Mission MOSAiC : un an à la dérive dans les glaces de l’Arctique

Le brise-glace allemand Polarstern quittera vendredi le port de Tromso, en Norvège, vers les eaux de l’Arctique, où il se laissera dériver pendant environ un an. Cette image montre le navire lors d’une expédition en Antarctique, le 12 août 2013. (Mario Hoppmann/Alfred-Wegener-Institut)
Pendant environ 390 jours, 600 experts venant de 19 pays se laisseront dériver dans les profondeurs de l’Arctique. C’est l’ambitieuse aventure à laquelle prendront notamment part deux experts en glace marine associés à des universités canadiennes pour comprendre comment le réchauffement climatique affecte cette région polaire et, de facto, l’ensemble du globe.

« C’est une étude qui va nous permettre de faire des progrès considérables en matière de modélisation climatique […] et donc d’orienter de futures politiques publiques », assure Randall Scharien, professeur adjoint au Département de géographie à l’Université Victoria, dans l’Ouest canadien. Qui dit modèles climatiques plus précis dit aussi projections plus réalistes pour anticiper les transformations à venir.

Randall Scharien, professeur adjoint au Département de géographie à l’Université Victoria et futur participant de l’expédition MOSAiC

Au bout du fil, l’expert en glace marine de l’Arctique a du mal à contenir son excitation. « L’une des choses dont je serai responsable sera d’étudier les propriétés internes de la glace grâce à un système de télédétection par radar à basse fréquence », résume-t-il. Le chercheur admet devoir s’armer de patience avant son départ, prévu en juin 2020.

Une mission de longue haleine

Derrière la mission MOSAiC (Multidisciplinary drifting Observatory for the Study of Arctic Climate) se devine une odyssée scientifique d’une logistique minutieuse, où rien ne sera laissé au hasard.

À partir de vendredi, des experts des quatre coins du globe – du Japon à la Suisse, en passant par l’Espagne – se relaieront pendant un an à bord du brise-glace allemand Polarstern. Après avoir quitté le port de Tromso, en Norvège, le navire de recherche se laissera dériver en suivant le courant et le mouvement des glaces arctiques. Difficile, donc, d’anticiper avec exactitude où les scientifiques entreprendront leurs recherches.

L'expédition MOSAiC en quelques chiffres
  • 390 jours estimés;
  • 600 scientifiques internationaux à bord (par alternance);
  • 19 pays impliqués;
  • 140 millions d’euros (environ 205 millions de dollars canadiens);
  • 4 brise-glaces de ravitaillement;
  • 7 km par jour;
  • 6 personnes affectées à la surveillance d’ours polaires aux alentours du navire Polarstern.

L’Institut Alfred Wegener pour la recherche polaire et marine (AWI), en Allemagne, est derrière ce projet, dont les coûts avoisinent les 140 millions d’euros (environ 205 millions de dollars canadiens).

Étudier le système climatique de l’Arctique

Les analyses des scientifiques graviteront autour de cinq axes de recherche – l’atmosphère, la glace marine, l’océan, la biogéochimie et l’écosystème – liés les uns aux autres par de complexes interrelations. Même si ces axes sont bien délimités, leurs composantes seront toutes étudiées de manière homogène, explique Randall Scharien.

À elle seule, la glace regorge de micro-organismes marins capables de métaboliser les composés chimiques échangés entre l’océan et l’atmosphère. Mais elle est aussi essentielle dans les échanges énergétiques, comme la réflexion de la lumière et de la chaleur par l’effet albédo.

La réduction de l’effet albédo, causée par la hausse des températures, diminue la réflexion des rayons du soleil sur les glaces polaires. La Terre absorbe ainsi davantage la chaleur et se réchauffe plus rapidement. Cette image montre des eaux ouvertes au nord du Groenland, en août 2018. (Alfred-Wegener-Institut)

Vishnu Nandan est chercheur postdoctoral au Centre des sciences de l’observation de la Terre (CEOS) à l’Université du Manitoba et spécialiste en surveillance en continu de la glace marine de l’Arctique et de l’Antarctique.

Au mois de décembre, il sera au nombre des experts déployés pour étudier comment les changements climatiques transforment les glaces marines et entraînent une diminution de leur étendue. « Comment les changements dans l’atmosphère affectent-ils la surface de neige et de glace de mers? », s’interroge Vishnu Nandan.

Des experts suivent une formation près d’Oulo, en Finlande, en préparation pour l’expédition MOSAiC. (Roland Kerstein/Alfred-Wegener-Institut)

« [Au Canada], nous avons une très grande expertise en surveillance en continu des glaces marines par des capteurs radars », soutient Randall Scharien. « Cette expertise s’est même raffinée avec le temps en raison des changements climatiques qui frappent l’Arctique et les voies navigables », poursuit le professeur adjoint à l’Université Victoria.

La glace marine sous la loupe

Le défi des chercheurs sera de taille, puisqu’ils devront travailler dans des conditions extrêmes où les nuits polaires sont particulièrement longues et les températures hivernales avoisinent parfois les moins 45 degrés.

« L’idée sera de comprendre quels sont les procédés menant aux changements de la glace des mers. »

Vishnu Nandan, chercheur postdoctoral à l’Université du Manitoba et futur participant de l’expédition MOSAiC

Vishnu Nandan participera à l’installation de quatre capteurs radars sur les glaces marines. « [Ces capteurs radars] vont prendre des mesures automatiques sur la neige et sur la glace, explique-t-il. Et ils pourront être utilisés à n’importe quel moment du jour ou de la nuit. »

Lors de précédentes recherches, des scientifiques de l’Université Victoria installent un diffusomètre, un type de capteur radar, sur la glace marine du détroit de Dease, près de Cambridge Bay, dans l’Arctique canadien, en avril 2018. (Alex Fradkin/Courtoisie de Randall Scharien)

Les experts s’appuieront aussi sur les images des trois nouveaux satellites canadiens de la mission de la Constellation RADARSAT (MCR), capables de balayer la Terre jour et nuit, quelles que soient les conditions météorologiques. « Pendant l’expédition MOSAiC, nous allons utiliser des capteurs radars de surface qui utilisent les mêmes fréquences que la MCR, ce qui nous permettra de faire un lien entre nos données et celles captées par les satellites », mentionne le chercheur postdoctorant.

De cette manière, l’équipe s’attend à ce que les données recueillies sur le terrain valident celles collectées par les satellites. « [L’expédition] MOSAiC nous permettra de jeter un premier regard sur la MCR », souligne-t-il.

À l’issue de l’expédition, les équipes colligeront leurs résultats d’observation en une base de données. « Ultimement, les analyses seront rendues publiques et regroupées dans une base de données ouverte à tous », indique Randall Scharien. Mais il espère surtout que leur legs scientifique influencera, une fois pour toutes, les décideurs politiques.

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