieu des discussions, une structure en bois.
Ces discussions sont réservées aux équipes de négociateurs et se déroulent en privé. Le chef de Colville Lake, Richard Kochon, dit que ces ententes sur l’autonomie gouvernementale permettent de préserver la langue ainsi que les droits de pêche et de chasse.
Nous aimerions conserver notre mode de vie, déclare-t-il. Nous voulons être indépendants, ne pas dépendre autant du gouvernement […]. Ça va leur enlever bien du poids.
Selon le ministère Relations Couronne-Autochtone et Affaires du Nord Canada, les ententes négociées « confèrent un pouvoir décisionnel aux gouvernements autochtones qui font leurs propres choix quant à la façon d’offrir des programmes et des services à leurs communautés ».
Le droit à l’autonomie gouvernementale pour les peuples autochtones est un droit inhérent en vertu de la Constitution canadienne. Ces ententes permettent aux gouvernements autochtones d’adopter leurs propres lois et politiques, et chaque entente négociée est unique en son genre.
Une entente d’ici un an ou deux
Brendan Gully, un résident de Colville Lake, estime que cette rencontre sur le territoire ancestral est « une avancée très importante ». Le fait que la communauté établisse réellement son autonomie serait un grand pas en avant pour elle.
D’après Joseph Kochon, il faudra encore une à deux années pour terminer le processus. Pour les membres de la communauté, comme l’aîné Hyecinthe Kochon, ce n’est pas préoccupant si cela prend un peu plus de temps.
C’était vraiment bien [que les négociateurs territoriaux] se soient déplacés. Mon père est le seul aîné présent et il est heureux de voir cela, raconte le fils d’Hyecinthe, Wilbert Kochon.
Par courriel, la porte-parole du ministère de l’Exécutif et des Affaires autochtones, Toyeke Adedipe, a indiqué que « le GTNO était ravi d’être invité par la communauté au lac Horton pour participer à une séance de négociations sur le territoire » et qu’il « se réjouirait de la possibilité de se rencontrer à nouveau sur les terres à l’avenir ».
Avec les informations de Luke Carroll
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