Des Nunavimmiut réagissent aux excuses fédérales du massacre des chiens de traîneau

Portrait de Mme Cookie-Brown.
Louisa Cookie-Brown s’est physiquement interposée pour empêcher l’abattage de ses chiens de traîneau. (Photo : Radio-Canada/Juanita Taylor)

Les récentes excuses du gouvernement fédéral pour le massacre des chiens de traîneau ravivent des blessures profondes chez des aînés du Nunavik. Ils espèrent que cet événement ne tombera pas dans l’oubli.

C’est le cas notamment de Louisa Cookie-Brown, qui a vu ses chiens de traîneau mourir sous les balles des policiers à Kuujjuarapik en 1964.

Nous avions des chiens courageux, qui pourchassaient des animaux beaucoup plus gros qu’eux, comme des ours polaires ou des loups, se remémore-t-elle.

Par deux fois, les policiers ont dû la déplacer de force, car elle s’interposait à l’abattage de ses chiens.

J’ai paniqué, je ne savais pas quoi faire. Je ne voulais pas qu’ils tuent notre chien principal, alors je me suis mise devant et le policier m’a presque tiré dessus. Il était furieux et m’a lancé plus loin, explique Louisa Cookie-Brown.

Le caporal Jim Davies de la GRC et des guides inuits voyageant en komatik (traîneau à chiens) de l'île Moose Factory, en Ontario, jusqu'à Kuujjuarapik, au Québec, en janvier 1946.
Les chiens de traîneau étaient largement utilisés pour se déplacer sur le territoire. (Photo d’archives/Bibliothèque et Archives Canada/Fonds de l’Office national du film

La mort de ses 14 chiens de traîneau a limité la capacité de sa famille à chasser, trapper et pêcher.

Environ 1000 chiens ont ainsi été tués par la police dans tout le Nunavik durant les années 1950 et 1960.

Un rapport du juge à la retraite Jean-Jacques Croteau stipulait en 2010 que ce massacre a été fait sans aucune considération pour les familles inuit.

L’impact de cette mesure sur la famille de Louisa s’est fait sentir rapidement. Son père serait devenu violent après l’incident.

Il est devenu un joueur compulsif et a commencé à battre ma mère parfois dans des crises de rage. Nous n’avions personne à qui en parler, confie-t-elle.

« Bien sûr, nos voisins ont aussi changé. Ils sont tous passés par la même chose, en plus d’aller aux pensionnats. »

Série de maisons le long d'une rue enneigée.
Environ 800 personnes habitent aujourd’hui au village de Kuujjuarapik. (Photo d’archives/Radio-Canada/Matisse Harvey)

Avec le temps, elle a commencé à faire la paix avec son passé, puisqu’elle était guidée par cette parole de sa grand-mère : « Laisse Dieu faire son travail. »

Lorsque mon père est décédé, j’ai laissé aller plusieurs choses, mais je me demandais : est-ce qu’ils vont un jour s’excuser?

Ce moment est finalement arrivé la semaine dernière à Kangiqsujuaq, quand le ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, a présenté des excuses officielles au nom du gouvernement pour cette atrocité.

Un montant de 45 millions de dollars a aussi été remis pour les survivants et pour financer la revitalisation de la culture des chiens de traîneau.

Mener les chiens à la mort

Le maire adjoint de Kangiqsujuaq, Charlie Arngak, a aussi assisté à l’abattage des chiens de sa famille durant cette époque sombre de la colonisation du Nord.

Ses oncles ont été forcés d’amener les chiens pour être tués, près de la baie de Kangiqsujuaq.

Plusieurs pleuraient parce qu’ils devaient transporter eux-mêmes les chiens, qui allaient ensuite être tués par des policiers, raconte-t-il.

Portrait de Charlie Arngak.
Charlie Arngak dit avoir été profondément marqué par ce drame. (Photo : Alasie Arngak)

Il se souvient de l’ambiance morose chez son oncle le lendemain. Personne ne souhaitait parler de l’horreur qu’ils venaient de vivre.

Il aurait par ailleurs aimé que ces excuses surviennent plus tôt, pour que ses défunts oncles et parents puissent y assister.

La plupart des gens qui ont perdu leurs chiens sont morts aujourd’hui, se désole-t-il.

Fier malgré les obstacles

Johnny Peters avait 21 ans en 1960 lorsqu’il a été envoyé dans un pensionnat de Yellowknife.

En tant que pourvoyeur pour sa mère et sa grand-mère, il ne comprenait pas pourquoi il devait quitter son village de Kangirsuk. La chasse, la pêche et les déplacements sur le territoire étaient tout ce qu’il connaissait à l’époque.

Je ne connaissais rien de l’école. Pourquoi devais-je y aller? J’avais une équipe de chiens de traîneau, un qajaq. Pourquoi ils essayaient de m’enlever mon identité inuit?

Portrait de Johnny Peters.
Johnny Peters a été forcé de fréquenter un pensionnat à Yellowknife. (Photo : Radio-Canada/Hugo Lévesque)

En revenant du pensionnat, il a réalisé à quel point la vie à Kangirsuk avait changé sans les chiens de traîneau.

Avec le recul, Johnny Peters affirme être très fier de ses concitoyens inuit, qui se sont toujours battus pour préserver leur langue et leur culture.

Les Inuit ne lâchent pas, même si l’on n’a été laissé avec rien. Nous sommes des survivants, dit-il avec fierté.

Avec les informations de Juanita Taylor

À lire aussi :

Radio-Canada

RCI c'est le service multilingue de CBC/Radio-Canada qui permet de découvrir et surtout de comprendre et de mettre en perspective la réalité de la société canadienne, ses valeurs démocratiques et culturelles.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *