Nord canadien : le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest priorise trop la capitale, selon des communautés
De Fort Smith à Tuktoyaktuk, certaines communautés des Territoires du Nord-Ouest, dans le Nord canadien, se sentent souvent oubliées par les leaders du territoire et elles dénoncent les effets d’une centralisation des ressources et services qui se retrouvent à Yellowknife, la capitale.
Le débat sur l’emplacement du campus principal de la future Université polytechnique ainsi qu’où sera basée sa direction représente bien un sentiment que partagent de nombreux habitants des communautés hors de Yellowknife.
D’un côté, un rapport souhaite que le quartier général de l’université soit déplacé à Yellowknife. Cela permettrait de rapprocher la direction et les étudiants des employeurs et des décideurs du territoire, tout en leur offrant un meilleur environnement hors des heures d’études.
De l’autre côté, les habitants de Fort Smith craignent que de perdre la direction et le statut de campus principal, l’actuel College Aurora, ait un impact sur la population et ultimement sur les services et ressources offerts au public.
Est-ce que le territoire devrait mettre en avant l’attrait économique de Yellowknife ou maintenir le moteur de développement de l’une de ses communautés? Ce sera à la prochaine Assemblée législative de choisir.
Mais pour les habitants de Fort Smith comme le conseiller municipal et maire adjoint, Kevin Smith, l’éclosion de ce débat ne fait que démontrer que les décisions faites par Yellowknife ne représentent pas toujours les inquiétudes des communautés.
Ce sentiment de déséquilibre entre Yellowknife et les communautés est aussi ressenti dans d’autres collectivités du territoire. À Tuktoyaktuk, par exemple, certains résidents ne se sentent pas écoutés par les dirigeants dans la capitale.
Selon le président de la Société communautaire de Tuktoyaktuk, Eddie Dillon, le problème repose sur le fait que le financement d’Ottawa pour le gouvernement territorial se rend rarement jusqu’aux communautés.
« Pour que le financement se rende jusqu’ici il faut répondre à ce critère ou à celui-ci et répondre à cette formule, explique Eddie Dillon. Souvent, nous nous demandons ce qui répond à la formule. »
« Seul le fait que nous soyons un centre gouvernemental régional sauve Fort Simpson, explique pour sa part le maire de la communauté, Sean Whelly. Ils ne cherchent pas vraiment à améliorer la santé des communautés. »
Les gouvernements autochtones en charge des services
Pour sa part, le président de la société régionale Inuvialuite, Duane Smith, cite pour le manque de services juridiques dans le nord du territoire.
« Nous, en tant que gouvernement autochtone, avons dû prendre en charge plusieurs services, non seulement pour nos bénéficiaires, mais aussi pour l’ensemble du public, explique Duane Smith. Ce sont des services du gouvernement territorial qui devraient au moins être offerts ici [à Inuvik] dans le centre de la région, mais ils ne le sont pas. »
Le bon côté de la chose, selon lui, est que ce manque de différents services comme le service juridique a poussé son organisation ou les différentes sociétés des collectivités inuvialuites à développer leurs propres services comme le veut l’entente sur les droits ancestraux des Inuvialuits.
Ce ne sont toutefois pas toutes les régions qui peuvent se permettre d’offrir leurs propres services. Certaines communautés, comme Fort Smith, restent en fonction du gouvernement.
Moins de fonctionnaires à Fort Smith?
À Fort Smith il n’y a pas que l’avenir du Collège Aurora qui inquiète les habitants. Selon Kevin Smith et sa collègue Jessica Cox plusieurs postes de fonctionnaires auraient été rapatriés à Yellowknife ou ailleurs ces dernières années.
En 2016, les ministères des Travaux publics et des Transports ont été fusionnés et leur siège régional a été transféré de Fort Smith à Hay River.
En échange, le territoire a installé le siège de la nouvelle administration des terres, issues du transfert des responsabilités d’Ottawa aux T.N.-O. à Fort Smith.
Selon la conseillère municipale, Jessica Cox, aucun nouvel emploi n’a cependant été créé puisque les employés fédéraux n’ont fait que devenir employés des territoires.
« Nous ne pouvons plus recruter nos propres médecins », note aussi Kevin Smith, en mentionnant la fusion des administrations de services de santé du territoire. Le manque de médecins a d’ailleurs forcé la fermeture du centre de santé à plusieurs reprises.
« La dernière chose que nous voulons, c’est de se battre avec Hay River pour un poste ou avec Yellowknife pour l’Université polytechnique, dit-il. Ce que nous voulons c’est plus d’unité et de collaboration avec le gouvernement territorial. Nous voulons sentir que nous sommes entendus. »
Le candidat et ministre sortant pour la circonscription Louis Sebert assure pourtant qu’il y a autant de postes à Fort Smith aujourd’hui qu’à son arrivée en poste il y a quatre ans.