Une chaire de recherche consacrée aux migrations animales dans l’Arctique canadien

Les scientifiques de la nouvelle Chaire de recherche sur l’impact des migrations animales sur les écosystèmes arctiques ont déjà lancé leurs premières recherches. Au printemps, l’équipe s’est rendue sur l’île Bylot, au Nunavut, pour installer sur des oies des neiges des colliers capables de suivre leur migration vers l’Arctique canadien. (Frédéric Dulude/Courtoisie de Marie-Christine Cadieux)
L’impact des migrations animales sur les écosystèmes de l’Arctique canadien est au cœur d’une nouvelle chaire de recherche à l’Université Laval, à Québec.

« La migration [animale] est un phénomène qui permet de mieux comprendre les liens entre le Nord et le Sud », mentionne le professeur adjoint au Département des sciences et de génie de l’Université Laval, Pierre Legagneux, qui dirige la nouvelle chaire de recherche affiliée au programme transdisciplinaire Sentinelle Nord.

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Carte illustrant les aires de répartition de la grande oie des neiges. Leur migration, qui s’étend sur environ 4000 kilomètres, est plus longue que celle de la plupart des autres oies d’Amérique du Nord, selon la Fédération canadienne de la faune. (Radio-Canada)

En étudiant le déplacement d’oiseaux migrateurs, comme les oies des neiges et les guillemots, les chercheurs tenteront de mieux prédire les conséquences des changements climatiques sur les écosystèmes nordiques.

Lancée le 28 août, la Chaire de recherche sur l’impact des migrations animales sur les écosystèmes arctiques se concentrera sur cinq volets, dont l’un portera sur le transport de contaminants par les animaux migrateurs. « Nous allons regarder s’il y a une contamination de métaux lourds ou de pesticides », précise-t-il.

Ultimement, les objectifs de la chaire seront de mesurer la capacité d’adaptation des oiseaux migrateurs aux changements climatiques et de cerner les répercussions du transport de contaminants sur l’ensemble du réseau trophique.

« Est-ce qu’il y a un transfert de contaminants si ces animaux s’alimentent dans des champs aux États-Unis et ici [dans le sud du Québec] et s’ils sont eux-mêmes consommés par des Inuit? »

Pierre Legagneux, professeur adjoint au Département des sciences et de génie de l’Université Laval
Le professeur adjoint au Département des sciences et de génie de l’Université Laval, Pierre Legagneux, a été nommé à la direction de la Chaire de recherche sur l’impact des migrations animales sur les écosystèmes arctiques. (Grant Gilchrist/Courtoisie de Pierre Legagneux)
Simulation de stress climatiques

Entre les mois de mai et d’août, les scientifiques se sont déjà rendus à l’Île-aux-Oies, dans le sud du Québec, pour installer sur des oies des neiges des colliers capables de suivre leur migration vers l’Arctique canadien, où elles se rendent pour leur nidification.

Le processus visait notamment à déterminer la taille de leurs populations et à suivre leur déplacement vers l’île Bylot, au large de la pointe nord de l’île de Baffin, au Nunavut. L’Université Laval y a d’ailleurs un pied-à-terre – une station de recherche accessible au printemps – depuis 1989.

La station de recherche du Centre d’études nordiques est affiliée à plusieurs universités québécoises, dont l’Université Laval. (Andréanne Beardsell/Courtoisie de Marie-Christine Cadieux)

Une autre partie des travaux portera d’ailleurs sur l’incidence de stress climatiques sur le comportement, la physiologie et la taille de populations d’oiseaux migrateurs, un phénomène que les scientifiques mesureront à l’aide d’implants hormonaux. « Plutôt que d’attendre 30 ans avant de voir comment certaines populations sont capables de s’adapter, nous allons simuler ces différents stress », explique-t-il.

La multiplication des événements climatiques extrêmes, comme la formation de tempêtes ou le manque de nourriture, augmente considérablement le niveau de stress des oiseaux migrateurs.

« Nos travaux antérieurs suggèrent que des stress provoqués dans le Sud pourraient générer des décisions de ne pas se reproduire dans le Nord […] ce qui a évidemment des répercussions sur les dynamiques de population », assure Pierre Legagneux.

Connaissances des Inuit

Pour mener ses recherches, l’équipe de l’Université Laval s’appuiera sur les connaissances des Inuit, qui leur fourniront divers renseignements liés aux déplacements des animaux. « [Les Inuit] sont aux premières loges, souligne-t-il. Ils sont là l’hiver alors que nous ne le sommes pas, ce qui fait qu’on a vraiment une vision biaisée dans nos recherches. »

Les chercheurs s’appuieront notamment sur des données transmises par des Inuit sur l’application mobile Siku, une encyclopédie numérique qui sera officiellement lancée au mois de décembre et où des chasseurs peuvent partager en temps réel des informations sur les migrations d’animaux ou sur les conditions de la glace.

« C’est avant tout une application faite par et pour les Inuit », explique le directeur exécutif de la Société des eiders de l’Arctique, Joel Heath, au bout du fil. L’organisme, qui est derrière l’application, offre entre autres des formations à des chasseurs inuit et cris pour mieux les outiller pour faire face aux changements climatiques.

L’application mobile Siku permet notamment à des chasseurs inuit de cartographier les migrations d’espèces animales. (Courtoisie de Joel Heath)

« Dans un contexte de changements climatiques, des données comme celles-ci sont incroyablement riches », estime le scientifique.

Pierre Legagneux croit que la science participative est une bonne occasion d’allier savoir traditionnel et recherche scientifique. « C’est cette complémentarité qu’on essaye de mettre en place », affirme-t-il.

Au mois de février, l’équipe de scientifiques rencontrera des résidents de Pond Inlet, la communauté limitrophe à leur site de recherche de l’île Bylot, pour leur fournir des renseignements liés à leurs analyses.

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