Des organisations inuit satisfaites des résultats des élections canadiennes
Des organisations inuit d’est en ouest du Canada ont poussé un soupir de soulagement en prenant connaissance des résultats des élections fédérales, lundi soir.
« Je suis très satisfait de voir les libéraux revenir au pouvoir », affirme au bout du fil le président de la Société Makivik, Charlie Watt. L’organisme vise à promouvoir le développement social, économique et culturel des Inuit du Nunavik, dans le Nord québécois.
Les électeurs de l’Arctique canadien devaient élire leur député dans chacune des cinq circonscriptions nordiques : celles du Yukon (nord-ouest du Canada), des Territoires du Nord-Ouest (nord), du Nunavut (est de l’Arctique canadien), de l’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou (Nord du Québec) et du Labrador (Atlantique).
D’est en ouest du pays, les associations représentant les Inuit de leur province ou territoire respectif s’attendent à continuer les travaux entrepris par l’entremise du Comité de partenariat entre les Inuit et la Couronne, qui réunit, depuis sa création en 2017, des représentants du gouvernement fédéral et ceux des régions inuit du pays.
« Le comité nous a vraiment aidés à mettre en place des programmes fondamentaux pour les Inuit du Labrador et le gouvernement du Nunatsiavut », affirme Johannes Lampe, président du Nunatsiavut, la région inuit du Canada atlantique.
Un gouvernement de « coopération »
Bien que les libéraux conservent le pouvoir, certains organismes inuit s’attendent à ce que l’élection d’un gouvernement minoritaire requière de plus grands efforts de collaboration entre les différents partis politiques.
« J’éprouve encore des sentiments mitigés parce qu’un gouvernement minoritaire signifie aussi que des élections pourraient être déclenchées à nouveau, explique la présidente du Conseil national des jeunes inuit, Crystal Martin-Lapenskie. Mais d’un autre côté, c’est une bonne occasion de coopération pour les différents partis politiques. »
Au terme d’une campagne électorale de 40 jours, les libéraux ont remporté 157 des 338 sièges à la Chambre des communes, mais il en faut 170 pour former un gouvernement majoritaire. Dans l’histoire, les mandats des gouvernements minoritaires au Canada ont été souvent écourtés en raison du déclenchement de nouvelles élections.
Mais la chef régionale de l’Assemblée des Premières Nations (APN) pour le Yukon, Kluane Adamek, croit pour sa part qu’un gouvernement minoritaire incitera les organisations autochtones à mettre les bouchées doubles pour faire valoir leurs priorités. « J’aime voir tout cela de manière positive, parce que ça nous donne l’occasion de continuer sur notre lancée et de nous assurer que les élus comprennent les enjeux qui touchent les Premières Nations et les solutions proposées par les communautés autochtones », affirme-t-elle.
L’environnement, la santé, le suicide et la pénurie de logements dans la ligne de mire
Les conséquences des changements climatiques dans l’Arctique, la pénurie du logement, les soins de santé et la prévention du suicide sont quatre axes sur lesquelles plusieurs organisations inuit souhaiteraient voir le gouvernement fédéral se pencher en priorité.
« Avec la COP25, la Conférence de Santiago qui a lieu au début du mois de décembre, énormément de travail en matière d’environnement nous attend au cours des prochains mois », soutient la vice-présidente de la branche canadienne du Conseil circumpolaire inuit (CCI), Lisa Koperqualuk.
Dégel du pergélisol, fonte précoce des glaces, verdissement de la toundra… Les changements climatiques frappent de plein fouet le nord du pays et menacent à la fois les traditions des Inuit et leurs infrastructures.
La présidente de l’association Nunavut Tunngavik Inc. (NTI), Aluki Kotierk, croit d’ailleurs que le déficit en matière d’infrastructure accentue le fossé entre les Inuit et les non-Inuit. « Et quand on parle de déficit lié aux infrastructures, ça comprend aussi bien le logement que l’Internet haute vitesse ou encore les écoles, mentionne-t-elle. Ce déficit est présent à tous les niveaux. »
Cinq circonscriptions nordiques, des élus de trois partis
Les députés Larry Bagnell et Michael McLeod, du Parti libéral du Canada (centriste), ont été réélus dans leur circonscription respective, soit le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest, qui correspondent à deux territoires du nord du pays. Au Nunavut, les électeurs ont opté pour le renouveau en élisant la candidate Mumilaaq Qaqqaq, du Nouveau Parti démocratique, parti de centre gauche.
Plusieurs organisations inuit se réjouissent de voir cette jeune inuk originaire de Baker Lake, dans le sud du territoire, gagner sa place à la Chambre des communes. « C’est une personne très accessible et en tant que jeune femme inuk, je suis certaine qu’elle sera sensible aux problématiques qui touchent les autres femmes inuit », assure la présidente de l’organisme pour femmes inuit Pauktuutit, Rebecca Kudloo.
La libérale Yvonne Jones garde les rênes de la circonscription du Labrador, dans le Canada atlantique, où elle a obtenu 41,8 % des voix.
C’est dans la circonscription d’Abitibi-Baie-James-Nunavik-Eeyou, où résident près de 12 000 Inuit, que le résultat en a surpris plusieurs. La candidate Sylvie Bérubé, du Bloc québécois, un parti indépendantiste de centre gauche, remplacera le néo-démocrate Roméo Saganash, qui ne se représentait pas.
« Nous voyons encore le Sud microgérer notre région, donc nous allons sans aucun doute continuer à travailler pour parvenir à l’autodétermination », soutient le président de la Société Makivik. L’organisme travaille depuis plusieurs mois à l’élaboration d’une constitution pour le Nunavik dont l’objectif, à terme, sera de créer un gouvernement autonome.
Parmi les cinq circonscriptions nordiques, c’est au Yukon que le taux de participation a été le plus élevé, atteignant 70,91 %, une proportion qui ne tient pas compte des électeurs qui se sont inscrits le jour de l’élection, selon Élections Canada.