Une communauté de l’Arctique canadien fait le point sur une route menacée par les changements climatiques
Des résidents d’une communauté de l’Arctique canadien et des représentants du gouvernement du Nunavut se sont réunis pour faire le point sur les défis que pose depuis quelques années le dégel du pergélisol sur une route menant à un parc naturel.
« La communauté [de Kugluktuk] s’inquiétait de l’érosion rapide de la route d’accès de VTT qui mène au parc territorial Kugluk et à des zones de chasse », explique Leesee Papatsie, gestionnaire de la Mise en valeur du patrimoine à la Division des parcs du ministère territorial de l’Environnement.
Mardi soir, une rencontre publique organisée par le gouvernement territorial a permis à des résidents de Kugluktuk, une communauté de l’ouest du territoire, de faire part de leurs préoccupations au sujet de la route d’accès qui mène au parc territorial Kulguk/Bloody Falls.
La rencontre visait aussi à informer le public sur l’évolution d’un projet de recherche lancé en 2017 pour minimiser l’impact des changements climatiques sur le parc naturel.
Le projet est piloté par des experts du Centre d’études nordiques de l’Université Laval, à Québec, de Savoir Polaire Canada et de la Division des parcs du ministère de l’Environnement du Nunavut.
« Beaucoup de gens se plaignent de voir des scientifiques débarquer dans le Nord pour faire leurs recherches, sans informer les communautés de l’objet de leurs travaux, affirme Leesee Papatsie. Donc une grande partie de notre projet est de faire de la vulgarisation scientifique auprès des gens. »
Vulnérabilité croissante
Le parc territorial Kugluk/Bloody Falls est situé à environ 13 kilomètres au sud de la communauté de Kugluktuk, au Nunavut. Pour s’y rendre, les résidents empruntent une route d’accès qui longe la rivière Coppermine. Le site n’est toutefois pas épargné par les changements climatiques qui frappent de plein fouet l’Arctique canadien.
« La piste de VTT qui se rend [au parc territorial] est complètement à refaire », affirme le coordonnateur scientifique d’Arctic Net et chercheur au Centre d’études nordiques (CEN) de l’Université Laval, Marc-André Ducharme.
« Comme c’est rendu dangereux, ça réduit énormément l’accessibilité des résidents à leur territoire », ajoute-t-il.
Cet expert en pergélisol est l’un des scientifiques chargés de mesurer l’impact des changements climatiques sur le pergélisol dans le parc territorial et d’effectuer de la vulgarisation scientifique auprès de résidents de Kugluktuk.
« On s’implique beaucoup dans la communauté, indique-t-il. On a formé des jeunes qui viennent de Kugluktuk pour les sensibiliser aux changements climatiques et [pour] avoir une répercussion dans leur future éducation. »
Marc-André Ducharme affirme que le phénomène d’érosion des sols arctiques sera exponentiel au cours des prochaines années. Selon lui, les communautés les plus à risque seront celles dont les sols présentent de fortes teneurs en argile et en glace.
« On pourrait voir des bâtiments communautaires être complètement détruits par la déformation du sol », prévoit-il, en citant aussi l’exemple de l’aéroport de Salluit, dans le Nord québécois.
La plupart des communautés de l’Arctique canadien dépendent des transports aériens pour l’acheminement de denrées alimentaires et de produits de première nécessité. La dégradation de pistes d’atterrissage rendra certaines communautés d’autant plus vulnérables, souligne-t-il.
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