Course à la chefferie libérale : les questions autochtones seront-elles ignorées?

Une chronique de Robert Falcon Ouellette
La course à la direction du Parti libéral du Canada (PLC) est maintenant bien lancée avec les deux principaux candidats, Chrystia Freeland et Mark Carney. Ils se sont concentrés jusque-là sur des questions économiques et sécuritaires urgentes, dictées notamment par la nouvelle administration américaine. Aucun des deux prétendants n’a mentionné les questions autochtones comme une priorité.
En 2015, les peuples autochtones se sont présentés en grand nombre dans les bureaux de vote, au point qu’Élections Canada a dû déployer des travailleurs supplémentaires dans les quartiers autochtones de Winnipeg-centre et trouver davantage de bulletins de vote dans des circonscriptions comme Churchill.
Au cours de près d’une décennie au pouvoir, les libéraux, sous Justin Trudeau, ont réalisé des progrès significatifs en matière de droits de la personne et de réconciliation. Bien que loin d’être parfait, le gouvernement a fait avancer des initiatives que de nombreux gouvernements précédents n’ont pas réussi à aborder.
La reconnaissance des langues autochtones, les engagements pour fournir de l’eau potable dans les réserves et l’adoption de textes législatifs, comme le projet de loi C-92 qui vise à redonner aux Autochtones le contrôle des services à l’enfance, en sont quelques exemples.
Cependant, le travail est loin d’être terminé. Des questions clés comme le financement complet du principe de Jordan pour garantir un accès équitable aux services de santé pour les enfants autochtones, l’élimination de la Loi sur les Indiens et la pénurie critique d’enseignants autochtones dans les écoles du Nord et des régions isolées restent irrésolues.
Dans ces communautés, le roulement des enseignants est alarmant, de nombreux enseignants non autochtones ne restant qu’un an ou deux avant de retourner dans les centres urbains. Cela perturbe l’éducation des enfants et nuit à la stabilité des communautés.
De plus, le sous-financement chronique des programmes de protection de l’enfance autochtone continue d’être un sujet de discorde, comme en témoigne l’affaire en cours devant le Tribunal canadien des droits de la personne. Assurer un financement à long terme et une réforme structurelle de ces programmes doit rester une priorité.

Faut-il craindre pour l’avenir de la réconciliation?
La décision de Freeland et Carney d’écarter les questions autochtones de leurs discours de campagne risque d’aliéner un segment clé de la base libérale. Les électeurs autochtones et leurs alliés ont joué un rôle crucial dans les succès électoraux du parti. Ils l’ont fait en raison des progrès tangibles, bien qu’imparfaits, réalisés au cours des neuf dernières années. Focaliser uniquement sur des questions économiques et géopolitiques risque de faire perdre l’élan de réconciliation qui a défini une grande partie de l’identité récente du PLC.
Le lancement de campagne de Chrystia Freeland a mis en avant son expérience en tant que négociatrice tenace, notamment lors des renégociations de l’ALENA avec Trump. De même, le lancement de Mark Carney s’est concentré sur sa forte expertise économique et sa capacité à guider le Canada à travers des périodes financières turbulentes.
Ce sont sans aucun doute des compétences essentielles pour tout leader, surtout compte tenu de l’incertitude économique à venir. Mais un leader doit également refléter les priorités diverses de la nation qu’il aspire à diriger. En négligeant les questions autochtones, les deux candidats envoient un message selon lequel la réconciliation n’est plus une priorité, ce qui est troublant pour un pays qui n’a pas encore pleinement affronté son passé colonial.
Il est inconcevable qu’en 2025, certaines communautés n’aient toujours pas un accès fiable à de l’eau potable. De même, l’élimination de la Loi sur les Indiens — un vestige colonial — est une étape nécessaire vers l’autodétermination et l’égalité. Ces questions ne peuvent pas être différées à une autre génération.
Il est également crucial de protéger les progrès réalisés contre d’éventuelles coupes sous un futur gouvernement conservateur. La rhétorique de Pierre Poilievre suggère que les programmes bénéficiant aux peuples autochtones pourraient être réduits sous sa direction. Les enfants autochtones méritent mieux qu’un système fragmenté qui en laisse beaucoup de côté.
Si le Parti libéral veut maintenir sa coalition et continuer son héritage de progrès, les peuples autochtones et leurs priorités doivent rester au premier plan. La course à la direction est encore jeune, et il reste du temps pour que les deux candidats comblent cette lacune.
Ils doivent aller au-delà des platitudes et proposer des plans concrets pour s’attaquer au travail inachevé de la réconciliation. Cela inclut l’engagement à financer pleinement le principe de Jordan, à accélérer l’élimination des avis d’ébullition de l’eau et à investir dans l’éducation autochtone. Le succès du PLC dépend de sa capacité à équilibrer des priorités concurrentes tout en restant fidèle à ses valeurs fondamentales.
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