L’homme du Nunavut abattu par la police était coincé à Winnipeg

Autoportrait d'un homme
Un autoportrait de Jordan Charlie dans les rues de Winnipeg. (Photo : Jordan Charlie/Facebook)

Jordan Charlie, 24 ans, est l’homme qui a été abattu par la police de Winnipeg dans le stationnement du centre commercial Unicity le 24 novembre. Sa mère, Diane Charlie, a confirmé son identité à CBC/Radio-Canada.

Avertissement :
Ce texte aborde le thème du suicide et contient des descriptions de violence. Il pourrait être troublant pour certains lecteurs.

La police de Winnipeg affirme que Jordan Charlie a attaqué un policier, le poignardant à la gorge, avant d’être abattu. Elle assure qu’elle a demandé à l’homme de lâcher son couteau à plusieurs reprises avant d’ouvrir le feu.

Le policier poignardé est dans un état stable, selon la police. L’Unité d’enquête indépendante du Manitoba s’est saisie du dossier.

Le jeune homme, originaire du Nunavut, avait été libéré de prison une semaine plus tôt. Il purgeait une peine de six mois pour l’agression au couteau d’un agent de sécurité d’un hôpital de Winnipeg.

Un historique de violence

Le profil Facebook de Jordan Charlie indique qu’il est originaire de Taloyoak, au Nunavut, une communauté située à plus de 2000 km de Winnipeg. Son parcours jusqu’à la capitale du Manitoba est marqué par la violence.

En septembre 2019, il a été condamné à quatre ans et demi de prison pour deux agressions. Au mois de mars 2019, il avait attaqué un homme dans les rues de Yellowknife afin de lui voler de la drogue. La victime avait reçu un coup de couteau à la gorge et avait perdu plusieurs litres de sang avant d’être transportée à l’hôpital.

Deux mois plus tard, alors qu’il était incarcéré au Centre correctionnel du Slave Nord, toujours à Yellowknife, il a attaqué et roué de coups le gardien qui le ramenait dans sa cellule après une comparution au tribunal par vidéo.

Jordan Charlie a été envoyé à l’établissement de Stony Mountain, au nord de Winnipeg, pour y purger sa peine. Atteint de dépression pendant sa détention, il avait fait une tentative de suicide qui avait laissé des dommages irréversibles à son cerveau en raison du manque d’oxygène.

Convaincu de pouvoir y arriver tout seul

Entre sa sortie de Stony Mountain et sa mort, Jordan Charlie vivait en situation d’itinérance à Winnipeg, a indiqué son avocate au Manitoba, Catherine Rogers, lors d’une audience au tribunal la semaine dernière. Il est essentiellement coincé à Winnipeg depuis environ un an, a-t-elle souligné.

La travailleuse sociale du centre de ressources Tunngasugit, Lucy Angnakok, raconte avoir rencontré Jordan Charlie plus tôt cette année. Je n’ai jamais vu son côté violent, donc je ne peux pas en parler, mais il était très sélectif quant aux personnes qui l’aidaient, et je pense qu’il était têtu de cette façon. Mais j’ai aussi reconnu qu’il était extrêmement indépendant, et je crois qu’il pensait qu’il pouvait y arriver tout seul, dit-elle, abasourdie d’apprendre qu’il aurait commis un geste violent.

La directrice générale de Tunngasugit, Nikki Komaksiutiksak, déplore le manque d’accompagnement des personnes comme Jordan Charlie, après leur sortie de prison. Sommes-nous en train de dire qu’il est acceptable, lorsqu’une personne a terminé sa peine, qu’on la dépose à un arrêt de bus et qu’on lui dise au revoir, elle peut se débrouiller toute seule? Le message, c’est : « Vous avez des problèmes de santé mentale. Au revoir. »

Une enfance marquée par la violence

Jordan Charlie était atteint d’un trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale, a indiqué son avocate, Baljii Rattan, lors d’un de ses procès. Le foyer dans lequel il avait grandi était marqué par l’alcoolisme, toujours selon l’avocate. Cela avait entraîné son placement dans des foyers d’accueil à plusieurs endroits au pays. Un rapport psychiatrique de mars 2021 décrit son enfance comme chaotique, abusive et violente.

Pendant une audience en septembre 2019, son avocate avait prévenu qu’il était condamné à devenir un récidiviste à vie s’il n’obtenait pas les soins dont il a besoin.

Une décision de la Commission des libérations conditionnelles du Canada datant de 2023 met aussi en lumière l’enfance traumatisante de Jordan Charlie.

Les dépendances et la violence sont devenues normales dans sa vie, et il a été témoin de comportements sexuels déviants et de violence, a déclaré la Commission, ajoutant qu’il avait des contacts limités avec sa famille, qu’il consommait de l’alcool et de la marijuana depuis sa préadolescence, et qu’il y avait des allégations non vérifiées selon lesquelles il avait été exposé au commerce du sexe lorsqu’il était enfant.

Coincé à Winnipeg

En février dernier, il avait été accusé d’agression armée sur un agent de sécurité du Centre des sciences de la santé de Winnipeg où il avait été conduit admis en réanimation, sous l’effet de l’alcool. Il était agité et avait sorti un couteau de sa poche alors que le personnel hospitalier tentait de le maîtriser, tranchant la main de l’agent, selon les dossiers judiciaires.

Jordan Charlie avait ensuite été accusé de port d’armes à la fin du mois d’avril, après avoir refusé de descendre d’un autobus en fin de ligne dans le centre-ville de Winnipeg. La police de Winnipeg avait découvert une scie rétractable dans la poche de son pantalon.

Trois mois plus tard, il avait été accusé d’avoir enfreint une ordonnance de probation. Le juge de la Cour provinciale du Manitoba, Don Slough, l’avait condamné à 6 mois de prison, une peine qu’il avait déjà purgée en détention provisoire, et à 18 mois de libération conditionnelle.

Il devait retourner vivre dans un refuge, et l’objectif final était de le ramener au Nunavut, avait expliqué son avocate en cour.

Avec les informations de Samuel Wat et de Karen Pauls

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