Les résidents des Territoires du Nord-Ouest, dans le Nord canadien, comprennent-ils la francophonie?

Les francophones des Territoires du Nord-Ouest se sont longtemps battus pour leurs droits et les services leur permettant de vivre en Français dans les Territoires du Nord-Ouest. Mais la population générale comprend-elle le besoin pour des services et du financement pour la francophonie sur le territoire? Décryptage de la question par des Franco-Ténois.
Les commentaires d’incompréhensions et de désaccord n’ont pas tardé sur Facebook après la publication, le 7 juin dernier, d’un article de Cabin Radio, un média anglophone de Yellowknife, la capitale territoriale, concernant une annonce fédérale de financement pour l’immigration en français aux Territoires du Nord-Ouest.
« Pourquoi ne pas accueillir tout le monde », s’est indigné un utilisateur.
« Pourquoi? Quelqu’un expliquez-moi s’il-vous-plaît pourquoi les nouveaux arrivants francophones sont si spéciaux que leur accueil mérite un financement spécial, s’est questionné un autre. Franchement, je trouve cela offensant, discriminatoire et potentiellement source de dissensions. »
« On ne peut pas plutôt aider les peuples autochtones et les autres résidents canadiens? Un gâchis d’argent des contribuables », souligne un troisième.
Ces commentaires négatifs n’ont pas surpris le Franco-Ténois Batiste Foisy, qui a pendant plusieurs années été engagé dans la communauté francophone et dans ses médias. Même s’il étudie présentement à Montréal, Batiste Foisy garde un oeil sur ce qui se passe dans le Nord.
Batiste Foisy a cru bon de répondre aux commentaires dans un texte publié sur sa page Facebook. À lire (en anglais) ici.

Dans son texte, il se dit vexé par les commentaires et explique à ceux qui les ont émis d’où vient l’argent, pourquoi cette subvention est nécessaire pour la communauté et tente d’expliquer comment un tel financement n’enlève rien au reste de la communauté.
« Le financement de ces programmes n’enlève pas de financement aux autres programmes offerts par le territoire, écrit-il. Même si vous croyez sincèrement que les langues officielles ne valent rien, je parie que vous pouvez apprécier la valeur de canaliser des millions d’Ottawa dans le Nord. Cet argent est dépensé ici, les entreprises locales et les habitants du Nord en bénéficient directement. »
Batiste Foisy croit que les commentaires négatifs traduisent surtout une incompréhension de ce qu’est la francophonie pour le reste de la population.
ENTREVUE | Batiste Foisy discute des mauvaises perceptions de la francophonie dans la communauté
Selon lui, si les organismes francophones étaient plus présents ou s’engageaient dans un dialogue avec le reste de la population, les perceptions de la francophonie dans la communauté ne seraient pas les mêmes.
« [Les organismes francophones] s’adressent à leurs membres, qui sont les francophones, et à leurs bailleurs de fonds qui sont les gouvernements, explique-t-il. Mais pendant ce temps-là, ils n’expliquent pas leur raison d’être au reste de la population et c’est comme ça qu’on arrive avec ce genre d’incompréhension-là. »
La Fédération franco-ténoise a décliné une demande d’entrevue, disant ne pas avoir de commentaire à offrir sur la question pour l’instant.
Une histoire de résistance
À la retraite depuis une douzaine d’années, Robert Galipeau a travaillé comme chef de la section des services en français pendant une quinzaine d’années au bureau des langues officielles du Territoire.
Selon lui, il y a eu résistance face à l’offre des services en français dès la mise en place de la Loi sur les langues officielles des Territoires du Nord-Ouest dans les années 1980, surtout dans la fonction publique.
« Les gens se sentaient affectés : “Pourquoi est-ce que je dois changer la façon que je travaille pour reconnaître une autre langue quand je ne l’ai pas fait auparavant”, raconte-t-il. Pour eux, ça ne donnait rien, mais pour moi, on perdait de vue le but de la loi qui est de desservir une population qui a le droit à ses services. »
Même s’il n’a pas eu vent de beaucoup de commentaires négatifs du reste de la population pendant ses années dans la fonction publique, les commentaires négatifs sur les réseaux sociaux ne surprennent pas Robert Galipeau.
ENTREVUE | Robert Galipeau discute de l’histoire de la perception des services en français dans les T.N.-O.
À part dans les festivals et les événements spéciaux, Robert Galipeau ne trouve pas que la francophonie est très présente dans le reste de la communauté. Mais il n’est pas certain que ce soit aux francophones de se faire plus présents ou d’informer le reste de la population.
« Est-ce qu’on doit se vendre? On a accès à des services, on a certains droits, est-ce qu’il faut continuer de se justifier? se questionne-t-il. Est-ce que c’est à nous à éduquer les gens ou c’est aux gens à s’éduquer? »