« Manque de progrès » dans les services à l’enfance au Nunavut
Le ministère des Services à la famille du Nunavut se targue d’avoir effectué « des changements draconiens » depuis le rapport d’audit de la vérificatrice générale du Canada. La représentante de l’enfance et de la jeunesse du Nunavut, Jane Bates, juge pourtant que ses multiples recommandations sont restées lettre morte.
Le 1er novembre, la ministre des Services à la famille, Margaret Nakashuk, a déclaré à l’Assemblée législative que son ministère avait accompli d’importants progrès en matière de protection de l’enfance.
Les Services à la famille ont travaillé assidûment pour faire les améliorations nécessaires au service et à la prestation des programmes, a-t-elle déclaré. Il est important de reconnaître le travail acharné et les changements spectaculaires mis en œuvre par le ministère au cours des 18 derniers mois.
Un an et demi plus tôt, la vérificatrice générale du Canada avait dressé un bilan accablant dans son rapport d’audit sur les services à l’enfance et à la famille du Nunavut.
Elle y décrivait un système en pleine « crise », où des enfants sont laissés sans suivi pendant plusieurs mois, des communautés dépourvues de travailleurs sociaux, une mauvaise, voire aucune évaluation des foyers d’accueil avant que des jeunes y soient placés ou encore une mauvaise gestion des dossiers.
Deux normes et des procédures mises à jour
La représentante de l’enfance et de la jeunesse affirme que son bureau n’a pas constaté de changements tangibles dans la prestation des services et des programmes.
Selon Jane Bates, sur les 19 recommandations que son bureau a faites au ministère concernant l’élaboration et la mise en œuvre de normes et de procédures, seules deux ont été mises à jour. Celles-ci concernent les enquêtes et les placements hors territoire.
[Les normes et procédures] sont importantes, car elles constituent essentiellement le cadre. Elles garantissent que les services sont cohérents, éthiques et équitables.
Dans son rapport, la vérificatrice générale avait notamment noté d’importantes lacunes liées aux suivis effectués à la suite de renvois, qui correspondent aux signalements. Le traitement de ces renvois est encadré par des normes et procédures préétablies et peut mener à une enquête si la sécurité de l’enfant ou du jeune présente un risque immédiat.
Dans notre échantillon de 51 dossiers obtenus auprès de 5 collectivités, il y avait 92 renvois de ce genre, peut-on lire dans le rapport. Nous avons constaté que dans 20 des 92 renvois sélectionnés aux fins d’examen, le ministère n’avait pas effectué une évaluation du risque que courait l’enfant et de ses circonstances.
La représentante de l’enfance et de la jeunesse du Nunavut a récemment fait la même conclusion dans son rapport annuel de 2023-2024, rendu public le 25 octobre.
Aucun progrès n’a été réalisé sur cette question particulière de la documentation et de l’enregistrement des renvois, affirme Jane Bates. La raison pour laquelle c’est important est que cela nous aide à comprendre précisément ce qui est signalé, les types de préoccupations qui sont soulevées et la charge de travail qui pèse sur le ministère.
Un travail énorme
Le directeur des Services à l’enfance et à la famille, Colby O’Donnell, reconnaît que son ministère n’est toujours pas en mesure de fournir des données fiables sur le nombre de renvois reçus, principalement en raison du manque de personnel.
Nous avons besoin de plus de ressources et nous devons fournir des données pour soutenir ces ressources, indique-t-il. D’ici à ce que nous soyons sûrs des données que nous collectons […], nous ne publierons pas de chiffres envers lesquels nous n’avons pas confiance.
Il affirme par ailleurs que son ministère travaille d’arrache-pied pour mettre à jour ses normes et procédures, mais que cela requiert un travail ardu.
«Réviser une norme qui reflète tous les besoins exige un travail énorme», soutient-il.
Il ajoute que le manque de personnel dédié à l’élaboration des politiques rend ce travail d’autant plus difficile et que les changements mettront du temps à prendre forme.
« Je ne pense pas qu’il soit raisonnable de dire que tout va changer dans le système [de protection de l’enfance] compte tenu des barrières et de la complexité des enjeux », dit Colby O’Donnell.
Nous apprécions les critiques et les encourageons, car elles nous tiennent responsables […] mais nous progressons, assure-t-il.
Avec les informations de Carl-Éric Cardinal
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