Chronique | Des excuses tant attendues aux Inuit : pourquoi maintenant?

Une famille sur un traineau tiré par des chiens.
Des Inuit sur un traîneau tiré par des chiens. (Photo : Bibliothèque et Archives Canada)

Une chronique de Robert Falcon Ouellette

Les récentes excuses du gouvernement fédéral aux Inuit du Nunavik pour le massacre des chiens de traîneau dans les années 1950 et 1960 constituent un moment profondément significatif de reconnaissance.

Le ministre Gary Anandasangaree, ancien militant des droits de la personne, a présenté ces excuses à Kangiqsujuaq, dans le nord du Québec, reconnaissant le rôle joué par les autorités fédérales dans ce chapitre brutal de l’histoire canadienne.

Un plan de compensation de 45 millions de dollars a également été annoncé pour aider les communautés inuit à se reconstruire et à revitaliser leur culture du traîneau à chiens. Pourtant, en réfléchissant à cet événement historique, je ne peux m’empêcher de penser qu’il arrive trop tard et qu’il révèle un problème systémique plus large : l’absence de représentation des Inuit dans les sphères du pouvoir.

À propos de l'auteur
Robert Falcon Ouellette est un anthropologue originaire de la nation crie Red Pheasant, en Saskatchewan. Il se spécialise dans les domaines de l’éducation autochtone, de l’éthique militaire et des sciences politiques. Il détient un doctorat et deux maîtrises de l’Université Laval. Il a également servi au sein des Forces armées canadiennes et a été député libéral fédéral de Winnipeg-Centre de 2015 à 2019. Il est aujourd’hui professeur agrégé à la Faculté d’éducation de l’Université d’Ottawa.

Un héritage de marginalisation

Le massacre de plus de 1000 chiens de traîneau a dévasté les moyens de subsistance, la culture et le lien des Inuit avec leurs terres. Ces chiens n’étaient pas de simples animaux. Ils étaient essentiels à la survie des Inuit et servaient à la chasse, à la pêche et au transport.

L’inaction délibérée des autorités fédérales pour arrêter ces massacres est un rappel frappant de la manière dont les modes de vie des peuples autochtones ont été historiquement ignorés. Aujourd’hui, enfin, le gouvernement fédéral a assumé ses responsabilités et présenté ses excuses. Mais pourquoi a-t-il fallu autant de temps?

Le rôle de la représentation

Une des raisons réside dans la représentation – ou son absence. Sans voix inuit au sein du gouvernement, leurs priorités sont souvent négligées ou retardées. De 2015 à 2016, les Inuit avaient un député fédéral, Hunter Tootoo, qui avait occupé le poste de ministre des Pêches et des Océans. Cependant, son mandat a été écourté, et aucun Inuk n’a siégé au caucus libéral fédéral depuis 2016.

Cela contraste avec les réalisations d’autres représentants autochtones au gouvernement. Pendant mon mandat de député, j’ai travaillé à obtenir des excuses pour le chef Poundmaker, injustement emprisonné lors de la rébellion du Nord-Ouest de 1885. Yvonne Jones, députée du Labrador, a plaidé pour des excuses aux Inuit et aux Innus pour les traumatismes des pensionnats dans sa communauté. Dan Vandal, député métis du Manitoba, a été un ardent défenseur des droits et de la reconnaissance des Métis. Michael McLeod, député des Territoires du Nord-Ouest, a travaillé sans relâche sur les revendications territoriales et sur les enjeux de logement. Ces accomplissements montrent l’importance d’avoir des voix autochtones au Parlement.

Les députés autochtones de l’opposition ont tenté d’apporter leur voix aux débats, mais lors des discussions privées à portes fermées, ils sont exclus et leurs contributions, mises de côté. Certains pourraient suggérer qu’ils s’expriment avec plus d’insistance, mais parler plus fort ne suffit pas toujours pour obtenir des résultats. Les progrès les plus durables naissent souvent d’une diplomatie patiente et discrète.

Les Inuit ont travaillé sans relâche par l’intermédiaire d’organisations comme Makivvik pour obtenir ces excuses, mais ils manquent d’une représentation politique cohérente qui pourrait amplifier leurs voix et accélérer la justice.

Guérir et reconstruire

Les 45 millions de dollars en compensation représentent un pas vers la guérison, avec des fonds alloués à la revitalisation de la possession d’attelages de chiens, à la formation, à la nourriture, aux clôtures et aux initiatives de santé mentale.

Le président de Makivvik, Pita Aatami, a souligné que ce n’est qu’un début. Il espère que les excuses et la compensation permettront aux aînés qui ont enduré la douleur de perdre leurs chiens et leur mode de vie de clore ce triste chapitre. Moi, j’espère que ces fonds seront économisés pour fournir une source de revenus afin de renforcer la culture inuit pour de nombreuses générations.

Cependant, le dénouement nécessitera plus que de l’argent et des paroles. Elle exigera un changement systémique, y compris la garantie que les voix inuit soient présentes à tous les niveaux du gouvernement. Sans députés inuit, leurs communautés doivent compter sur la bonne volonté des autres, ce qui n’est ni durable ni juste.

Ces excuses arrivent à la fin des neuf années de mandat du gouvernement libéral. Bien qu’elles soient une étape importante, leur calendrier soulève des questions sur les priorités politiques. Pourquoi ces excuses ont-elles été retardées jusqu’à maintenant? Cette question aurait-elle pu être abordée plus tôt si la représentation inuit avait été intégrée au caucus du gouvernement?

Un appel à l’action

En tant qu’ancien député, j’ai constaté directement la différence qu’une représentation autochtone peut faire. Les Inuit méritent la même chose. Il est temps pour le Canada de s’assurer que les voix inuit ne soient pas seulement entendues, mais pleinement intégrées dans le processus politique. Les excuses pour le massacre des chiens de traîneau sont un pas en avant, mais elles doivent également servir de signal d’alarme.

La représentation ne concerne pas seulement l’inclusion, elle est une question de justice. Il s’agit de garantir que les peuples autochtones, y compris les Inuit, aient le pouvoir de défendre leurs communautés et de traiter les torts historiques. Que ces excuses soient un catalyseur de changement au sein des partis politiques pour nommer des candidats inuit, et non simplement un moment de réflexion.

Des chiens fidèles, rongeant l’os glacé
Auprès des Inuit, leur famille à choyer
Mille ans d’un lien que nul ne peut nier
Brisé par un pouvoir voulant tout effacer

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Pour d’autres nouvelles sur les Autochtones au Canada, visitez le site d’Espaces autochtones.

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