Vingt-cinq ans après la mort d’une femme inuite à Montréal, sa famille veut des réponses
Le corps d’Alacie Nowyakallak, originaire du Nunavik, a été retrouvé dans le fleuve Saint-Laurent un jour d’automne de 1994. Presque 25 ans plus tard, sa mort n’a jamais été élucidée. Sa famille estime avoir été tenue dans l’ignorance par des corps policiers peu coopératifs.
« Personne n’a pu nous expliquer comment elle est morte […] Nous n’avons rien reçu, ni rapport ni information », a affirmé sa soeur cadette Sarah Nowyakallak. Celle-ci témoignait au troisième jour des audiences, à Montréal, de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA), consacré aux membres de la communauté inuite.
Sarah et Alacie ont grandi dans une famille nombreuse dans la communauté d’Inukjuak, au Nunavik. Leur père sculptait pour gagner sa vie, leur mère s’occupait des enfants. Sarah se souvient d’une enfance heureuse : aucun de ses deux parents n’avait vécu dans les pensionnats. Ni l’un ni l’autre ne buvait. La famille avait su garder un mode de vie traditionnel.
Tout a basculé quand Alacie a déménagé à Montréal. Début octobre 1994, la jeune femme, alors âgée de 34 ans, a disparu.
Quelques semaines plus tard, son corps a été retrouvé par une personne qui naviguait sur le fleuve Saint-Laurent à bord d’une embarcation. Pourtant, a expliqué sa famille, Alacie n’était ni une nageuse ni une pêcheuse, et elle n’avait pas de pensées suicidaires.
Son corps était dans un tel état de décomposition qu’elle n’a pu être identifiée que par son collier.
Sa famille affirme avoir reçu des informations au compte-gouttes de la part des policiers, sur les circonstances de la mort d’Alacie, sur les recherches ou sur une éventuelle enquête. Personne n’a contacté la famille, ni à Montréal ni au Nunavik.
« Dans notre communauté, quand quelqu’un disparaît, on a comme tradition de partir à la recherche de cette personne. Je pensais que c’était la même chose à Montréal. C’est un effort collectif. [Mais ici], c’est comme si ce n’était pas important », a affirmé Sarah Nowyakallak.
La famille n’a pris connaissance du rapport du coroner que mardi.
Pour plus de soutien psychologique
Barbara Sevigny, dont la soeur Mary Ann a été tuée il y a 30 ans, a plaidé mercredi pour plus de soutien psychologique pour les proches des personnes disparues et assassinées.
En 1986, Mme Sevigny a trouvé sa soeur de 15 ans dans une flaque de sang dans la maison familiale, à Iqaluit, au Nunavut. Sa soeur avait été poignardée à mort.
Barbara Sevigny, qui est aujourd’hui conseillère en traumatologie et en deuil, n’a reçu à l’époque aucun soutien psychologique, alors qu’elle était atteinte de symptômes de stress post-traumatique. À l’époque, elle était seule dans le foyer familial, puisque sa mère était partie accompagner son jeune frère de trois ans à Montréal, où il subissait des traitements de chimiothérapie.
Les services de santé mentale doivent être plus accessibles au Nunavut, dit-elle, puisque de tels traumatismes nécessitent des traitements à long terme.
Après 30 ans, la mort de Mary Ann n’a toujours pas été élucidée. Sa mère, Sarah Birmingham, est également venue témoigner mercredi. Il s’agissait de la première fois qu’elle parlait de ces événements depuis la mort sa fille.
« C’est notre travail de découvrir ce qui s’est passé », a-t-elle affirmé.
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