Les trappeurs, la Compagnie du Nord-Ouest et les défis du marché de la fourrure au Canada

Les aléas du marché de la fourrure ont un impact sur les négociants et les trappeurs. (Lise Millette/Radio-Canada)
Après avoir annoncé qu’elle n’achèterait plus les peaux des trappeurs dans ses magasins Northern situés dans le nord du pays, la Compagnie du Nord-Ouest (CNO), dont le siège social est à Winnipeg au Manitoba, a fait volte-face.

Sa décision a suscité des critiques dans le nord du Manitoba, de l’Ontario et de la Saskatchewan, des régions où les magasins Northern jouent un rôle important dans le marché de la fourrure.

Selon Robert Grandjambe junior, trappeur expérimenté de la Première Nation crie Mikisew, bon nombre de ses confrères se sont inquiétés de cette décision.

Le 11 décembre, quelques jours après son annonce initiale, la CNO a dit qu’elle changeait d’idée et que la mise sur pied d’un partenariat avec l’entreprise Fur Harvesters Auction lui permettait de « recommencer à accepter les peaux et appuyer la communauté des trappeurs ».

Derek Reimer, le directeur du développement des affaires, reconnaît que la compagnie est revenue sur sa décision en réaction aux nombreuses critiques.

« C’est vraiment une toute petite part de nos revenus, mentionne Derek Reimer, mais nous comprenons la signification historique et l’importance de cette activité dans les communautés du Nord, tant du point de vue économique que culturel. »

La CNO et les trappeurs ont une relation commerciale qui remonte au début du 17e siècle. Mais de nos jours, le marché des peaux fait face à des défis de toutes sortes qui rendent la vie difficile aux négociants de fourrure comme aux trappeurs.

Les cas des T.N.-O.

Dans les Territoires du Nord-Ouest (T.N.-O.), les trappeurs se tournent vers le gouvernement territorial davantage que vers la CNO pour vendre leurs peaux. Le gouvernement du territoire a mis sur pied un programme qui met les trappeurs en rapport avec des clients internationaux et les met à l’abri des fluctuations du marché.

Environ 650 trappeurs vendent ainsi leurs peaux en passant par ce programme des T.N.-O., explique un négociant de fourrure pour le gouvernement territorial, François Rossouw.

Le trappeur inuvialuit, Nathan Kogiak, se tient dans sa cabane à Yellowknife où il prépare des peaux de loups, de lynx et de renards. (Kate Kyle/Radio-Canada)

François Rossouw, qui estime que les provinces et territoires devraient tous se doter d’un programme semblable pour appuyer l’activité des trappeurs, affirme que les magasins de la CNO sont devenus un dernier ressort pour les trappeurs de sa région.

Malgré tout, il pense que la décision abrupte de la Compagnie du Nord-Ouest était une erreur.

« Les trappeurs continuent tout de même de faire des affaires avec les magasins Northern s’ils le préfèrent, ou pour obtenir plus rapidement de l’argent qu’ils peuvent utiliser pour leurs achats au magasin », explique-t-il.

Mais plus encore, il affirme que la longue histoire de la CNO dans la traite des fourrures devrait faire comprendre à la compagnie sa responsabilité particulière envers les communautés.

Les difficultés du marché

Reste que cette décision de ne plus acheter de peaux est en lien avec les tendances du marché, reconnaît François Rossouw.

En novembre, l’entreprise ontarienne North American Fur Auctions a dû se placer sous la protection de la loi sur la faillite, dit-il.

Les fermes d’élevage d’animaux à fourrure ont elles aussi un impact sur la demande de peaux d’animaux sauvages et les marchés sont saturés après des années de surproduction. « C’est devenu ennuyeux d’avoir un manteau de vison », constate François Rossouw.

Il faut, pense-t-il, éduquer les acheteurs pour qu’ils comprennent davantage les types d’espèces et la qualité qu’ils peuvent obtenir en achetant des peaux provenant d’animaux sauvages.

La relève est une autre stratégie gagnante dont il faut s’occuper, juge François Rossouw. « Un jeune trappeur qui rentre avec une belle prise devient ensuite cette personne qu’on admire dans la communauté, et c’est cool », explique-t-il.

Des trappeurs résilients
Robert Grandjambe junior passe la moitié de l’année dans la nature sauvage à trapper des animaux. On le voit ici dans sa cabane de trappe, à quelques heures de Fort Chipewan, en Alberta. (Danny Cox)

Robert Grandjambe junior en est à sa 29e saison de trappe. Il n’a pas vendu de peaux dans un magasin Northern depuis qu’il était adolescent à Fort Chipewyan, en Alberta, un endroit qui se situe à quelques heures seulement de son actuel territoire de trappe. Il vend ses prises au Genuine Mackenzie Valley Fur Program.

À ses débuts, il ne connaissait pas le système des ventes aux enchères et obtenait le quart de la valeur qu’il aurait pu avoir pour ses pelleteries. « Je n’en savais pas plus et la CNO était mon seul moyen de vendre mes peaux », dit-il.

Pour lui qui a appris de son père et de son grand-père, la trappe est beaucoup plus qu’une activité économique. Il est important, dit-il, de garder les lignes de trappe en vie et de faire de la trappe une activité durable.

« C’est notre responsabilité de maintenir cette relation avec la terre et de continuer d’être sur la terre, dit-il. Ce n’est pas parce qu’ils rencontrent un pépin en chemin que les trappeurs arrêteront de trapper. »

– Avec des informations d’Avery Zingel, CBC

Radio-Canada

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