La taxe carbone et la dépendance au diesel dans le Nord canadien
Pendant que les habitants du sud du Canada parlent de changements climatiques et de taxe carbone, tout en rivalisant d’imagination pour exploiter les sources d’énergie propre, ceux des communautés les plus au nord vivent les effets des changements climatiques tout en générant toujours leur électricité et leur chauffage à partir de combustibles fossiles. Au pays du générateur électrique, la taxe carbone génère parfois plus de maux de tête que d’économies.
« Si vous habitez à Ulukhaktok, une communauté de 350 âmes loin dans l’Arctique, sans diesel, vous n’avez pas de chauffage », explique l’ancien premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod.
S’il salue les initiatives énergétiques du sud, l’ancien élu note la difficulté d’appliquer les solutions que lui proposent ses compatriotes vivant plus près du 49e parallèle.
Il raconte avoir reçu souvent des appels d’entreprises du sud du pays lui demandant pourquoi il n’investissait pas des millions de dollars dans l’énergie solaire ou éolienne et son stockage.
« On est 44 000 personnes réparties sur 1,5 million de kilomètres carrés [et] quand il fait -45 pendant 3 mois, ça prend du chauffage »
La taxe carbone territoriale
Le gouvernement que Bob McLeod dirigeait jusqu’aux élections du 1er octobre avait lancé la taxe carbone territoriale le 1er septembre afin d’éviter l’imposition de la taxe fédérale.
Si le territoire promet de redonner l’argent perçu aux habitants, le coût du carburant demeure une préoccupation pour plusieurs.
« Le prix du diesel ne cesse d’augmenter », constate Xavier Canadien, le chef de la Première Nation de Deh Gah Got’ie, à Fort Providence.
Selon lui, le village de 700 habitants dépense des millions de dollars chaque année pour s’approvisionner en carburant.
Pour tenter de réduire les coûts de combustibles, la Première Nation a installé des panneaux solaires sur le toit du centre communautaire et un système de chauffage à la biomasse à l’école.
Ce qui manque, selon lui, c’est l’argent nécessaire pour installer et entretenir ces systèmes.
L’obstacle géographique
Parmi les 33 communautés que comptent les Territoires du Nord-Ouest, 12 ne sont accessibles qu’en avion et une dizaine sont reliées par des chemins de terre.
« La plupart des Canadiens n’ont aucune idée de la distance entre ces gens », explique Bob McLeod.
Quant aux centrales hydroélectriques de Snare et Taltson, plus au sud, leur réseau de distribution ne se rend pas aussi loin au nord.
Il reste donc les combustibles fossiles qui, en plus de générer des émissions de carbone par leur utilisation, en produisent aussi par leur transport.
Si la barge de livraison du carburant n’arrive pas à se rendre à temps pour le début de l’hiver, le seul moyen d’importer le précieux liquide est d’en livrer plusieurs millions de litres en avion, un vol à la fois.
Les efforts du Nord
Pour Bob McLeod, les communautés nordiques ont peu de moyens pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Les trois territoires comptent pour moins de 1 % des émissions de ces gaz à l’échelle canadienne.
« On fait ce qu’on peut, mais en réalité, ce n’est pas nous [dans le Nord], qui causons le problème », croit l’ancien élu, qui ajoute être aux prises avec un problème créé par le sud du pays et le reste du monde.
Tous touchés par les changements climatiques
En demandant aux habitants du Nord s’ils voient les effets des changements climatiques, la réponse est claire et sentie.
« Je donnais un coup de main lors d’une conférence sur les changements climatiques à Yellowknife [la capitale territoriale] et quand on a demandé aux gens présents s’ils avaient déjà constaté des effets du changement climatique dans leur propre vie, ils ont tous levé la main », raconte la titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les forêts et le changement mondial à l’Université Wilfrid Laurier, Jennifer Baltzer.
Des trappeurs et chasseurs de Fort Providence soutiennent aussi avoir constaté des changements dans le pelage des animaux qu’ils attrapent.
« Beaucoup de nos membres ont de la difficulté à vendre leurs fourrures parce qu’elles ne sont plus de première qualité », explique Sam Gargan, un conseiller de la Première Nation de Deh Gah Got’ie.
Avec les informations de Tracy Fuller